De quand date le premier peuplement du territoire américain ? Si l’hypothèse du passage du détroit de Béring il y a 15 000 ans était jusque-là l’hypothèse préférée, la datation, en 2021, de traces de pas avait semé le trouble, suggérant que la présence humaine serait bien plus ancienne. Un âge de 23 000 ans désormais validé par de nouvelles datations.


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    En 2021, la datation d'empreintes de pas retrouvés dans l'État du Nouveau-Mexique, aux États-Unis, bouleversait les hypothèses alors en vogue concernant le premier peuplement humain du continent américain (voir notre précédent article ci-dessous). L'âge obtenu par les analyses révélait en effet que ces traces de pas dataient de 21 000 à 23 000 ans, remettant en cause l'idée que les premiers humains soient arrivés là il y a seulement 15 000 ans, à la suite d'une baisse du niveau marin permettant leur passage à pied au niveau du détroit de Béring, entre la Russie et l’Alaska.

    Cette photo prise en octobre 2023 au <em>White Sands National Park</em> (Nouveau-Mexique) montre des empreintes de pas humains. De nouvelles datations confirment un âge de 21 000 à 23 000 ans. © <em>National Park Service</em> <em>via</em> AP
    Cette photo prise en octobre 2023 au White Sands National Park (Nouveau-Mexique) montre des empreintes de pas humains. De nouvelles datations confirment un âge de 21 000 à 23 000 ans. © National Park Service via AP

    Des premières analyses controversées

    La datation des empreintes avait alors été questionnée, certains scientifiques restant sceptiques sur la validité des résultats. Une nouvelle étude publiée dans la revue Science vient cependant conforter ces premières analyses, qui avaient été réalisées sur la base d'une datation par radiocarbone de graines de plantes aquatiques retrouvées sur le site archéologique (un ancien lac).

    Des traces de pas humains ont été datées d'il y a au moins 23 000 ans, en Amérique du Nord. © Bennett et al, 2021
    Des traces de pas humains ont été datées d'il y a au moins 23 000 ans, en Amérique du Nord. © Bennett et al, 2021

    Deux autres nouvelles datations qui valident l’hypothèse d’un peuplement ancien

    La nouvelle étude se base cette fois-ci sur la datation de deux autres éléments : du pollenpollen de conifère et des grains de quartzquartz. Et force est de constater que les trois analyses menées indépendamment concordent toutes sur un âge de 21 000 à 23 000 ans, mettant définitivement fin au débat.

    D’autres indices archéologiques, comme des pendentifs sculptés dans des os de paresseuxparesseux géants, laissaient déjà supposer une présence humaine plus précoce que ce que l'on supposait jusque-là.

    La découverte de traces de pas dans les sédimentssédiments de White Sands au Nouveau-Mexique est cependant la preuve indiscutable que les humains étaient déjà là avant l'ouverture du pont terrestre entre la Russie et l'Alaska. Reste maintenant à savoir comment ils sont arrivés !


    L'Homme était déjà présent en Amérique il y a 23 000 ans !

    À quelle période et par quels moyens l'Homme est-il arrivé pour la première fois en Amérique du Nord ? Les réponses à ces questions demeurent encore parcellaires mais une récente découverte apporte de nouvelles informations.

    Article de Fidji BerioFidji Berio publié le 28 septembre 2021

    L'arrivée de l'Homme en Amérique constitue la dernière phase de la « sortie d'Afrique » des humains modernes, au cours de la fin du Pléistocène. La date de cette arrivée est pourtant controversée et les estimations s'étendent entre -20 000 et -13 000 ans. Ces incertitudes sont notamment dues au fait que les objets culturels ou les fossiles ont une provenance incertaine.

    Une étude parue dans le journal Science permet en revanche de dater une présence humaine en Amérique avec certitude car ce sont des empreintes fossilesfossiles qui ont été analysées.  

    Des empreintes de pas... et la division du travail ?

    Contrairement aux fossiles conventionnels, les empreintes de pas humains fossilisées attestent incontestablement de la présence humaine en un lieu donné. Elles permettent de dater cette présence lorsqu'elles sont découvertes dans une séquence sédimentaire dont la chronologie est bien connue.

