Sur Terre, la découverte par la vie de l'utilisation de l'oxygène l'a rendue nettement plus efficace, peut-être aussi pour évoluer et se complexifier en les organismes multicellulaires que nous connaissons aujourd'hui. Si de la vie existe dans l'océan d'Europe, la lune glacée de Jupiter, elle dispose peut-être d'oxygène mais qui ne provient pas de la photosynthèse. La sonde Juno a permis de confirmer et d'évaluer la production de cet oxygène dans l'atmosphère d'Europe, qui est un peu moins importante qu'on ne pouvait le penser.


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    Dans l'adaptation par Peter Hyams du roman d'Arthur Clarke 2010 : Odyssée 2 en 1984, les héros font la découverte de traces de chlorophyllechlorophylle sur Europe, la lune glacée de JupiterJupiter et également d'une forme de vie. Quand il a écrit son roman, Clarke disposait de la découverte par les sondes Voyager d'éruptions sur IoIo, la lune volcanique de Jupiter, et d'un océan global recouvert par une banquisebanquise pour Europe.

    Les exobiologistes de l'époque, comme il est bien connu maintenant, avaient rapidement spéculé sur l'existence de l'équivalent des oasis de vies autour des sources hydrothermalessources hydrothermales connues sur Terre mais cette fois-ci au fond de l'océan d'Europe et en raison d'un volcanisme causé comme dans le cas d'Io par des forces de marée produisant de la chaleur dans les deux lunes.

    On s'interroge encore sur cette possibilité et l'on espère progresser sur cette question avec les sondes JuiceJuice et surtout Europa Clipper d'ici les années 2030. En attendant, c'est la mission JunoJuno de la Nasa qui continue à nous fournir des informations sur Europe, comme le prouve une publication dans le célèbre article Nature Astronomy. Elle porteporte sur un sujet que Futura avait déjà abordé dans le précédent article ci-dessous il y a deux ans, la production abiogénique d'oxygène par Europe et ses implications pour le développement possible de formes de vies dans son océan.


    La bande-annonce de 2010. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © MGM

    La première mesure in situ des composants de l'eau dans l'atmosphère d'Europe

    Dans un communiqué du Southwest Research Institute dont le siège se trouve à San Antonio dans le Texas, Scott Bolton, co-auteur de l'étude explique au sujet des travaux aujourd'hui exposés que « ces résultats ont des implications directes sur l'habitabilité potentielle d'Europe. Cette étude fournit la première mesure directe in situ des composants de l'eau présents dans l'atmosphèreatmosphère d'Europe, nous donnant une plage étroite qui pourrait soutenir l'habitabilité ».

    Il s'agit de mesures directes de la présence de moléculesmolécules chargées d'oxygène et d'hydrogènehydrogène faites par Juno avec l'instrument Jovian Auroral Distributions Experiment (Jade) développé par le SwRI lors d'un survolsurvol rapproché d'Europe le 29 septembre 2022. À ce moment-là, la sonde n'était qu'à 352 kilomètres de la lune, qui elle-même a un diamètre équatorial de 3 100 kilomètres.

    Toujours dans le même communiqué, Frederic Allegrini, chercheur et co-auteur du SwRI, explique : « Nous avons conçu Jade pour mesurer les particules chargées qui créent les aurores boréalesaurores boréales de Jupiter. Les survols d'Europe ne faisaient pas partie de la mission principale Juno. Jade a été conçu pour fonctionner dans un environnement à fort rayonnement, mais pas nécessairement dans l'environnement d'Europe, qui est constamment bombardé par des niveaux élevés de rayonnement. Néanmoins, l'instrument a fonctionné à merveille. »


    Europe et son océan global sont prometteurs pour l'exobiologie. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

    Juste un peu moins d'oxygène que prévu pour la vie

    Ce rayonnement cosmique intense qui bombarde la surface d'Europe est d'ailleurs à l'origine des molécules aujourd'hui solidement mises en évidence et qui constituent l'atmosphère de la lune. C'est ce rayonnement qui briserait les molécules d'eau sous forme de glace de sa banquise.

