On a longtemps pensé qu’Homo sapiens était bien plus raffiné que Néandertal, en partie dans sa façon de consommer ses aliments en les faisant cuire. Une nouvelle étude révèle que nos lointains cousins aussi savaient se préparer de bons petits plats cuits sur les braises. Et cela bien avant sapiens.


au sommaire


    Steaks d'aurochs et de rhinocérosrhinocéros grillés, tortuetortue cuite à l'étouffée dans sa carapace, moules et autres fruits de mer juste saisis sur la roche chaude... voici un aperçu des menus que confectionnaient les Hommes de NéandertalNéandertal. Outre la grande diversité de plats, l'un des éléments les plus importants à noter est que nos lointains cousins utilisaient le feu pour cuire leurs aliments, il y a 90 000 ans déjà. La maîtrise des flammes et de son potentiel de cuisson est une preuve de plus de l’intelligence de Néandertal. Oubliée, donc, l'image si populaire d'hommes rustres mangeant des quartiers de viande crue comme des sauvages.

    Le feu au cœur de la vie sociale de Néandertal

    Une nouvelle étude vient en effet confirmer l'idée que Néandertal avait recours à divers modes de cuisson, en présentant de nouvelles découvertes archéologiques réalisées dans la grotte d'Oliveira, au Portugal. Les sédimentssédiments de la grotte ont en effet révélé plus de 30 000 ans d'occupation du lieu par Néandertal, il y a 100 000 à 70 000 ans de cela. Et l'une des observations clé est la présence, sur de nombreux niveaux stratigraphiques, de plusieurs foyers occupant une place centrale dans cette grotte. L'analyse des roches sous les zones de foyer montre d'ailleurs que les feux étaient entretenus et devaient brûler en continu, signe qu'ils devaient représenter un élément central pour la communauté.

    Fouilles dans la grotte d'Oliveira au Portugal. Les restes d'un foyer sont visibles (zones noircies). © João Zilhão
    Fouilles dans la grotte d'Oliveira au Portugal. Les restes d'un foyer sont visibles (zones noircies). © João Zilhão

    Néandertal cuisinait avec le feu bien avant Homo sapiens

    Outre des cendres et des morceaux de boisbois brûlés, les archéologues ont également retrouvé à l'intérieur de ces foyers des restes d'os brûlés de chèvres, de cerfs, de chevaux, d'aurochs, de rhinocéros et de tortues. Une indication que Néandertal cuisait toutes sortes de viandes. Impossible cependant de savoir quelle technique était alors utilisée pour allumer le feu.

    Cette découverte, qui a été présentée dans la revue Plos One, indique que Néandertal possédait un savoir-faire culinaire similaire à celui d'Homo sapiensHomo sapiens, qui n'apparut dans la région que plusieurs milliers d'années plus tard.


    Les scientifiques sont surpris : la cuisine est beaucoup plus ancienne qu'ils ne le pensaient !

    Et si nos pratiques culinaires dataient de plus de 70 000 ans ? Une nouvelle étude montre que nos ancêtres se préparaient des plats complexes à partir d'ingrédients variés. Visiblement, ils ne pratiquaient pas le « régime paléo » en vogue aujourd'hui.

    Article de Morgane GillardMorgane Gillard, publié le 4 décembre 2022

    Et si notre attrait pour la cuisine et les bons petits plats dataient de l'ère préhistorique ? Loin de l'image de l'Homme de Néandertal dévorant un morceau de viande à peine cuit au fond de sa caverne, il semblerait que nos ancêtres aient eu très tôt l'habitude d'assaisonner leurs plats et de mélanger les ingrédients. C'est ce que révèle une nouvelle étude publiée dans la revue Antiquity.  

    Depuis au moins 70 000 ans, l'Homme de Néandertal et Homo sapiens se seraient ainsi préparé de véritables repas, partagés au sein du groupe. Des repas nécessitant d'ailleurs plusieurs étapes de préparation et impliquant de nombreux ingrédients, dont certains n'ayant que pour objectif de relever le goût du plat.

