Certaines molécules intervenant dans des réactions chimiques ont une existence tellement éphémère qu'elles sont difficiles à étudier par les moyens spectroscopiques habituels, ce qui exige de faire appel aux ultraviolets extrêmes générés par les grands synchrotrons. Une équipe de chercheurs français a cependant trouvé le moyen d'en produire à l'aide d'une source plus compacte et plus facilement disponible. Voila de quoi améliorer l'exploration des mystères de la femtochimie et de la subfemtochimie.

au sommaire


    2015 est l'Année internationale de la lumière. Dans ce domaine d'étude, il n'existe probablement pas de technologie plus importante que celle des lasers en ce début de XXIe siècle. Ils sont ainsi très utiles pour les télécommunications par fibre optiquefibre optique qui rendent possibles InternetInternet et la révolution informatique issue des travaux d'Alan Turing.

    L'une des figures marquantes de la technologie des lasers vient hélas de nous quitter. Le prix Nobel de physique Charles Townes est en effet décédé le 27 janvier 2015. Mais son héritage est bien vivant comme le prouve un article publié dans Nature Photonics par des membres du Centre lasers intenses et applications (CELIA), du synchrotron Soleil, du Laboratoire interactions, dynamique et lasers - LIDyL (CEA) et du Laboratoire collisions, agrégats, réactivité - LCAR (CNRS/Univ. Toulouse 3).

    Mais les lasers sont également de formidables outils pour pénétrer le monde des réactions chimiques. C'est notamment le cas des lasers à impulsions lumineuses ultrabrèves et des lasers femtosecondesfemtosecondes. Ce monde des réactions entre atomesatomes et moléculesmolécules peut aussi être exploré avec les lignes de lumièrelumière situées dans le domaine des rayons Xrayons X ou des rayons ultravioletsultraviolets et fournies par les synchrotrons. Problème : ces machines imposantes restent peu nombreuses. Les physiciensphysiciens et les chimistes doivent donc faire la queue pour se rendre sur les rares sites où se trouvent ces machines et pouvoir faire leurs expériences.

    Charles Townes (1915-2015 ) a obtenu le prix Nobel de physique de 1964 (avec Nikolaï Bassov et Alexandre Mikhaïlovitch Prokhorov) pour des travaux fondamentaux en électronique quantique, notamment sur le maser et le laser. © Elena Zhukova, UC Berkeley

    Charles Townes (1915-2015 ) a obtenu le prix Nobel de physique de 1964 (avec Nikolaï Bassov et Alexandre Mikhaïlovitch Prokhorov) pour des travaux fondamentaux en électronique quantique, notamment sur le maser et le laser. © Elena Zhukova, UC Berkeley

    Des ultraviolets extrêmes pour faire de l'attoscience

    Les impulsions lumineuses ultrabrèves polarisées circulairement dans l'ultraviolet sont par exemple très prisées pour mettre en évidence les structures d'intermédiaires de réactions éphémères. En effet, celles-ci ne peuvent pas être caractérisées par des méthodes spectroscopiques plus standards. Il s'agissait malheureusement jusqu'à présent de l'exemple type d'une source de lumière qui n'était disponible qu'à l'aide de synchrotrons ou encore de lasers à électrons libres, tout aussi encombrants. Or, l'équipe de chercheurs français vient justement de montrer qu'il était possible d'utiliser à la place un laser femtoseconde produisant des impulsions millijoules et qui se trouve dans tous les laboratoires étudiant les dynamiques moléculaires ultrarapides.

    Dans l'expérience qu'ils ont réalisée, des impulsions laser infrarougesinfrarouges polarisées circulairement et intenses sont focalisées sur un jet moléculaire contenant de l'hexafluorure de soufresoufre (SF6). Il se produit alors un processus complexe dont le bilan final est l'émissionémission d'impulsions attosecondes (1 as = 10-18 s), dans l'ultraviolet extrême, polarisées quasi circulairement. Sous l'action de ces impulsions, des molécules chirales de fenchone (un terpèneterpène polycyclique constituant de l'absinthe et de l'huile essentielle de fenouilfenouil) ont éjecté des électronsélectrons parallèlement ou antiparallèlement au faisceau de lumière ultraviolette incident selon son état de polarisation circulaire.

    Le site du CNRS fait état de cette avancée. Selon l'organisme, la simplicité de la méthode devrait permettre sa diffusiondiffusion dans de nombreux laboratoires spécialisés dans la subfemtochimie, en particulier lorsqu'il est question de faire des mesures de chiralitéchiralité des molécules étudiées. En effet, la précision de ce type de mesure est cent fois plus grande qu'avec les techniques habituelles.