Bien que la caméra Cassis, à bord de la sonde TGO de l’ESA, ne soit pas capable de voir distinctement l’atterrisseur InSight, elle n’en demeure pas moins un instrument très innovant. Ces images sont en effet très utiles à la compréhension de la planète Mars, notamment ses cycles climatiques. 


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    Il y a quelques jours, l'université de Berne, en Suisse, a rendu publique une image acquise par la caméra Cassis du satellite européen TGO (Trace Gas Orbiter), montrant InSight sur le sol martien, depuis le 26 novembre 2018.

    On y voit le site d’atterrissage du lander de la Nasa dans la région d'Elysium Planitia, entouré par son parachuteparachute et son bouclier thermique, largués avant l'atterrissage. Au milieu du cratère, noirci par l'allumage des rétrofusées, apparaît un pixelpixel blanc : c'est l'atterrisseur américain InSight. Mais il faut un œilœil vraiment très exercé pour discerner l'engin ! Et pour cause, la caméra Cassis n'a pas été conçue pour réaliser des vues en très haute résolutionrésolution. À la différence de la caméra HiRise de la sonde MROMRO de la Nasa, qui permet de voir des rochers de moins d'un mètre, Cassis a une résolution maximale de seulement cinq mètres par pixel.

    À ceux qui s'étonnent qu'une caméra aussi récente n'offre pas plus de détails, il faut savoir que ce n'est pas le but recherché par Cassis. Cette caméra se différencie des autres, plus performantes en terme de résolution, par une meilleure couverture spatiale de la surface. Ainsi, elle permet de suivre l'évolution de la surface de Mars au fil des saisonssaisons et en plus, en 3D. C'est là où se situe l'innovation, car les autres caméras de cette résolution n'ont pas de mode stéréo et sont obligées de repasser au même endroit pour permettre de reconstruire la topographie. Avec Cassis, la topographie est calculée systématiquement à une résolution 10 fois supérieure à la topographie existante.

    Couches de glaces, empilées les unes sur les autres, qui enregistrent l’évolution du climat de Mars au cours des derniers millions d'années à des centaines de millions d’années. © ESA, Roscosmos, <em>CaSSIS Science Team</em>
    Couches de glaces, empilées les unes sur les autres, qui enregistrent l’évolution du climat de Mars au cours des derniers millions d'années à des centaines de millions d’années. © ESA, Roscosmos, CaSSIS Science Team

    Un premier rapide bilan technique et scientifique

    Susan Conway, scientifique associée pour Cassis et utilisatrice des images, dresse un premier bilan technique et scientifique de la caméra dix mois après sa mise en service, et qui « fonctionne bien ». Jusqu'à présent, CaSSIS a « acquis environ 5.400 images dont 1.580 paires stéréos ». Ces images stéréos permettent de « reconstruire la topographie ou relief de la surface et d'avoir une vue en 3D de la surface de Mars ». Ces images anaglyphes sont visibles sur le site de l'ESA avec des lunettes adaptées (filtres de couleurs rouge et bleu).

    Ces données brutes ne sont pas simples à manipuler car elles comprennent les framelets qui sont des portions de l'image finale et pour chaque image finale, « il y a environ 50 à 100 framelets pour chaque canaux (4 canaux) ». Ainsi contrainte, l'équipe de la caméra doit travailler sur le traitement des « données pour pouvoir produire semi-automatiquement et donc rapidement les images en couleur dans un format accessible pour tout le monde ».

    D'un point de vue scientifique, les premiers résultats vont « apparaître dans l'année qui vient maintenant que nous avons un catalogue de plusieurs milliers d'images à étudier ». Pour la chercheuse, le retour scientifique le « plus intéressant sera [celui concernant] les informations sur la répartition saisonnière des glaces sur la surface relevées grâce aux canaux couleur de Cassis ». Ces informations peuvent expliquer « pourquoi nous voyons des activités sur la surface actuellement » comme, par exemple, « les coulées dans les ravines, plus connues sous le nom de gullies. » Concernant la glace, Cassis a déjà « contribué à une étude sur les couches dans la calotte sud de Mars » qui révèle des indices des « cycles climatiques sur Mars, un résultat important pour mieux comprendre la planète ».


    ExoMars : TGO livre sa première image depuis sa position définitive

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 05/05/2018

    L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) vient de diffuser la première image acquise par la caméra Cassis, de l'orbiteur TGOorbiteur TGO (mission ExoMars), depuis sa position définitive autour de Mars. On y voit la crête d'un cratère d'impact appelé Korolev et situé à côté du pôle nord martien.

    Après avoir terminé son aérofreinage autour de Mars fin février 2018, la sonde TGO, de l'Agence spatiale européenne (ESA), se trouve maintenant sur une orbite circulaire située à 400 kilomètres d'altitude et inclinée à 74° avec une période de révolutionpériode de révolution de deux heures. Cet orbiteur a débuté ses observations scientifiques. L'Agence spatiale européenne vient de rendre publique une première image prise le 15 avril depuis sa position définitive et qui est d'intérêt scientifique (les précédentes images, acquises depuis des altitudes plus élevées, avaient aussi un intérêt scientifique mais elles n'exploitaient pas tout le potentiel de cette caméra).

