En combinant les données de l'observatoire Gemini à Hawaï, du télescope spatial Hubble et de la sonde spatiale Juno, une équipe d'astronomes a pu étudier en détail l'atmosphère et la météorologie de Jupiter.


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    Une équipe menée par Michael Wong, de l'université de Californie à Berkeley, a combiné l'observatoire Gemini, le télescope spatial Hubble et la sonde spatiale Juno pour étudier l'atmosphèreatmosphère de JupiterJupiter. Le premier, situé à Hawaï, a observé la planète en infrarouge alors que le second, à environ 600 kilomètres de la surface terrestre, l'a imagée en ultraviolet et en lumière visible. JunoJuno, en orbite autour de la planète géanteplanète géante a, elle, fourni des données dans le domaine radio. Leurs résultats sont détaillés dans un article paru dans The Astrophysical Journal Supplement Series.

    Jupiter vue en infrarouge par l'observatoire Gemini. Cette image a été compilée à partir d'une mosaïque de 9 pointages réalisés le 29 mai 2019. Chaque pointage consistait en 38 poses d'<em>« imagerie chanceuse »</em>, dont les 10 % des meilleures furent conservées pour chaque neuvième du disque de Jupiter. Bien que la prise de chaque image ne prenne que quelques secondes, les 38 poses d'un pointage peuvent prendre plusieurs minutes, ce qui est suffisant pour que certaines structures se déplacent de façon notable sur le disque. Pour comparer et combiner les images, elles sont d'abord associées à leurs latitude et longitude réelles sur la planète en utilisant le bord du disque comme référence. Les images finales ont une résolution parmi les meilleures jamais obtenues en infrarouge de Jupiter depuis le sol. © International Gemini Observatory, NOIRLab, NSF, AURA, M.H. Wong (UC Berkeley)
    Jupiter vue en infrarouge par l'observatoire Gemini. Cette image a été compilée à partir d'une mosaïque de 9 pointages réalisés le 29 mai 2019. Chaque pointage consistait en 38 poses d'« imagerie chanceuse », dont les 10 % des meilleures furent conservées pour chaque neuvième du disque de Jupiter. Bien que la prise de chaque image ne prenne que quelques secondes, les 38 poses d'un pointage peuvent prendre plusieurs minutes, ce qui est suffisant pour que certaines structures se déplacent de façon notable sur le disque. Pour comparer et combiner les images, elles sont d'abord associées à leurs latitude et longitude réelles sur la planète en utilisant le bord du disque comme référence. Les images finales ont une résolution parmi les meilleures jamais obtenues en infrarouge de Jupiter depuis le sol. © International Gemini Observatory, NOIRLab, NSF, AURA, M.H. Wong (UC Berkeley)

    La radio des orages joviens

    Les oragesorages sur Jupiter sont énormes par rapport à ceux sur la Terre, avec des nuagesnuages pouvant atteindre 65 kilomètres de haut, cinq fois plus que les nuages d'orage typiques sur notre Planète, et des éclairséclairs pouvant libérer trois fois plus d'énergieénergie que les plus intenses coups de foudrefoudre chez nous. Tout comme sur Terre, la foudre émet des ondes radio et de la lumière visible quand elle éclaire le ciel jovienjovien.

    Tous les 53 jours, Juno passe près des systèmes orageux de Jupiter et en détecte les signaux radio, ce qui permet de cartographier les éclairs y compris côté jour et des nuages profonds où les éclairs ne sont pas visibles autrement. À chaque fois, Hubble et Gemini capturent de loin des images globales à haute résolutionrésolution de la planète, nécessaires pour interpréter les observations de Juno.

    En liantliant les données des trois instruments, les chercheurs ont montré que l'apparition des éclairs était associée à la combinaison de nuages profonds faits d'eau, de grandes tours convectives produites par l'élévation d'airair humide (en gros, des nuages d'orage) et de régions dégagées supposément produites par la descente d'air plus sec en dehors des tours convectives. Les données de Hubble montrent la hauteur des nuages épais dans les tours convectives ainsi que la profondeur des nuages d'eau profonds, alors que les données de Gemini révèlent les éclaircies dans les nuages d'altitude, où il est possible d'avoir un aperçu des nuages d'eau profonds.