    Des empreintes de pas humains ont ainsi été datées d'il y a au moins 23.000 ans, soit au cours du dernier maximum glaciaire, au niveau du Parc national de White Sands, au Nouveau-Mexique. La plupart des empreintes sont celles d'enfants et d'adolescents, ce que les auteurs expliquent par la division du travail. Les activités qui requéraient de l'expérience étaient en effet probablement réalisées par des adultes alors que les plus jeunes transportaient des matériaux ou des denrées.


    La colonisation de l'Amérique par l'Homme racontée par des bactéries

    Si l'Homme moderne est venu d'Afrique, comment savoir, lorsque les fossiles ne suffisent pas, quelles sont les routes qu'il a empruntées pour coloniser les terres émergées de la Planète ? Il est pour cela possible d'analyser les souches bactériennes des populations humaines pour comprendre quel fut le périple de nos ancêtres.

    Article de Fidji Berio, publié le 19/06/21

    Les bactéries sont souvent perçues négativement par l'être humain, or notre survie dépend largement de certaines d'entre elles qui constituent notamment notre microbiote intestinal et peuvent représenter jusqu'à 2 kgkg de la masse totale d'un adulte. La composition des flores bactériennesflores bactériennes varie d'un individu à l'autre en fonction, par exemple, du régime alimentaire, mais aussi de la population humaine au sein de laquelle elle est présente.

    Une équipe de chercheurs de l'Université de Venda, en Afrique du Sud, menée par le professeur Yoshan Moodley s'est intéressée aux séquences génétiquesgénétiques de la bactériebactérie Helicobacter pyloriHelicobacter pylori, car elle est présente dans l'estomacestomac de la moitié de la population humaine actuelle ; l'objectif étant de trouver l'origine de la colonisation de l'Amérique du Nord par l'Homme. Les auteurs de l'étude publiée dans PNAS le 14 Juin ont mis en évidence une nouvelle sous-population de cette bactérie en Sibérie. Ils se sont appuyés sur une base de donnéesbase de données existante contenant les séquences génétiques de H. pylori et sur une méthode statistique comparative pour résoudre l'énigme de la première arrivée de l'Homme moderne aux Amériques.

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    Migration : les réfugiés climatiques datent de 100 000 ans

    Les chercheurs montrent aujourd'hui que l'une des populations de bactéries présente chez un peuple indigèneindigène en Amérique était courante sur une large échelle chez les humains de Sibérie. Cette découverte suggère donc que la population américaine en question a une origine sibérienne. Les modèles génétiques fournissent également un scénario de colonisation qui aurait probablement consisté en un seul événement migratoire il y a 12 000 ans.

    <em>Helicobacter pylori</em> est une bactérie vivant dans l'estomac de la moitié de la population humaine mondiale et qui a différents génotypes en fonction des populations qu'elle colonise. © Yutaka Tsutstumi, Wikipedia, DP
    Helicobacter pylori est une bactérie vivant dans l'estomac de la moitié de la population humaine mondiale et qui a différents génotypes en fonction des populations qu'elle colonise. © Yutaka Tsutstumi, Wikipedia, DP

    L'ère glaciaire propice aux migrations humaines

    Les auteurs rappellent que l'Homme moderne est apparu en Afrique et qu'un petit groupe a quitté ce continent il y a environ 60.000 ans pour s'établir en Eurasie. Près de 50.000 ans plus tard, au terme de l'ère glaciaire, l'Homme moderne avait déjà atteint le continent américain et parcouru le plus long trajet possible, s'il a été fait à pied, depuis l'Afrique. Il est aujourd'hui, impossible d'effectuer ce voyage en marchant, mais il y a 12.000 ans la Terre était entrée dans une période de glaciationglaciation, ce qui implique que la quantité d'eau gelée aux pôles était beaucoup plus importante que ce que l'on observe aujourd'hui et que le niveau de la mer était au moins 100 mètres plus bas par rapport à celui que l'on connaît actuellement.

    La discrète et petite population sibérienne que les auteurs ont identifiée grâce à H. pylori a donc pu emprunter un passage formé par des terres émergées entre l'Eurasie et l'Amérique du Nord. Cette route aujourd'hui disparue leur a permis d'atteindre un territoire vierge de toute occupation humaine et de le coloniser progressivement, donnant ainsi naissance aux Américains indigènes qui le peuplent de nos jours.