Les rapports décennaux du Conseil national de la recherche des États-Unis, qui flèche les stratégies de la Nasa dans les domaines de l'exploration et des sciences spatiales et lui recommande des missions, sont très attendus. Il y a quelques jours, le rapport sur les sciences planétaires et l'astrobiologie pour la période 2023-2032 a été rendu public. Il détaille les missions qui seront réalisées pendant cette décennie et les objectifs scientifiques à atteindre.
Après le rapport décennal sur l’astronomie et l’astrophysique pour la période 2023-2032, dévoilé en novembre 2021, le Conseil national de la recherche des États-Unis vient de rendre public son rapport décennal sur les sciences planétaires et l'astrobiologie. Ce nouveau rapport explore les questions clés en sciences planétaires, de façon à aider la Nasa à définir ses priorités en matière d'exploration pour la décennie 2023-2032.
Les rapports décennaux de ce prestigieux institut sont très attendus par la communauté scientifique américaine. Sorte de boussole, ils sont des indicateurs forts des axes de recherche et des orientations des stratégies décennales de la Nasa dans les domaines concernés. Ils orientent donc plusieurs milliards de dollars de financement vers les destinations identifiées comme présentant des intérêts scientifiques majeurs.
Ce nouveau rapport a identifié Uranus et Encelade comme deux cibles prioritaires. Avant de choisir Uranus, le Comité scientifique - qui a rédigé ce rapport décennal - a évalué les possibilités de mission à destination de Neptune et Uranus mais a conclu qu'une mission vers Uranus était préférable. Aucun concept de mission passé en revue ne pouvait être mis en œuvre au cours de la décennie 2023-2032 avec les lanceurs actuellement disponibles. Le rapport recommande donc l'envoi d'une sonde autour d'Uranus pour étudier la planète, ses anneaux et ses lunes. Ainsi, une sonde serait déployée dans l'atmosphère de la planète qui n'a été visitée qu'une seule fois par Voyager 2 en 1986. La mission, dont le coût est estimé à 4,2 milliards de dollars, pourrait être lancée dès 2031 à bord d'un Falcon Heavy de SpaceX et atteindrait Uranus en seulement 13 ans et en utilisant l'assistance gravitationnelle de Jupiter.
Découvrir de la vie dans les recoins de la surface d'Encelade
Concernant Encelade, le concept de mission retenu par le rapport est très ambitieux avec une sonde orbilander qui aura comme principal objectif l'étude des panaches de gaz et de particules, provenant de son océan souterrain, qui sont projetés dans l'espace. À cela s'ajoute que les conditions qui règnent sur Encelade permettent d'étudier directement l'habitabilité d'un monde océanique et de déterminer s'il est habité ou non. Cela répond à l'une des questions les plus fondamentales : y a-t-il de la vie au-delà de la Terre et si non, pourquoi ?
Orbilander passerait un an et demi à tourner autour d'Encelade et à échantillonner ces panaches avant de se poser sur la surface glacée de ce petit monde saturnien pour une mission de deux ans visant à rechercher des preuves de vie. La mission, dont le coût est estimé à 4,9 milliards de dollars, pourrait être lancée à la fin des années 2030 à bord d'un lanceur SLS ou d'un Falcon Heavy avec un atterrissage au début des années 2050.
Dans le domaine de l'exploration martienne, ce rapport recommande à la Nasa de poursuivre ses efforts et de faire aboutir la mission de retour d’échantillons martiens aussi vite que possible tout en restant dans un budget d'environ 5,3 milliards de dollars. Cette mission avait été identifiée comme une priorité lors du précédent rapport décennal. Ce nouveau rapport donne la priorité à la mission Mars Life Explorer (MLE). Contrairement à Perseverance et MSR qui se focalisent plutôt sur les bio-signatures éteintes, MLE recherchera des formes de vie en activité et évaluera l'habitabilité de la planète aujourd'hui. Cette mission de 2,1 milliards de dollars pourrait être lancée au milieu des années 2030. Concernant l'exploration robotique de la Lune, le Comité recommande la mission Endurance-A qui a pour objectif de parcourir quelque 2.000 kilomètres aux alentours et dans le bassin Aitken du pôle Sud et de collecter une centaine de kilogrammes d'échantillons. L'originalité de cette mission, c'est que ces échantillons seront livrés aux astronautes des missions Artemis qui se chargeront de les rapporter sur Terre. Avec cette stratégie de retour plutôt originale, cette mission de 1,9 milliard de dollars coûte environ 1 milliard de dollars de moins qu'une mission qui impliquait à la fois un rover et un engin de retour d'échantillons qui n'aurait pu retourner qu'environ deux kilogrammes de matière lunaire.
Quatre autres concepts de missions ont été passés en revue, mais le comité a refusé de les approuver en raison des coûts et des technologies nécessaires un peu trop « avant-gardistes ». Il s'agit d'une mission à destination de Neptune et d'atterrisseurs sur Europe (satellite de Jupiter), sur Mercure et sur Vénus.
Le rapport a aussi identifié et sélectionné des destinations d'un très grand intérêt scientifique pour les futures missions New Frontiers de la Nasa :
- une mission autour et sur un astéroïde centaure ;
- retour d'échantillons de Cérès ;
- retour d'échantillons d'une comète ;
- multiples survols d'Encelade ;
- Lunar Geophysical Network ;
- sonde à l'intérieur de Saturne ;
- orbiter autour de Titan ;
- mission sur la surface de Vénus.
Concrètement, le rapport recommande à la Nasa de sélectionner un de ses concepts pour New Frontiers 6, dont la sélection est prévue à la fin de cette décennie. Pour New Frontiers 7, dont la sélection aura lieu du début au milieu des années 2030, le choix se fera parmi cette liste de concept, à l'exception de celui sélectionné pour la mission numéro 6 du programme. À cette liste, le rapport recommande d'ajouter une mission à destination de Triton, un des satellites de Neptune.
Enfin, dans le domaine de la défense planétaire, le rapport soutient la poursuite des travaux visant à atteindre l'objectif fixé par le Congrès en 2005 de découvrir et caractériser 90 % des objets proches de la Terre (NEO) d'au moins 140 mètres de diamètre. Cependant, il recommande à la Nasa de travailler à la découverte du plus grand nombre possible d'objets plus petits. Dans ce contexte, le télescope spatial NEO Surveyor est fortement soutenu. Un soutien de poids pour la mission dont la dernière proposition de budget pour l’exercice 2023 a réduit le budget de la mission, repoussant d'au moins deux ans son lancement (2026). Après NEO Surveyor, le rapport recommande la réalisation d'une mission à destination d'un de ces objets proches de la Terre, d'une taille de 50 à 100 mètres, afin de mieux préparer une réponse à une menace d'un NEO de courte durée.