Deux équipes d'astronomes ont étudié TOI-270 d avec le télescope spatial James-Webb. Leurs observations montrent la présence de plusieurs molécules, dont de la vapeur d'eau, mais la question de la présence ou non d'un océan d'eau liquide à la surface divise les chercheurs.


au sommaire


    TOI-270 d est une exoplanète avec un diamètre d'un peu plus de deux fois celui de la Terre et une masse presque cinq fois supérieure. Cette mini-NeptuneNeptune, découverte en 2019 grâce au télescope spatialtélescope spatial Tess, met 11,4 jours pour faire le tour de son étoile, une naine rouge avec 39 % de la masse et 38 % du diamètre du Soleil. TOI-270 d est la planète la plus éloignée de l'étoile parmi les trois connues dans ce système situé à 73 années-lumière de nous dans la constellationconstellation du Peintre.

    Vapeur d'eau, méthane et dioxyde de carbone

    Deux équipes d'astronomesastronomes ont observé ce système avec le télescope spatial James-Webb, plus particulièrement lorsque la planète passe devant son étoile. L'atmosphèreatmosphère de la planète filtre alors une partie de la lumière de l'étoile, permettant d'en analyser la composition. Ces observations ont ainsi révélé la présence de vapeur d'eau (H2O), de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère de TOI-270 d.

    Selon la première équipe, constituée de Måns Holmberg et Nikku Madhusudhan, chercheurs à l'Institut d'astronomie de l'université de Cambridge, au Royaume-Uni, cette composition chimique serait cohérente avec une surface entièrement couverte d'un océan et entourée d'une atmosphère riche en hydrogènehydrogène : une « planète-hycéan ». Cette planète ne serait cependant pas un paradis doux et accueillant : selon Nikku Madhusudhan, « la température de l'océan pourrait dépasser 100 degrés [Celsius] ». À haute pression atmosphériquepression atmosphérique, un océan aussi chaud pourrait encore être liquideliquide, « mais il n'est pas clair s'il serait habitable ».

    L'élément qui indiquerait la présence d'un océan sur TOI-270 d est l'absence d'ammoniacammoniac. En effet, selon la chimiechimie fondamentale, ce composé devrait se former naturellement dans une atmosphère riche en hydrogène. L'ammoniac est très soluble dans l'eau, donc son absence dans l'atmosphère signerait sa dissolution dans un océan.

    Vue d’artiste de la surface d’une « planète-hycéan » : une planète avec un océan d’eau liquide sous une atmosphère d’hydrogène. © Amanda Smith, PA
    Vue d’artiste de la surface d’une « planète-hycéan » : une planète avec un océan d’eau liquide sous une atmosphère d’hydrogène. © Amanda Smith, PA

    TOI-270 d serait en rotation synchrone : du fait des forces de maréeforces de marée, une face serait en permanence tournée vers l'étoile, tandis que l'autre serait perpétuellement dans l'obscurité. Il y aurait donc une importante différence de température entre les deux faces. Selon Madhusudhan, « l'océan serait extrêmement chaud pendant la journée » tandis que « le côté nuit pourrait potentiellement offrir des conditions habitables ». L'atmosphère serait cependant écrasante, avec une pression des dizaines ou centaines de fois supérieure à celle à la surface de la Terre. De la vapeur s'échapperait de l'océan, qui pourrait atteindre des profondeurs de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres, avec un fond marin de glace à haute pression recouvrant un noyau rocheux.

    Cette interprétation est cependant contestée par la seconde équipe, menée par Björn Benneke, qui a effectué des observations supplémentaires de la même exoplanète. L'étude conduite par le chercheur au Département de physiquephysique et Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l'université de Montréal, au Canada, et ses collègues confirme la détection de vapeur d'eau, de méthane et de dioxyde de carbonedioxyde de carbone. Cependant, selon eux, la planète serait trop chaude pour abriter de l'eau liquide - la température pourrait y atteindre 4 000 °C - et la planète présenterait plutôt une surface rocheuse surmontée d'une atmosphère très dense d'hydrogène et de vapeur d'eau. L'eau serait dans un état supercritique, une phase où il n'y a plus de discontinuité entre liquide et gazgaz. « C'est presque comme un fluide épais et chaud », décrit Benneke.