    Une pratique culinaire complexe il y a 70 000 ans déjà

    Ces résultats ont été obtenus grâce à l'analyse des restes de repas fossilisés retrouvés sur deux sites paléolithiques. L'un est situé en Grèce, au niveau de la grotte de Franchthi. Les dépôts sédimentaires permettent de remonter à la période datant de 13 000 à 11 500 ans. L'autre grotte, celle de Shanidar, est située dans le Zagros, dans le Kurdistan irakien. Cet abri aurait accueilli les premiers humains modernes, il y a 40 000 ans mais également des Néandertaliens il y a 70 000 ans. Auparavant, les plus anciens restes de repas ne dataient que de 14 400 ans. Ces nouvelles découvertes paléontologiques représentent donc une petite révolution et ont notamment permis d'étudier le régime alimentaire des tout premiers chasseurs-cueilleurs, mais également la façon dont ils confectionnaient leurs repas.

    L'Homme de Néandertal, s'il était gros consommateur de viande, se nourrissait également de nombreuses sortes de plantes, qu'il utilisait notamment pour assaisonner ses plats. © nicolasprimola, Fotolia
    L'Homme de Néandertal, s'il était gros consommateur de viande, se nourrissait également de nombreuses sortes de plantes, qu'il utilisait notamment pour assaisonner ses plats. © nicolasprimola, Fotolia

    Les deux abris-sous-roche ont en effet révélé la présence de restes de préparations complexes à bases de végétaux. Sur le site de Franchthi, les restes ressemblent à des miettes de pain brûlé, de galettes ou de résidus de bouillie fine, agrémentées de graines de légumineuseslégumineuses grossièrement moulues. Sur le site de Shanidar, plus ancien, ce sont des graines de moutarde et de pistachepistache sauvage qui semblent avoir accompagné les préparations culinaires. Même les restes associés à Néandertal montrent que ces hominidéshominidés mélangeaient des graines d'herbe sauvage à des légumineuses broyées pour former une préparation qui était chauffée avec de l'eau. Une étude précédente avait d'ailleurs mis en évidence des traces de graines d'herbe dans le tartre recouvrant les dents de fossilesfossiles néandertaliens.

    Assaisonner les plats, un geste plus vieux qu’on ne le pensait

    Grâce à l'analyse au microscope électronique à balayagemicroscope électronique à balayage, les chercheurs ont pu clairement identifier la nature de ces graines. Leurs résultats montrent d'ailleurs que les mélanges produits par les hommes préhistoriques devaient ainsi avoir un goût plutôt amer. Si aujourd'hui nous utilisons les mêmes graines dans notre cuisine, nous veillons à les tremper, à les chauffer et à les décortiquer afin d'en réduire l'amertume et d'éliminer les toxinestoxines, et très visiblement, nos ancêtres procédaient de même ! Les restes de repas montrent cependant que les enveloppes des graines n'étaient pas totalement retirées, ce qui suggère que les hommes préhistoriques les conservaient partiellement afin de garder un goût amer, certainement pour donner du relief à leurs plats.

    Graines de <em>Pistacia terebinthus</em>, sorte de pistache sauvage, que les Hommes de Néandertal utilisaient pour assaisonner leurs plats. © Omar hoftun, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Graines de Pistacia terebinthus, sorte de pistache sauvage, que les Hommes de Néandertal utilisaient pour assaisonner leurs plats. © Omar hoftun, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Nos pratiques culinaires seraient donc nées il y a plusieurs dizaines de milliers d'années. Cette étude montre également que les Hommes de Néandertal tout comme les Homo sapiens avaient un régime alimentaire très varié incluant de nombreuses sortes de plantes : graines, herbes, racines, légumineuses, noixnoix, baies... qu'ils préparaient soigneusement avant de les mélanger à de la viande ou du poissonpoisson. Car si nos ancêtres se nourrissaient assurément de végétaux, l'analyse isotopique de leurs squelettes montre que leur principale source de protéineprotéine était la viande. Les Hommes de Néandertal en auraient d'ailleurs été de très grands consommateurs, alors qu’Homo sapiens aurait eu un régime plus diversifié.