Un nouveau réacteur à fusion contrôlée, une sorte de version miniature d'Iter car fonctionnant selon les mêmes principes, a battu ses propres records et se retrouve donc dans le peloton de tête des machines qui préparent Iter tout en donnant une confiance accrue dans sa conception. Ce succès est de bon augure pour le futur d'une production d'énergie abondante, décarbonée et presque sans déchets.


au sommaire


    C'est l'annonce qui fait un peu le buzz dans le domaine de l'actualité de la fusion contrôlée en ce moment et elle accompagne une publication dans le journal Nature. Les ingénieurs et physiciensphysiciens de la Corée du Sud sont fiers d'avoir atteint une température d'environ 100 millions de kelvins pendant environ 30 secondes dans leur tokamak expérimental avec des aimants supraconducteurs : Korea Superconducting Tokamak Advanced Research (KSTAR).

    En première impression, on a un haussement d'épaules. Et alors ? On a atteint des températures de plus de 500 millions de kelvins dans des tokamaks par confinement magnétique depuis des décennies et le record du monde de stabilité d'un plasma chauffé pour faire de la fusion contrôlée dépasse les six minutes.

    Image composite montrant, à gauche, l'intérieur à vide du KSTAR <em>(Korean Superconducting Tokamak Advanced Research)</em> et à droite, le plasma généré. © KSTAR, Institut coréen de l'énergie de fusion
    Image composite montrant, à gauche, l'intérieur à vide du KSTAR (Korean Superconducting Tokamak Advanced Research) et à droite, le plasma généré. © KSTAR, Institut coréen de l'énergie de fusion

    C'est exact, mais il se trouve que la performance des Coréens réside dans une double réussite, d'abord le chauffage et l'état du plasma se fait dans le jargon des physiciens de la fusion thermonucléaire selon un mode dit H (de l'anglais High confinement c'est-à-dire haut confinement), précisément celui qui sera utilisé dans le réacteur IterIter, et enfin le couple température/durée obtenu est très proche du record atteint par les Chinois en 2021 avec l'Experimental Advanced Superconducting Tokamak (EAST), à savoir 120 millions de kelvins pendant 101 secondes.

    La signification de ces deux prouesses combinées c'est que dans les deux cas, il s'agit bien de deux mini-Iter, si l'on peut dire, et qui fonctionnent selon la même modalité à savoir le mode H dont on a déjà parlé et avec des aimants supraconducteurs. C'est donc une raison de plus d'espérer atteindre les succès prévus avec la machine dont la constructionconstruction avance bien à proximité immédiate du centre d'études nucléaires de Cadarache à Saint-Paul-lez-Durance.


    Des images récentes du KSTAR en fonctionnement. © ScienceAlert

    La voie royale de la fusion par confinement magnétique

    Rappelons si nécessaire que le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) consiste en la construction d'un réacteur expérimental à fusion nucléairefusion nucléaire, né d'une collaboration internationale à long terme entre 34 pays, mais les premiers plasmas ne seront pas obtenus avant 2027 et la production de réactions de fusion dans un mélange de deux isotopesisotopes de l'hydrogènehydrogène quelques années plus tard seulement.

    Ce sera un mini-cœur solaire sur Terre mais, comme on ne peut pas réaliser exactement les conditions de densité au centre du SoleilSoleil pour la réaction de fusion, l'intérieur d'Iter devra être 10 fois plus chaud, c'est-à-dire atteindre environ 150 millions de kelvins. Bien évidemment, aucun matériaumatériau ne peut résister longtemps à un gazgaz ionisé transformé en plasma à une telle température et c'est pour cette raison que le plasma sera confiné dans les puissants champs magnétiqueschamps magnétiques d'un tokamak (acronyme russe de « chambre toroïdale avec bobines magnétiques »), comme sont appelées ces machines développées par l'ex-Union soviétique dans les années 1950-1960.


    Une présentation de la fusion avec confinement magnétique dans un tokamak. © CEA, DRF

    Le problème clé à résoudre avec un tokamak est celui de la stabilité de la réaction de fusion qui doit se maintenir en produisant bien plus d'énergieénergie qu'elle n'en consomme pour pouvoir à l'horizon 2050 être exploitée par des réacteurs pour la production à l'échelle industrielle mondiale d'électricité.

    Le plasma est potentiellement très turbulent avec des instabilités pouvant conduire à l’équivalent des éruptions solaires mais au cours des expériences des années 1980 et 1990, on a découvert qu'il existait une nouvelle façon de constituer un plasma de fusion avec des champs magnétiques selon un mode dit H, remplaçant le mode dit L qui avait permis d'atteindre certains des précédents records de fusion.

    Pour la petite histoire et comme le raconte Robert Arnoux sur le site d'Iter dans un texte dont nous nous inspirons, le mode H a été découvert par Friedrich (« Fritz ») Wagner le 4 février 1982 par sérendipitésérendipité sur le tokamak ASDEX à l'Institut Max-PlanckPlanck de physiquephysique des plasmas (IPPIPP) à Garching, en Allemagne.

    Friedrich E. Wagner (1943-) et ses collègues. © Iter organization
    Friedrich E. Wagner (1943-) et ses collègues. © Iter organization

    Le physicien allemand a raconté au sujet de cette découverte dans l'expérience de chauffage du plasma par injection de particules sous forme d'un faisceau neutre qu'il menait que : « C'est sorti de rien. Ce n'était pas prévu, c'est arrivé... »

    Le plasma est devenu beaucoup moins turbulent et si d'autres instabilités existent encore, les travaux ultérieurs, notamment avec le tokamak Jet, ont laissé penser qu'en construisant une machine suffisamment grande fonctionnant suivant le mode H, le graal d'une énergie abondante et avec très peu de déchets radioactifsdéchets radioactifs devait être à portée de main.

    L'avenir nous le dira...

    Le saviez-vous ?

    En 1985, le réacteur états-unien Tokamak Fusion Test Reactor (TFTR), sur le site de l'université de Princeton dans le New Jersey, avait atteint le seuil des 100 millions de degrés kelvins, puis en 1986 celui des 200 millions de degrés (pour rappel, la température au centre du Soleil est estimée à 15-20 millions de degrés environ).

    Au cours des années 1990, le tokamak européen JET – acronyme de l'anglais Joint European Torus, littéralement Tore commun européen –, le plus grand tokamak existant, situé au Culham Science Center près d'Oxford, atteignait aussi les 100 millions de degrés et devenait le premier à faire vraiment de la fusion de noyaux de deutérium et de tritium avec un mélange 50/50, la réaction la plus prometteuse pour la production d’énergie. Aussi capable de faire des expériences avec ce type de réaction, le TFTR atteignait en 1995 un record du monde qu’il détient toujours, une température record de 510 millions de degrés kelvins.

    La France, quant à elle, détient toujours un autre record depuis 2003 grâce au tokamak Tore Supra du CEA. Il a permis d’obtenir un plasma stable pour la fusion pendant six minutes et demie.


    Une vieille présentation des recherches sur la fusion contrôlée avec notamment le TFTR. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © princetoncampuslife