L'observation de l'évaporation rapide de la Neptune chaude GJ 3470b à l'aide du télescope Hubble accrédite pour la première fois un scénario envisagé pour expliquer la rareté de ces exoplanètes. En perdant atmosphère et couches de glaces, elles deviendraient des superterres rocheuses.


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    En cette première moitié du XXIe siècle, l'Humanité a déjà détecté plus de 3.900 exoplanètesexoplanètes grâce à ses yeuxyeux, au sol ou sur orbiteorbite, comme le VLTVLT, au Chili ou le défunt satellite Kepler. La quête va se poursuivre avec de nouveaux instruments bientôt (ou récemment) opérationnels, comme le Télescope géant européen (en anglais, Extremely Large Telescope ELTELT ; anciennement European Extremely Large Telescope ou E-ELT) et le satellite TessTess (Transiting Exoplanet Survey Satellite).

    Un volumevolume de données suffisant est déjà disponible pour faire des statistiques quant à l'existence de planètes potentiellement habitables, qu'il s'agisse d'exoterresexoterres, de superterressuperterres ou d'exolunes, de sorte que l'on commence à poser des contraintes sérieuses sur certains des paramètres de la fameuse équation de Drakeéquation de Drake en exobiologieexobiologie. Cela permet d'en poser également sur les modèles cosmogoniques décrivant la formation des systèmes planétaires et leur évolution, par contrecoup sur celles du Système solaireSystème solaire. La découverte de Jupiters chaudesJupiters chaudes a, par exemple, contribué à faire prendre au sérieux la notion de migration planétaire au milieu des années 1990. L'investigation de ce phénomène, qui semble très fréquent, est toujours en cours ainsi que celui de la formation des géantes gazeusesgéantes gazeuses et des géantes de glaces qui n'est toujours pas aussi bien comprise qu'on le voudrait.

    Les astrophysiciensastrophysiciens avaient d'ailleurs remarqué, depuis quelques temps déjà, un fait curieux en dressant un tableau des populations des exoplanètes en fonction de leurs tailles et de leurs distances à leurs étoilesétoiles hôteshôtes. Ils étaient alors tombés sur l'énigme des Neptunes chaudes manquantes.

    Ce graphique représente les exoplanètes en fonction de leur taille et de la distance qui les séparent de leur étoile. Chaque point représente une exoplanète. Les planètes de la taille de Jupiter (situées en haut du graphique) et les planètes de la taille de la Terre et les superterres (en bas) se trouvent à toutes les distances de leur étoile. Mais les planètes de la taille de Neptune sont rares près de leur étoile. Ce désert de Neptunes chaudes (<em>Hot Neptune Desert</em>) montre que de tels mondes extraterrestres sont rares ou bien, ils étaient abondants à une époque, mais ont depuis disparu (un Mile vaut environ 1,6 km ). © Nasa, ESA and A. Feild (STScI)
    Ce graphique représente les exoplanètes en fonction de leur taille et de la distance qui les séparent de leur étoile. Chaque point représente une exoplanète. Les planètes de la taille de Jupiter (situées en haut du graphique) et les planètes de la taille de la Terre et les superterres (en bas) se trouvent à toutes les distances de leur étoile. Mais les planètes de la taille de Neptune sont rares près de leur étoile. Ce désert de Neptunes chaudes (Hot Neptune Desert) montre que de tels mondes extraterrestres sont rares ou bien, ils étaient abondants à une époque, mais ont depuis disparu (un Mile vaut environ 1,6 km ). © Nasa, ESA and A. Feild (STScI)

    En effet, on voit très bien, sur le diagramme ci-dessus, qu'il existe une région mystérieusement dépeuplée indiquant un faible nombre d'exoplanètes de la taille de NeptuneNeptune qui auraient migré loin de leurs lieux de formation, nécessairement au-delà de la fameuse ligne des glaces qui marque la séparationséparation entre les planètes telluriquesplanètes telluriques et les planètes géantesplanètes géantes (celles-ci ne pouvant se former qu'au-delà de la ligne des glaces), pour se retrouver très proches de leurs soleilssoleils. Concrètement, à part des exoterres, on ne trouvait, à de pareilles distances, que des Jupiters ou des superterres chaudes.