    Cette illustration montre les éclairs, tours convectives (nuages d'orage), nuages d'eau profonds et éclaircies dans l'atmosphère de Jupiter sur la base des données recueillies par Juno, Hubble et Gemini. La région illustrée couvre une largeur horizontale d'environ 6.500 kilomètres. © Nasa, ESA, M.H. Wong (UC Berkeley), et A. James et M.W. Carruthers (STScI).
    Cette illustration montre les éclairs, tours convectives (nuages d'orage), nuages d'eau profonds et éclaircies dans l'atmosphère de Jupiter sur la base des données recueillies par Juno, Hubble et Gemini. La région illustrée couvre une largeur horizontale d'environ 6.500 kilomètres. © Nasa, ESA, M.H. Wong (UC Berkeley), et A. James et M.W. Carruthers (STScI).

    Michael Wong pense que les éclairs sont courants dans des zones turbulentes nommées régions filamentaires pliées, ce qui laisse penser que de la convectionconvection humide s'y produit. Selon lui, ces vortexvortex cycloniques pourraient être des « cheminéescheminées » aidant l'énergie interneénergie interne à s'échapper par convection. La capacité à corréler les éclairs aux nuages d'eau profonds permet également d'estimer la quantité d'eau dans l'atmosphère jovienne, un élément important pour comprendre comment Jupiter et les autres planètes géantes se sont formées et, par suite, comment le Système solaireSystème solaire dans son ensemble s'est constitué.

    Des trous dans la Grande Tache rouge

    Les observations plus fréquentes de Hubble et Gemini ont également permis d'étudier des changements à court terme et des structures éphémères comme celles dans la Grande Tache rouge.

    Les images de Juno et de missions antérieures ont révélé des structures sombres à l'intérieur de la Grande Tache rougeGrande Tache rouge, qui apparaissent, disparaissent et changent de forme au cours du temps. Cependant, il n'était pas clair de comprendre si elles étaient produites par un matériaumatériau sombre indéterminé à l'intérieur de la couche nuageuse ou si elles étaient des trous dans les nuages hauts.

    Les images de Hubble et Gemini prises à seulement quelques heures d'écart ont permis de constater que les régions sombres en lumière visible sont très brillantes en infrarouge, ce qui montre qu'elles sont des trous dans la couche nuageuse. Dans les régions sans nuage, la chaleurchaleur provenant de l'intérieur de Jupiter, émise sous forme d'infrarouges (autrement bloquée par les nuages hauts), peut s'échapper librement vers l'espace et apparaît donc brillante sur les images de Gemini.

    Ces images de la Grande Tache rouge ont été obtenues à partir de données recueillies par Hubble et Gemini le 1<sup>er</sup> avril 2018. Les observations combinées montrent que les zones brillantes en infrarouge sont des éclaircies ou zones avec moins de couverture nuageuse bloquant la chaleur de l'intérieur. Les observations de Hubble et Gemini ont été faites pour fournir une vue de contexte global pour le 12<sup>e</sup> périjove de<em> </em>Juno. © Nasa, ESA, M.H. Wong (UC Berkeley) et son équipe
    Ces images de la Grande Tache rouge ont été obtenues à partir de données recueillies par Hubble et Gemini le 1er avril 2018. Les observations combinées montrent que les zones brillantes en infrarouge sont des éclaircies ou zones avec moins de couverture nuageuse bloquant la chaleur de l'intérieur. Les observations de Hubble et Gemini ont été faites pour fournir une vue de contexte global pour le 12e périjove de Juno. © Nasa, ESA, M.H. Wong (UC Berkeley) et son équipe

    Suivi météo de Jupiter par Hubble et Gemini

    Les images régulières de Hubble et Gemini se montrent également précieuses pour l'étude de nombreux autres phénomènes atmosphériques, parmi lesquels le changement de configuration des ventsvents, les caractéristiques des ondes atmosphériques et la circulation de divers gazgaz dans l'atmosphère. Hubble et Gemini peuvent surveiller la planète entière, fournissant des cartes en temps réel dans plusieurs longueurs d'ondelongueurs d'onde, qui servent de référence pour les mesures de Juno de la même façon que les satellites météorologiquessatellites météorologiques d'observation de la Terreobservation de la Terre fournissent le contexte aux avions chasseurs d'ouragansouragans de la NOAANOAA. « Nous pouvons enfin commencer à regarder les cycles météorologiques », se réjouit Amy Simon, du Centre de vol spatial Goddard de la NasaNasa.

    Étant donné l'importance des observations de Hubble et Gemini pour interpréter les données de Juno, Michael Wong et ses collègues ont rendu facilement accessibles aux autres chercheurs les données traitées. « Il y a tellement d'applicationsapplications de [ce] jeu de données que nous ne pouvons même pas anticiper. Nous allons donc permettre à d'autres personnes de faire de la science sans cet obstacle d'avoir à trouver par eux-mêmes comment traiter les données », a déclaré Wong.