    Les molécules d'oxygène, plus lourdes, ont tendance à rester plus proches de cette banquise que les molécules d'hydrogène - que la gravitégravité d'Europe retient moins et qui va s'échapper dans l'espace plus facilement. C'est ce qui fait dire à Jamey Szalay, chercheur à l'université de Princeton, auteur principal de l'étude que « la coquille de glace d'Europe absorbe les radiations, protégeant ainsi l'océan en dessous. Cette absorptionabsorption produit également de l'oxygène dans la glace. Ainsi, d'une certaine manière, la coquille de glace agit comme le poumonpoumon d'Europe, fournissant une source potentielle d'oxygène pour l'océan. Nous avons déduit actuellement des contraintes étroites pour la production totale d'oxygène d'Europe, environ 12 kilos par seconde. Avant Juno, les estimations précédentes allaient de quelques kilos par seconde à plus de 1 000 kilos par seconde. Les résultats démontrent sans ambiguïté que l'oxygène est produit en permanence à la surface, juste un peu moins que prévu ».

    Cette illustration montre des particules chargées de la magnétosphère de Jupiter impactant la surface d’Europe, divisant les molécules d’eau gelées en molécules d’oxygène et d’hydrogène ionisées gazeux. Les scientifiques pensent que certains de ces gaz, l'oxygène en l'occurrence, nouvellement créés pourraient migrer vers l’océan souterrain de la lune, comme le montre l’image en médaillon. © Nasa, JPL-Caltech, SWRI, PU
    Cette illustration montre des particules chargées de la magnétosphère de Jupiter impactant la surface d’Europe, divisant les molécules d’eau gelées en molécules d’oxygène et d’hydrogène ionisées gazeux. Les scientifiques pensent que certains de ces gaz, l'oxygène en l'occurrence, nouvellement créés pourraient migrer vers l’océan souterrain de la lune, comme le montre l’image en médaillon. © Nasa, JPL-Caltech, SWRI, PU

    La question qui est d'importance pour les exobiologistes est toujours de savoir à quel point l'oxygène retenu dans la glace d'Europe pourrait se frayer un chemin vers l’océan souterrain en tant que source possible d'énergieénergie pour des formes de vie.

    On sait que dans l'histoire de la Terre, la vie semble avoir été révolutionnée quand la production d'oxygène par des organismes photosynthétiques a modifié la composition chimique des océans.

    Comme l'explique un autre communiqué, de la Nasa cette fois, l'étude de la production d'oxygène par Europe est l'une des nombreuses facettes que la mission Europa Clippermission Europa Clipper étudiera lorsqu'elle arrivera sur Jupiter en 2030. Elle disposera alors de neuf instruments pour déterminer si Europe présente des conditions propices à la vie.


    Une série de cours grand public sur l'exobiologie débute par cette vidéo. Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question… On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’Univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société Française d'Exobiologie

    De l'oxygène pourrait pénétrer dans l'océan d'Europe, une lune potentiellement habitable de Jupiter

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 02/04/2022

    Une vue de la surface d'Europe prise par la sonde Galileo le 26 novembre 2014. © Nasa
    Une vue de la surface d'Europe prise par la sonde Galileo le 26 novembre 2014. © Nasa

    Au moment où la recherche d'une vie ailleurs que sur Terre va rentrer dans une nouvelle phase avec le télescope James-Webb, il n'est pas inutile de rappeler qu'au début des années 1980, dans son fameux roman 2010 : Odyssée deux, Arthur Clarke -- le célèbre inventeur du concept de satellite géostationnaire -- prenait déjà au sérieux l'idée que des formes de vie pouvaient peut-être exister dans l'océan sous la banquise d'Europe, la lune glacée de Jupiter.

    Il ne faisait que reprendre en partie pour son roman de hard SF les résultats que l'on venait juste d'obtenir après le succès des missions Voyager 1Voyager 1 et 2 lors de leurs visites des lunes de Jupiter. Comme Futura l'avait expliqué dans de précédents articles, la découverte du volcanisme de Io avait alors été faite et les premières images rapprochées de la banquise d'Europe avaient été obtenues.

    Inspirés par celles des formes de vie au voisinage des sources hydrothermales dans les abysses au cours des années 1970, certains avaient spéculé qu'il pourrait en exister de similaires dans l'océan d'Europe, avec un volcanismevolcanisme provenant, comme dans le cas de Io, des forces de marée du système jupitérien. C'est peut-être ainsi que la vie sur Terre est née, dans les parois des cheminéescheminées de sources hydrothermales similaires pendant l'HadéenHadéen ou au début de l'ArchéenArchéen.