    Le sulfure de carbone, molécule prometteuse

    Les deux équipes sont néanmoins d'accord sur un autre point : la détection de sulfuresulfure de carbone (CS2). Sur Terre, ce composé est lié aux processus biologiques, mais il peut également être produit par d'autres sources. Aucune trace d'une autre biosignature - le sulfure de diméthylesulfure de diméthyle (CH3)2S - n'a pour sa part été trouvée.

    « Nous ne pouvons pas lier [le disulfure de carbone] à l'activité biologique, a déclaré Madhusudhan. Dans une atmosphère riche en hydrogène, il est relativement facile de fabriquer [ce composé]. Mais si nous parvenons à mesurer cette moléculemolécule unique, c'est prometteur pour que nous puissions mesurer des planètes habitables à l'avenir. »

    Le professeur invite par ailleurs à la prudence : « Nous devons être extrêmement prudents dans la manière dont nous communiquons les découvertes sur ce type d'objets. Il est facile pour le public de croire que nous trouvons déjà la vie. ».


    Exoplanètes : un système triple, avec deux mini-Neptune et une superterre, découvert par Tess

    Article de Laurent Sacco, publié le 31 juillet 2019

    Le successeur de Kepler, Tess, a découvert un intéressant système planétaire triple. Il est très prometteur pour l'étude des atmosphères des exoplanètes de type superterresuperterre et mini-Neptune, donnant l'espoir de pouvoir définir un jour de bonnes biosignatures pour chercher la vie ailleurs.

    La NasaNasa a tout récemment fêté une année de bons et loyaux services pour le satellite Tess (Transiting Exoplanet Survey SatelliteTransiting Exoplanet Survey Satellite), le successeur de Kepler, qui a pour but de chasser des exoterresexoterres potentielles dans un rayon de 300 années-lumière autour du Soleil. Plus généralement, si des exoplanètes dans cette sphère d'observation possèdent des atmosphères, leur proximité en fera des cibles à portée des instruments pour en faire l'analyse chimique -- jusqu'à un certain point. On pourra alors progresser vers la définition de ce qu'il faut entendre par « biosignatures convaincantes ». On sait par exemple qu'une atmosphère riche en oxygèneoxygène n'est pas automatiquement le produit de formes vivantes analogues à celles, oxygéniques, connues sur Terre et qui font de la photosynthèse.

    En effet, le rayonnement ultravioletultraviolet violent d'une étoile colérique peut dissocier les molécules d'eau d'une planète océanplanète océan, par exemple, enrichissant fortement son atmosphère en O2 mais sans que cela n'implique l'existence d'alguesalgues photosynthétiques dans son océan. Pire, un tel processus peut finalement conduire à la disparition de toute l'eau, l'hydrogène produit au passage s'envolant qui plus est dans l'espace.

    Une présentation du système de TOI 270. © Scott Wiessinger, <em>Nasa’s Goddard Space Flight Center </em>
    Une présentation du système de TOI 270. © Scott Wiessinger, Nasa’s Goddard Space Flight Center 

    Sans doute pour appuyer l'importance de l'anniversaire de Tess, la Nasa vient de faire savoir que le satellite avait également découvert un intéressant système planétaire autour d'une étoile située à environ 73 années-lumière dans la constellation du Peintre et répertoriée dans un catalogue sous la dénomination de UCAC4 191-004642. C'est une naine rouge de type M, comme il en existe tant dans la Voie lactéeVoie lactée (elles sont plus nombreuses que les naines jaunesnaines jaunes comme le Soleil) et dont la taille est environ 40 % plus petite que celle de notre étoile ainsi que sa masse. En conséquence de quoi sa température de surface est environ trois fois moins élevée que celle du Soleil comme le prédit bien la théorie de la structure stellaire que l'on doit à des pionniers du XXe siècle tels que Chandrasekhar et Eddington.

