Depuis longtemps, des doutes subsistent sur la date de l’éruption du Vésuve, qui a provoqué la destruction de Pompéi en l’an 79. Bien que Pline le Jeune, témoin de l’événement, fasse référence au 24 août, la compilation des preuves archéologiques et géologiques suggèrent plutôt que l’éruption aurait eu lieu fin octobre.


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    L'éruption du VésuveVésuve en l'an 79 a provoqué une terrible tragédie humaine en pétrifiant toute la région aux alentours du volcanvolcan, notamment la ville de Pompéi. En se basant sur la célèbre lettre envoyée par Pline le Jeune à son ami Tacite, les scientifiques ont depuis longtemps pu déterminer la date de cette catastrophe. Le jeune Romain, qui se trouvait alors dans la baie de Naples, a en effet assisté en direct à l'éruption du Vésuve. Dans sa lettre, il décrit en détail l'ensemble des phénomènes géologiques qui ont précédé l'éruption (tremblement de terretremblement de terre, panaches de cendres) puis l'éruption en elle-même. Son oncle Pline l'AncienPline l'Ancien, qu'il accompagnait, sera d'ailleurs l'une des victimes de la catastrophe.

    Représentation de Pline le Jeune et de sa mère à Misenum lors de l'éruption du Vésuve, 1785, Musée d'Art de l'université de Princeton. © Angelica Kauffmann, Wikimedia Commons, domaine public
    Représentation de Pline le Jeune et de sa mère à Misenum lors de l'éruption du Vésuve, 1785, Musée d'Art de l'université de Princeton. © Angelica Kauffmann, Wikimedia Commons, domaine public

    D'après les traductions médiévales qui nous sont parvenues, le jeune homme date ainsi le début de l'éruption neuf jours avant les calendes de septembre (nonum kal. septembres), soit le 24 août au matin.

    De nombreux indices qui ne collent pas avec une éruption en août

    Cette lettre, dont l'original a malheureusement disparu, est le seul indice nous étant parvenu pour dater historiquement l'éruption. Si cette date a depuis longtemps été très largement acceptée, plusieurs études archéologiques ont cependant relevé de nombreuses incohérences, suggérant que la ville de Pompéi aurait été ensevelie deux, voire trois mois plus tard. En effet, certains des corps pétrifiés retrouvés sur le site semblaient porter des vêtements chauds. Des restes de boisbois brûlés dans des foyers supposent également que les températures n'étaient pas celles d'un mois d'août. De même, les fruits retrouvés dans les différentes boutiques et conservées grâce à la cendre sont des fruits typiques du mois d’octobre : figuesfigues, grenadesgrenades, olives... Encore plus troublant, une pièce de monnaie retrouvée sur le site de Pompéi commémore la quinzième acclamation de l'Empereur Titus, ce qui correspond au 8 septembre de l'an 79. Un graffiti, retrouvé sur le murmur d'une maison, fait également mention du 17 octobre, bien que l'année ne soit pas renseignée. Tout laisse donc supposer que l'éruption n'aurait pas eu lieu à la fin de l'été, mais en automneautomne et plus précisément entre le 17 octobre et le 1er novembre 79.

    Graffiti découvert dans les ruines de Pompéi, faisant mention du mois d'octobre et suggérant que l'éruption n'aurait donc pas eu lieu le 24 août. © EPA
    Graffiti découvert dans les ruines de Pompéi, faisant mention du mois d'octobre et suggérant que l'éruption n'aurait donc pas eu lieu le 24 août. © EPA

    Presque deux mille ans après cette terrible éruption, une équipe multidisciplinaire s'est donc penchée à nouveau sur les différentes traces laissées par cet événement dans le but de mieux le caractériser et si possible de le dater précisément. Un nombre important de données a ainsi été compilé : données historiques, stratigraphiques, sédimentologiques, pétrologiques, géophysiques, paléoclimatiques et de modélisation.

    Un événement antidaté par les moines copistes ?

    Les résultats, publiés dans Earth-Science Reviews, démontrent ainsi que l'éruption n'aurait effectivement pas eu lieu le 24 août mais très certainement le 24-25 octobre. Cette nouvelle date corrobore en effet les très nombreuses informations apportées par l'archéologie, l'année 79 étant validée par la datation isotopique des dépôts volcaniques. D'après le modèle de circulation stratosphérique, l'étude de la direction des ventsvents au moment de l'éruption supporte elle aussi l'idée d'une éruption en automne plutôt qu'en été.

    Pline le Jeune se serait-il donc trompé de date ? Cela est peu probable. L'erreur pourrait plutôt provenir de la traduction la plus ancienne de la lettre de Pline le Jeune et qui a été utilisée comme référence. Cette traduction remonte en effet au IXe siècle. Or, à cette époque, il était fréquent que les moines copistes modifient les dates de grands événements historiques pour les faire coïncider avec certains récits religieux ou culturels.

    Les auteurs de l'étude proposent une hypothèse, en faisant remarquer que la date du 24 août correspond à un ancien rituel romain, le « Vulcanalia ». Ce jour-là, les âmes des morts revenaient à la surface grâce à l'ouverture d'une « connexion » entre le monde sous-terrain et le monde des vivants. Chaque année, le 24 août, les Romains déplaçaient la pierre scellant ce passage, laissant les âmes se répandre dans la ville. La pierre était replacée trois jours plus tard. Ce rituel aurait certainement représenté une analogieanalogie parfaite aux yeuxyeux des moines copistes pour expliquer « l'ouverture » du cratère du Vésuve, qui était considéré au Moyen Âge comme le passage vers l'Enfer.

    L'<em>Umbilicus Urbis Romae</em>, qui est supposé représenter le centre de la ville de Rome, aurait été le lieu sacré permettant le passage des âmes des morts le 24 août. © Karlheinz Meyer, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    L'Umbilicus Urbis Romae, qui est supposé représenter le centre de la ville de Rome, aurait été le lieu sacré permettant le passage des âmes des morts le 24 août. © Karlheinz Meyer, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Comprendre le déroulement de l’éruption de 79 pour mieux évaluer le risque actuel

    La datation de l'événement n'était pas le seul objectif de cette étude. L'un des points fondamentaux était de mieux comprendre les différentes phases de l'éruption afin de préparer la région à une nouvelle catastrophe du même genre, le Vésuve étant toujours un volcan actif. Le risque volcanique est en effet bien réel et particulièrement élevé pour cette région très densément peuplée. L'étude montre d'ailleurs que l'éruption a eu un impact sur une très vaste zone, des dépôts volcaniques ayant été retrouvés jusqu'en Grèce.