    Ces idées n'ont fait que prendre de plus en plus de poids avec les années, au point que des missions à destination d'Europe, directement ou indirectement, ont été envisagées ou sont déjà en préparation comme Juice et surtout Europa Clipper.
     

    De l'oxygène non biogénique sur Europe

    Rappelons que sur notre Planète bleue, les sources hydrothermales découvertes dans les océans depuis les années 1970 au voisinage des zones volcaniquement actives sont des oasis de vie tirant leur énergie de la chimiosynthèsechimiosynthèse à base de soufresoufre, sans la lumièrelumière du SoleilSoleil. On a de bonnes raisons de penser que l'utilisation de l'oxygène par des formes vivantes a été une étape importante pour l'évolution car cela permet de disposer d'une source d'énergie bien plus efficace.

    Cet oxygène est essentiellement produit sur Terre par photosynthèsephotosynthèse et on voit donc mal comment cela pourrait arriver dans l'océan global sous la banquise d'Europe, qui est déjà de toute façon bien loin du Soleil. On pourrait donc penser qu'il s'agit là d'un facteur limitant vers l'évolution de forme de vie complexe sur Europe. En effet, certains se demandent si la fameuse explosion cambrienneexplosion cambrienne sur Terre n'a pas été favorisée par une plus grande quantité d'oxygène disponible.

    Pourtant, un groupe de chercheurs en planétologie mené par des membres de l'University of Texas à Austin (USA) avance dans un article publié dans Geophysical Research Letters, et dont une version résumée est en accès libre, que l'océan d'Europe pourrait être aussi riche en oxygène que les océans de la Terre.

    Une vue d'artiste de la banquise d'Europe. Les geysers détectés pourraient provenir directement de l'océan d'Europe, éjectant en surface des molécules biologiques et pas simplement organiques. Ces molécules seraient malheureusement détruites en surface à cause des radiations. © Nasa, JPL-Caltech
    Une vue d'artiste de la banquise d'Europe. Les geysers détectés pourraient provenir directement de l'océan d'Europe, éjectant en surface des molécules biologiques et pas simplement organiques. Ces molécules seraient malheureusement détruites en surface à cause des radiations. © Nasa, JPL-Caltech

    L'idée n'est pas nouvelle en fait, mais elle est ici soutenue par des simulations numériquessimulations numériques prenant en compte l'impact de l'important flux de particules chargées bombardant la surface glacée d'Europe, un flux si important que l'on sait qu'il rend difficile pendant un temps assez limité, même avec durcissement de l'électronique, le fonctionnement d'une sonde en orbiteorbite rapproché autour d'Europe.

    Le modèle physiquemodèle physique implémenté se concentre sur le comportement de la glace salée de la banquise au niveau des analogues de ce que l'on appelle des paysages de chaos en géomorphologiegéomorphologie sur Terre. Dans le cas d'Europe, il s'agit de paysages constitués de fissures, de crêtes et de blocs de glace qui couvrent un quart du monde glacé.

    À priori, l'oxygène généré par dissociation des molécules d'eau de la glace sous l'action des photonsphotons solaires non filtrés par une atmosphère, comme c'est le cas sur Terre, et surtout sous l'action des particules chargées, très énergétiques dans la magnétosphèremagnétosphère proche de Jupiter, ne devrait pas pouvoir diffuser à travers la banquise épaisse de plus de 10 km au moins couvrant Europe.

    Une image d'un terrain chaotique à la surface d'Europe, la lune de Jupiter. © Nasa, JPL-Caltech, Institut Seti
    Une image d'un terrain chaotique à la surface d'Europe, la lune de Jupiter. © Nasa, JPL-Caltech, Institut Seti

    Toutefois, on a des raisons de penser qu'au niveau des terrains chaotiques, il existe de la saumuresaumure connectant la surface d'Europe à son intérieur. Les simulations numériques laissent penser que ce fluide pourrait se charger en oxygène et diffuser, percoler à travers les fractures de la banquise sous ces terrains, finissant par rejoindre l'océan interne.

    Il existe toutefois une large incertitude sur l'apport d'oxygène qui en résulte, d'un facteur 10.000 en fait, même si les calculs laissent aussi penser qu'environ 86 % de l'oxygène produit en surface devrait rejoindre l'intérieur d'Europe.

    On en saura peut-être plus une fois le lancement de la sonde Europa Clipper effectué si tout va bien en 2024. Mais il faudra attendre son arrivée autour de Jupiter en 2030 pour que les études commencent.

     

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