    Mais, dans la nomenclature des étoiles observées par Tess, la naine rouge est appelée Objet d'intérêt de Tess numéro 270, c'est-à-dire, en anglais, l'acronyme TOI 270. Comme les astrophysiciensastrophysiciens l'expliquent dans un article publié dans le célèbre journal Nature Astronomy et en accès libre sur arXiv, trois exoplanètes ont été détectées en orbiteorbite autour de TOI 270. Il s'agit d'une superterre et de deux mini-Neptune.

    TOI 270, un laboratoire pour l'exobiologie et la planétologie

    Comme Futura l'expliquait dans l'article précédent ci-dessous, on est en présence d'une illustration pour les exoplanètes de ce que l'on désigne sous le terme de lacune de Fulton (en anglais Fulton gapgap), nommé d'après l'astrophysicien Benjamin J. Fulton, qui a découvert un curieux creux dans la courbe de distribution des populations d'exoplanètes classées selon leur rayon. Encore appelée fossé de Fulton, la lacune se manifeste par un manque dans cette population sur l'intervalle des tailles comprises entre 1,5 et 2,0 rayons terrestres. Elle sépare donc la population des exoplanètes en deux familles. La planète la plus intérieure, TOI 270 b, probablement un monde rocheux environ 25 % plus grand que la Terre alors que les deux autres planètes, TOI 270 c et d, sont respectivement 2,4 et 2,1 fois plus grandes que la Terre.

    On a quelques idées sur l'origine de ce phénomène et plus généralement, TOI 270 pourrait servir à mieux comprendre l'origine des superterres et des mini-Neptunes.

    Une comparaison entre les tailles du système planétaire autour de TOI 270 et celui des lunes autour de Jupiter. © <em>Nasa’s Goddard Space Flight Center</em>
    Une comparaison entre les tailles du système planétaire autour de TOI 270 et celui des lunes autour de Jupiter. © Nasa’s Goddard Space Flight Center

    TOI 270 b boucle son orbite autour de son étoile hôte en 3,4 jours à une distance environ 13 fois plus proche que MercureMercure par rapport au Soleil. Sur la base d'études statistiques sur des exoplanètes connues de taille similaire, les astrophysiciens estiment que la TOI 270 b a une masse environ 1,9 fois supérieure à celle de la Terre. Mais c'est nécessairement un monde hostile à la vie car sa température d'équilibre de surface est d'environ 254 °C.

    TOI 270 c et d gravitent autour de TOI 270 respectivement en 5,7 et 11,4 jours et contiennent probablement environ 7 et 5 fois la masse de la Terre. Bien qu'il n'existe pas de mini-Neptune dans le Système solaireSystème solaire, il est raisonnable de penser qu'elles ressemblent à Neptune. Dans tous les cas, les trois exoplanètes sont en rotation synchronesynchrone, présentant donc toujours la même face à TOI 270.

    TOI 270 d attise particulièrement l'intérêt des chercheurs car sa température de surface est estimée à 66 °C, ce qui la rend potentiellement habitable avec de l'eau liquide, modulo l'état exact de son atmosphère et de sa structure exacte également. Avec un noyau rocheux et une atmosphère épaisse, elle ne serait pas en fait propice à la vie selon les planétologistes. Toutefois, à ce stade, il n'est pas exclu que l'on découvre rapidement au-delà de l'orbite de TOI 270 d une exoplanète rocheuse vraiment habitable.

    Ce qui est certain, c'est que le système planétaire triple de TOI 270 « est parfaitement situé dans le ciel pour étudier les atmosphères de ses planètes extérieures avec le futur télescope spatial James Webb de la Nasa », selon l'astrophysicienne Adina Feinstein, doctorante à l'Université de Chicago. Membre de l'équipe à l'origine de la découverte, elle ajoute que TOI 270 « sera observable par le successeur de Hubble pendant plus de six mois, ce qui pourrait permettre des études et des comparaisons très intéressantes entre les atmosphères de TOI 270 c et d ».


    Tess découvre une mini-Neptune et Kepler une étrange planète située dans « l'écart de Fulton »

    Deux nouveaux mondes pour le prix d'un ! Le satellite Tess découvre sa troisième exoplanète, une mini-Neptune, tandis que son aîné Kepler revient d'outre-tombe pour nous offrir une perle rare, à mi-chemin entre les superterres et les planètes gazeusesplanètes gazeuses, située dans la zone habitable.

