Les sources X ultralumineuses sont connues presque depuis les débuts de l'astronomie X dans l'espace et on pensait jusqu'à peu qu'elles étaient des trous noirs de masses intermédiaires accrétant de la matière. Mais les dernières observations de Chandra montrent qu'au moins une, et sans doute toutes ces sources sont des étoiles à neutrons accrétant de la matière selon un processus exotique.

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    HEAO-2 (High Energy Astrophysical Observatory), renommé EinsteinEinstein après son lancement en novembre 1978, n'était pas le premier satellite capable de détecter des sources X dans l'espace (ce titre revient au satellite Uhuru de la Nasa en 1970), mais il était le premier à pouvoir faire de vraies images de ces sources. On lui doit la découverte au cours des années 1980 des sources X ultralumineuses (Ultraluminous X-ray source ou ULX, en anglais). Elles sont situées dans les parties externes des galaxies, loin des trous noirs supermassifs qu'elles abritent.

    Les ULX ont bien sûr été étudiées plus en détail par les successeurs d'Einstein tels ChandraChandra et aujourd'hui NuSTAR (Nuclear Spectroscopic Telescope Array). Ces objets ne peuvent pas être des quasars mais ils peuvent être aussi lumineux que quelques millions d'étoiles sous le regard de ces satellites. Et cela ne peut qu'exciter la curiosité des astrophysiciensastrophysiciens qui se sont demandés quels objets astrophysiquesastrophysiques pouvaient bien produire un tel éclat dans le domaine des rayons Xrayons X.

    Une vue d'artiste du satellite HEAO-2. © Nasa

    Une vue d'artiste du satellite HEAO-2. © Nasa

    Des trous noirs intermédiaires ou une accrétion supercritique ?

    Une première réponse pouvait être que l'on était en présence de trous noirs intermédiaires dont les massesmasses pouvaient être de 100 à 100.000 masses solaires. Une applicationapplication naïve de la formule classique donnant la luminositéluminosité d'un objet compact accrétant de la matièrematière indiquait en effet une masse au moins égale à 10 masses solaires, ce qui est au-dessus de la masse limite pour une étoile à neutrons.

    Mais les astrophysiciens ont réalisé aussi que l'on pouvait se passer de l'hypothèse trou noir si l'on faisait intervenir une accrétion supercritique générant une luminosité qualifiée de super-Eddington.

    Rappelons que c'est en 1921 que le grand astrophysicien Arthur Eddington a découvert qu'il existait une limite maximale à la luminosité d'une étoile de masse donnée. Cette limite porteporte aujourd'hui son nom. L'existence d'une telle loi n'est pas difficile à comprendre. Le rayonnement exerce une pressionpression et si cette pression est suffisamment importante, elle peut contrecarrer l'effondrementeffondrement gravitationnel de la matière. C'est précisément ce qui se passe avec les étoiles lorsqu'elles sont stables. Mais si le rayonnement est trop intense, il peut vaincre la force d'attraction et souffler l'étoile. On peut trouver une limite d'Eddingtonlimite d'Eddington pour la luminosité d'un astreastre en train d'accréter de la matière. Cette limite est d'autant plus importante que la masse de l'objet accrétant est élevée.

    Il existe toutefois des processus exotiquesexotiques qui permettent de dépasser cette limite et depuis quelques années les observations obtenues avec NuSTAR suggéraient qu'au moins quelques ULXs pouvaient bien être des étoiles à neutronsétoiles à neutrons en régime d'accrétionaccrétion supercritique. Une équipe menée par des chercheurs du fameux Caltech où travaille le prix Nobel de physique Kip Thorne vient d'enfoncer un peu plus le clou à cet égard en publiant un article dans Nature.

    Une image composite montrant en mauve les rayons X vus par Chandra et dans le visible la galaxie M51 vue par Hubble. La source X ultralumineuse de Chandra est bien visible à gauche. © Nasa, CXC, Caltech, M.Brightman <em>et al.;</em> Optique : Nasa, STScI

    Une image composite montrant en mauve les rayons X vus par Chandra et dans le visible la galaxie M51 vue par Hubble. La source X ultralumineuse de Chandra est bien visible à gauche. © Nasa, CXC, Caltech, M.Brightman et al.; Optique : Nasa, STScI

    Des niveaux de Landau qui trahissent des étoiles à neutrons magnétisées

    Les chercheurs ont utilisé Chandra pour observer une ULX dans la galaxie M51 plus connue sous le nom de galaxie du Tourbillongalaxie du Tourbillon (Whirlpool Galaxy, en anglais) dans la constellationconstellation des ChiensChiens de chasse, à environ 27 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée. C'est en réalité un couple de galaxies composé d'une galaxie spiralegalaxie spirale massive (dont le diamètre est estimé à 100.000 années-lumière) et d'une petite galaxie irrégulièregalaxie irrégulière.

    L'ULX se trouve dans la galaxie spirale et en compulsant les archives des observations de Chandra, les astrophysiciens ont trouvé dans les spectresspectres la présence d'une raie d'absorptionabsorption bien particulière ne pouvant être causée que par le phénomène de diffusiondiffusion résonante cyclotroncyclotron (en anglais cyclotron resonance scattering) des rayons X. Il se produit avec des particules chargées sur des orbitesorbites circulaires du fait qu'elles sont plongées dans un champ magnétiquechamp magnétique, orbites qui sont si petites que l'on doit faire intervenir la mécanique quantiquemécanique quantique qui leur prédit alors des niveaux d'énergieénergie analogues à ceux des électronsélectrons dans un atomeatome et que l'on appelle des niveaux de Landau.

    Ce phénomène permet d'estimer la valeur du champ magnétique dans lequel se déplacent les particules chargées, que ce soit des protonsprotons ou des électrons. L'intensité de ce champ est très élevée dans le cas de l'ULX de M51, ce qui semble clairement exclure un trou noir mais au contraire est parfaitement compatible avec la présence d'une étoile à neutrons.

    Reste que l'on n'a pas encore assez de données pour savoir si les particules sur les niveaux de Landau sont des électrons ou des protons. Dans le dernier cas, on serait en présence d'un champ magnétique tellement fort que l'on verrait effectivement le mécanisme connu permettant une accrétion supercritique opérer. Dans le premier cas, il reste à trouver.