Si les épidémies de peste noire sont habituellement associées au Moyen Âge, une nouvelle étude révèle que cette maladie aurait déjà fait des ravages bien avant notre ère. Elle pourrait d’ailleurs expliquer le déclin démographique de certaines sociétés du Néolithique.
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La Mort Noire ! Voilà comment on nomma cette épidémie de peste bubonique qui ravagea le monde au Moyen Âge. Vers l'an 1350, cette maladie tua environ un tiers de la population européenne, en quelques années seulement.
Une nouvelle étude révèle cependant que ce n'aurait pas été la première fois que cette zoonosezoonose bactérienne aurait sévi sur le territoire européen. Elle pourrait même être à l'origine du déclin jusqu'à présent inexpliqué des sociétés fermières du Néolithique en Scandinavie.
Une forme de peste circulait parmi les populations néolithiques en Scandinavie
Des chercheurs ont en effet analysé l'ADNADN contenu dans les dents et les os de 108 individus qui sont morts il y a environ 5 000 ans, et dont les restes ont été retrouvés en Suède et au Danemark. Les résultats, publiés dans la revue Nature, montre ainsi que 17 % de ces individus étaient infectés par une forme de peste au moment de leur mort. Un pourcentage qui montre que cette maladie circulait de manière active en Scandinavie à cette époque, sur une vaste zone géographique. De plus, les chercheurs ont identifié trois événements distincts d'infections sur une période de 120 ans.
Une souche au potentiel épidémique qui pourrait expliquer le déclin démographique observé
Mais cette maladie, si redoutée encore aujourd'hui, était-elle déjà mortelle ? Oui, affirment les scientifiques, qui ont réussi à déterminer la virulence de cette souche de peste, montrant qu'elle avait un potentiel épidémique. Une conclusion qui contredit de précédentes études qui ne voyaient pas dans cette peste la capacité à se propager rapidement.
Il semble donc qu'une, voire plusieurs épidémies de pestepeste, pourrait bien être à l'origine du déclin démographique observé au sein des populations scandinaves à la fin du Néolithique, entre -3 300 et -2 900 ans. Jusqu'à présent, d'autres causes avaient été évoquées, comme une famine ou des guerres.
La peste aurait décimé les Européens au néolithique
En Suède, des chercheurs ont trouvé un bacillebacille de la peste sur les restes d'une femme décédée il y a environ 5.000 ans. La présence de cette bactériebactérie pourrait coïncider avec le déclin de certaines colonies européennes, où le manque d'hygiène et la surpopulation ont pu favoriser des épidémiesépidémies.
Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray, publié le 10 décembre 2018
Pendant la préhistoire, le développement de l'agricultureagriculture a permis une expansion démographique, qui s'est accompagnée d'innovations technologiques : la métallurgie, la roue, la poterie... Des réseaux commerciaux se sont mis en place. La densité de population a augmenté, donnant naissance à de grosses « agglomérations » qui pouvaient compter 10.000 à 20.000 personnes. Ces sociétés proto-urbaines étaient présentes par exemple dans la culture Cucuteni-Trypillia il y a 5.000 à 6.800 ans, qui s'étendait des Carpates, en Roumanie, à l'ouest de l'Ukraine. Sur ces sites archéologiques, on trouve des signes d'une spécialisation des métiers et d'une proximité entre hommes et animaux. Mais cet environnement, avec de mauvaises conditions d'hygiène, était aussi un terrain propice à la propagation des épidémies.
Ces méga-colonies n'ont pas duré longtemps et étaient régulièrement abandonnées et brûlées. Il y a 5.400 ans environ, elles n'ont plus été reconstruites, pour des raisons mal connues. Cette période de déclin, qui a touché différentes cultures en Europe au Néolithique, pourrait s'expliquer par différentes hypothèses : une surexploitation de l'environnement, l'arrivée de populations des steppessteppes d'Eurasie, mais aussi des maladies infectieuses, une hypothèse plausible étant donné que des habitations ont été massivement brûlées et abandonnées.
Et si ces populations avaient été décimées par l'une des bactéries les plus mortelles pour l'homme, à savoir la peste ? Pour mieux connaître l'histoire de Yersinia pestisYersinia pestis, le bacille de la peste, des scientifiques français, suédois et danois, ont cherché des séquences proches de celle de la bactérie actuelle dans des ADN anciens. Leurs résultats paraissent dans Cell.
La peste se serait répandue par les voies commerciales
Dans le matériel génétiquematériel génétique d'une femme décédée il y a 4.900 ans en Suède, les chercheurs ont trouvé une souche inconnue de Yersinia pestis. Cette femme de 20 ans aurait pu mourir de la peste. Un autre individu provenant du même site mortuaire présentait lui aussi des traces de peste.
La souche identifiée, la plus ancienne jamais décrite, aurait divergé des autres souches il y a environ 5.700 ans. Cela signifie qu'il y avait probablement plusieurs souches de peste en circulation dans cette période du Néolithique. Or, il y a 5.000 ans, des migrations en provenance des steppes eurasiennes se sont dirigées vers l'Europe. Certains chercheurs ont suggéré que ces « envahisseurs » auraient apporté la peste. Mais si la souche ancienne de peste a divergé des autres, il y a 5.700 ans, cela signifie que les populations européennes étaient probablement déjà en train de décliner, avant ces migrations. La femme décédée n'avait pas un profil génétiqueprofil génétique indiquant qu'elle venait d'Eurasie et il n'y avait pas de traces d'invasion à cette époque en Suède. La peste pourrait avoir contribué au déclin de certaines populations.
On peut donc imaginer que lorsque la peste s'est répandue dans les colonies où la densité de population était élevée, les gens sont morts et ces colonies ont été abandonnées et détruites. D'après Simon Rasmussen, chercheur à l'université de Copenhague, « c'est exactement ce qui a été observé dans ces colonies, il y a 5.500 ans. La peste aurait également commencé à migrer le long de toutes les routes commerciales rendues possibles par le transport à roues qui s'est rapidement développé en Europe au cours de cette période. »