    Le télescope spatial de la Nasa Tess (Transiting exoplanet survey satellite), lancé en avril, a découvert sa troisième exoplanète confirmée, gravitant autour d'une étoile naineétoile naine orange à 53 années-lumière de nous. Répondant au doux nom de HD 21749 b, cette planète trois fois plus grosse que la Terre et 23 fois plus massive se classe dans la catégorie des mini-Neptune.

    « Nous pensons qu'elle est moins gazeuse que Neptune ou UranusUranus », déclare Diana Dragomir du MIT, première auteure de l'article décrivant HD 21749 b. Sa densité est plus élevée mais pas au point d'en faire une planète rocheuse. Il pourrait s'agir d'une planète-océan ou recouverte d'une épaisse atmosphère. Les scientifiques estiment que sa température de surface, plutôt basse compte-tenu de sa proximité à son étoile, avoisine les 150 °C.

    Voir aussi

    Le satellite Tess découvre sa première exoplanète

    HD 21749 b complète son orbite en 36 jours. Par comparaison, la superterre PiPi Mensae c (ou HD 39091 c) et la planète telluriqueplanète tellurique LHS 3884 b, les deux précédentes découvertes de Tess, tournent autour de leur étoile en six jours et en onze heures, respectivement. Il semblerait qu'une autre petite planètepetite planète, non confirmée, se cache dans le système de HD 21749. Elle aurait la taille de la Terre et tournerait autour de son étoile en un peu moins de huit jours.

    Les trois premières exoplanètes découvertes par le télescope spatial Tess, dans l'ordre Pi Mensae c, LHS 3884 b et HD 21749, et leur position dans le ciel. © NasaSolarSystem, YouTube

    Des volontaires trouvent un « chaînon manquant » dans les données de Kepler

    Avec trois mondes confirmés et plus de 280 candidats repérés au cours de ses trois premiers mois d'observation, le satellite Tess reprend avec panache le flambeau de Kepler, à la retraite depuis fin octobre. Mais le célèbre chasseur d'exoplanètes n'a pas pour autant dit son dernier mot, puisque de nouvelles découvertes se cachent encore dans ses données.

    La dernière en date, K2-288B b, est d'ailleurs exceptionnelle à plus d'un titre. Elle se trouve dans la zone habitable de son étoile et tourne autour d'elle en un peu plus de 31 jours. Ladite étoile est le plus petit membre d'un système binairesystème binaire, situé à 226 années-lumière de nous.

    Vue d'artiste de la planète K2-288B b, située à 226 années-lumière de nous. © <em>Nasa's Goddard Space Flight Center, </em>Francis Reddy
    Vue d'artiste de la planète K2-288B b, située à 226 années-lumière de nous. © Nasa's Goddard Space Flight Center, Francis Reddy

    La planète a été découverte par le biais du projet de sciences participatives Exoplanet Explorers, qui permet au grand public d'examiner les données de Kepler en quête de transitstransits d'exoplanètes. Les scientifiques avaient déjà pu observer deux transits de K2K2-288B b mais un troisième était nécessaire pour confirmer son statut de planète.

    Ce sont finalement des volontaires qui l'ont repéré. Il s'était produit durant les premiers jours d'observation de Kepler, des données qui avaient été au départ écartées par les chercheurs pour éviter des erreurs de mesure, dues à la réorientation du télescope lorsqu'il change de cible.

    K2-288B b est d'une taille plutôt rare.

    La planète K2-288B b fait le double de la Terre, une taille plutôt rare. Elle pourrait être tellurique ou gazeuse - difficile de la ranger dans une catégorie puisqu'elle n'est ni assez grosse ni trop petite. En effet, parmi les petites planètes extrasolairesplanètes extrasolaires d'une taille comprise entre une et quatre fois celle de la Terre, celles mesurant entre 1,5 et 2 rayons terrestres manquent cruellement à l'appel - un phénomène mis en évidence en 2017 que l'on appelle « écart de Fulton » (Fulton gap en anglais).