    Cette image est la crête d'un cratère d'impact qui s'appelle Korolev et qui se situe à côté du pôle nord martien. Elle a été acquise par la caméra Cassis, qui permet des prises de vue en couleurs en stéréo et utilise les deux images obtenues en même temps pour reconstruire la topographie des lieux. Cette image a une résolution de 5 mètres. Une résolution aussi faible peut surprendre quand on sait que la caméra HiRise, de la sonde MRO (Nasa), permet de voir des rochers de moins de un mètre. Mais il faut savoir que Cassis n'a pas été conçue pour réaliser des vues avec une très haute résolution.

    Pour rappel, les premières lumièreslumières de la caméra Cassis datent de novembre 2016 mais elles avaient surtout pour but de s'assurer du bon fonctionnement de l'appareil. Cassis est utilisée comment caméra de contexte pour compléter les données des autres instruments de la sonde. Par exemple, si TGO détecte des traces de méthane et d'autres gazgaz, Cassis sera utilisée pour identifier la source.

    Le cratère Korolev vu par la sonde TGO, de l'ESA, avec une résolution de 5,08 mètres. L'image, prise le 15 avril 2018, couvre une zone du cratère de 10 km par 40 km. © ESA, Roscosmos, <em>CaSSIS Science Team</em>
    Le cratère Korolev vu par la sonde TGO, de l'ESA, avec une résolution de 5,08 mètres. L'image, prise le 15 avril 2018, couvre une zone du cratère de 10 km par 40 km. © ESA, Roscosmos, CaSSIS Science Team

    Le cratère Korolev et ses dépôts de glace

    Ce cratère n'est pas aussi anodin qu'il y paraît. D'ailleurs, Susan Conway, scientifique associé pour Cassis au Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes, qui nous avait commenté les premières lumières de la caméra, l'a déjà étudié dans le passé et avait publié un article scientifique en 2012 (voir ici). Comme elle nous l'explique, le cratère Korolev est particulier puisqu'il « contient des dépôts de glace épaisse ressemblant à ceux qui constituent la calotte nord, mais en forme de bosses ».

    Cette image est donc intéressante parce qu'on approche de l'automneautomne dans l'hémisphère nordhémisphère nord et « qu'on voit le versant dégelé à l'intérieur du cratère, en bas de l'image, et, au centre de l'image, un dépôt de glace d'eau pérenne sur la crête ». Les stries qu'on voit sont « probablement créées par le ventvent qui a transporté la glace ». Les images comme celles-ci vont permettre de « bien mieux comprendre les cycles saisonniers et comment se dépose et disparaît la glace sur la surface de Mars ».

    Cette image d'une partie de la région volcanique de Tharsis a été acquise en novembre 2016 alors que la sonde TGO se trouvait à plus de 1.700 kilomètres de la surface de la planète. Nuages d'eau et/ou de glace, ciel brumeux et une légère brise : telle aurait pu être la météo de cette région le 22 novembre 2016, lorsque cette image a été prise par la caméra Cassis. © ESA, Roscosmos, Cassis
    Cette image d'une partie de la région volcanique de Tharsis a été acquise en novembre 2016 alors que la sonde TGO se trouvait à plus de 1.700 kilomètres de la surface de la planète. Nuages d'eau et/ou de glace, ciel brumeux et une légère brise : telle aurait pu être la météo de cette région le 22 novembre 2016, lorsque cette image a été prise par la caméra Cassis. © ESA, Roscosmos, Cassis

    Une façon inédite d'observer Mars

    Les « premières images de Cassis sont très impressionnantes parce qu'elles sont prises très tôt le matin quand la lumière du SoleilSoleil est rasante ». Techniquement, c'est très difficile pour des images en couleurs et, scientifiquement, c'est innovant « parce que les autres sondes n'ont pas une orbite qui permet d'obtenir des images dans différentes périodes durant la journée ; c'est donc un atout unique pour Cassis ».

    Ces prises de vue le matin et le soir vont permettre aux scientifiques de « mieux comprendre le lien entre les dépôts des givresgivres (saisonniers et journaliers) et des processus que nous voyons en train de sculpter la surface actuellement ». Ces givres peuvent être de la glace carboniqueglace carbonique ou bien de l'eau et nous comprenons mal les phénomènes liés à eux, souvent nommés « exotiquesexotiques » parce que nous n'avons pas un équivalent terrestre (par exemple, les jets de gaz qui sortent des fissures dans la glace).


    TGO livre ses premières images

    Article de Rémy Decourt publié le 30/11/2017

    L'Agence spatiale européenne (ESA) vient de diffuser les premières images acquises par la caméra Cassis, de l'orbiteur TGO, de la mission ExoMars 2016ExoMars 2016. Les premières lumières de cet instrument étaient attendues avec impatience car elles permettent de s'assurer que l'appareil fonctionne bien et donnent un avant-goût des retombées scientifiques attendues.