    Des exoneptunes qui migrent, chauffent et s'évaporent en superterres

    Comment expliquer ce phénomène curieux ? Il était peu crédible de faire intervenir une inhibitioninhibition de la formation des exoneptunes ou de leur migration et ce, d'autant plus que l'on observe bien l'existence de Jupiters chaudes. D'une certaine façon, les Neptunes chaudes devaient avoir disparu mais par quel mécanisme ?

    Les modèles de formation des géantes gazeuses ou de glaces permettent de penser qu'elles peuvent contenir initialement un noyau rocheux important, suffisamment parfois d'ailleurs pour être de la taille et de la massemasse d'une superterre, c'est-à-dire moins de 10 masses terrestres et un rayon inférieure à deux fois celui de notre planète environ, mais supérieur à 1,25 fois celui de la TerreTerre (il existe quelques variations dans la littérature à ce sujet). Il était donc imaginable que, suite à leur migration, et donc suffisamment proches d'une jeune étoile ayant un rayonnement particulièrement érosif pour leur atmosphèreatmosphère déjà particulièrement chauffées, les exoneptunes pouvaient perdre de la masse et s'évaporer jusqu'à se transformer en superterres. Une partie de la population observée serait donc simplement les restes des Neptunes chaudes perdues.

    Pour rendre crédible cette hypothèse, il fallait détecter de telles Neptunes en cours d'évaporation et surtout, rapidement. C'est ce qu'a été capable de faire une équipe internationale de chercheurs menée par des astronomesastronomes de l'université de Genève (Unige) comme elle l'explique dans une publication en accès libre du arXiv.


    Mojo, pour Modeling the origin of jovian planets, (modélisation de l'origine des planètes joviennes), est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et, en particulier, des géantes gazeuses. On y aborde aussi la question des migrations planétaires et l'origine des superterres. On les doit à deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Traduction et sous-titrage en cliquant sur la roue dentée en bas, à droite, de la vidéo. © Laurence Honnorat

    Les astronomes ont mobilisé les données d'observations conduites dans l'ultravioletultraviolet avec le télescope Hubbletélescope Hubble et qui concernent une Neptune chaude découverte en 2012 : Gliese 3470 b, en abrégé GJ 3470b. Elle est en orbite rapprochée autour d'une naine rougenaine rouge de type M à environ 97 années-lumièreannées-lumière du Soleil dans la constellation du Cancerconstellation du Cancer. Avec une masse d'un peu moins de 14 masses terrestres et un rayon d'environ 4,3 fois celui de la Terre, elle orbite à seulement 5 millions de kilomètre de Gliese 3470 qui est âgée de deux milliards d'années tout au plus.

    Une autre Neptune chaude perdait son atmosphère depuis quelques années, à savoir GJ 436b, également étudiée par des astronomes de l'université de Genève, en utilisant le télescope spatial Hubble, mais le taux de perte de l'hydrogènehydrogène pour l'atmosphère de GJ 3470b est 100 fois supérieur. « C'est la première fois que l'on observe une planète perdre son atmosphère si vite que cela peut impacter son évolution. Jusqu'à maintenant, nous n'étions pas sûrs du rôle joué par l'évaporation des atmosphères », explique dans un communiqué Vincent Bourrier, chercheur au Département d'astronomie de la Faculté des sciences de l'Unige, qui a mené les derniers travaux sur GJ 3470b. Dans le même communiqué, l'astronome précise que ses collègues et lui-même, estiment que GJ 3470b aurait déjà perdu plus d'un tiers de sa masse.

    Tout cela semble être de bonne augure mais les chercheurs sont prudents, estimant qu'il faudra découvrir d'autres GJ 3470b pour affirmer que l'énigme des Neptunes chaudes manquantes a été résolue. Comme il est difficile de mettre en évidence la perte d'hydrogène à des distances supérieures à 150 années-lumière en raison de l'absorptionabsorption de la poussière interstellairepoussière interstellaire, il faudrait, pour faire grimper la statistique, détecter la fuite d'héliumhélium qui devrait l'accompagner. Mais pour cela, il faudra attendre le regardregard infrarougeinfrarouge du télescope spatial James Webb.