    L'atterrissage raté de Schiaparelli ne doit pas faire oublier le succès de la mise en orbite de la sonde Trace Gaz Orbiter (TGO) autour de la Planète rouge dans le cadre de la mission ExoMars 2016. Pour l'instant, la sonde n'est pas sur son orbite définitive (qui est située à quelque 400 kilomètres d'altitude et qu'elle atteindra en octobre 2017) ; elle évolue sur une orbite fortement elliptique de 250 km à 100.000 km.

    L'activité scientifique ne débutera qu'à partir du mois de mai. Néanmoins, les instruments de l'orbiteur sont allumés et testés pour vérifier leur bon fonctionnement. C'est le cas de la caméra Cassis (acronyme de Colour and Stereo Surface Imaging System). Celle-ci vient d'acquérir ses premières images haute résolution de la surface de Mars depuis sa mise en orbite le 19 octobre. Ces images ont été obtenues lors du passage de la sonde à proximité du canyon Valles Marineris et des grands volcansvolcans martiens.

    Cassis permet des prises de vue couleur en stéréo et utilise les deux images obtenues en même temps pour reconstruire la topographie des lieux. Ce premier lot d'images va permettre d'améliorer la qualité des prochaines prises de vue.

    Première reconstitution en 3D réalisée par la caméra Cassis avec des détails de 20 mètres (Noctis Labyrinthes). © ESA, Roscosmos, ExoMars, Cassis, UniBE
    Première reconstitution en 3D réalisée par la caméra Cassis avec des détails de 20 mètres (Noctis Labyrinthes). © ESA, Roscosmos, ExoMars, Cassis, UniBE

    Nicolas Mangold, co-investigateur de l'équipe scientifique de Cassis (également directeur de recherche au CNRS, au LPG Nantes) et Susan Conway, scientifique associé pour Cassis, répondent à nos questions.

    Pouvez-vous nous donner un bref descriptif technique de la caméra et nous en dire plus sur ses performances ?

    Susan Conway : Cette caméra, qui permet des prises de vues couleur en stéréo, utilise un procédé capable de reconstruire la topographie à partir de deux images. Ces premières images prises par la camera et rendues publiques montrent qu'elle fonctionne bien.

    Nicolas Mangold : J'ajouterais que cette caméra aura une résolution en phase d'acquisition qui sera autour de 5 m/pixel, quand l'orbite sera circularisée à 400 kilomètres d'altitude vers la fin 2017. Ces premières images sont prises alors que l'orbite est très elliptique (250 km par 100.000 km) ; elles permettent de tester les capacités de l'instrument et vont permettre d'améliorer les traitements dans le futur.

    Quelles sont vos attentes en ce qui concerne le retour scientifique ?

    Nicolas Mangold : Cassis n'est pas la plus précise des caméras en orbite martienne, mais elle permet une meilleure couverture spatiale de la surface. Elle va permettre de suivre l'évolution de la surface de Mars au fil des saisons, et en plus en 3D. C'est là où se situe l'innovation, car les autres caméras de cette résolution n'ont pas de mode stéréo et sont obligées de repasser au même endroit pour permettre de reconstruire la topographie. Avec Cassis, la topographie est calculée systématiquement à une résolution 10 fois supérieure à la topographie existante.

    Susan Conway : À cela s'ajoute que les autres instruments de la mission ont pour but la détection des gaz à l'état de traces comme le méthane, potentiellement intéressant pour les liens exobiologiques. En cartographiant la surface de Mars, Cassis aidera notamment à localiser les sources de ces gaz à la surface. Elle nous permettra de mieux comprendre les processus actifs sur la surface de la planète et, avec sa capacité couleur, nous facilitera la détection des changements entre deux images prises consécutivement.

    Cette caméra est-elle innovante par rapport à d'autres autour de Mars ? Si oui, en quoi se démarque-t-elle ?

    Susan Conway : Les autres caméras haute résolution actuellement en orbite prennent leurs images à 15 heures (heure martienne). En n'ayant pas cette contrainte, Cassis permettra d'observer la surface aux autres heures de la journée martienne, ce qui sera intéressant pour mieux comprendre les processus actifs tels que les infiltrations récurrentes d'eau liquideliquide, désignées Recurring Slope Lineae (RSL).

    Permettra-t-elle d'autres avancées scientifiques ?

    Nicolas Mangold : Oui. Cette caméra nous aidera également à approfondir les thématiques sur les traces d'eau, actuelle ou passée.

    Susan Conway : Ainsi qu'à mieux comprendre les processus actifs à la surface de la planète ; avec sa capacité couleur, elle nous facilitera la détection des changements entre deux images prises consécutivement.

    Note : L'instrument Cassis est le fruit d'une collaboration européenne entre l'université de Berne (qui héberge le principal investigateur, Nicolas Thomas), l'observatoire astronomique de Padoue et le centre spatial de Varsovie.