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Article paru le premier avril 2017 à 8 h 15
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Cet article, bien sûr, obéit à la noble tradition du poissonpoisson d'avril. Ni Thomas PesquetThomas Pesquet ni aucun autre astronaute n'a jamais découvert de tardigradestardigrades à l'extérieur de la Station spatiale internationale. Il est vrai, en revanche, que ces petits animaux, dont il existe environ un millier d'espècesespèces, vivant depuis les profondeurs océaniques jusqu'aux sommets himalayens, présentent des résistancesrésistances exceptionnelles. Nous en avons parlé plusieurs fois ; les liens inclus dans ce texte conduisent à des articles sur ces champions. Il est vrai également qu'une expérience, lors d'une mission sur un vaisseau russe Foton-M, a exposé des tardigrades au vide spatial et donc, aussi, aux radiations UVUV (voir les liens sur « Tardis » et « Foton-M »)). Les animaux ont en partie survécu, mais ils s'étaient protégés, comme ils savent le faire en cas de déshydratationdéshydratation du milieu, en expulsant l'eau de leur corps, réduit à une petite boule desséchée. Leur métabolismemétabolisme est alors quasiment arrêté. Les voir gambader hors de l'atmosphèreatmosphère serait vraiment une grosse surprise...
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Ce 24 mars 2017, la troisième sortie extravéhiculaire (EVA 3) de l'expédition 50 avait commencé normalement pour le Français Thomas Pesquet (la deuxième sortie pour lui) et l'Américain Shane Kimbrough. Pourtant, la suite allait transformer le travail routinier en une étonnante aventure. On sait maintenant pourquoi Peggy Whitson et Oleg Novitski se sont équipés d'un masque, de lunettes et de gants pour accueillir leurs deux collègues à leur retour dans la Station...
Lors de cette EVA 3, la première tâche de Thomas Pesquet fut de repérer une fuite d’ammoniac, un liquide servant de refroidissement de systèmes électroniques (un incident qui s'est répété plusieurs fois dans l'histoire de l'ISS). Officiellement, il l'a cherchée mais pas trouvée. Il y a en fait une raison : il est tombé sur autre chose...
L'évènement se devine dans la vidéo ci-dessous. Dans cet extrait de quelques minutes diffusé par le Cnes, le Français est visible entre 1 mn 46 s et 2 mn 51 s. Toutefois, il y a clairement une coupure entre 1 mn 53 s et 1 mn 54 s. C'est à ce moment que Thomas Pesquet, stupéfait, remarque de minuscules mouvements sur les surfaces métalliques qu'il a devant les yeuxyeux. Des objets d'un peu moins d'un millimètre, mais bien visibles, se déplacent en tous sens. Une vie grouille sur la Station, exposée au vide spatial !
« Thomas Pesquet a terminé sa première tâche. Il n'a pas trouvé la fuite d'ammoniac, mais a filmé toutes ses manipulations. Les équipes au sol les utiliseront pour scruter image par image d'éventuels flocons d'ammoniac. Thomas effectue maintenant sa seconde tâche. Il doit lubrifier des mécanismes internes au bras robotique Dextre. Vous le voyez sur ces images impressionnantes : il est debout sur un cale-pied, face au bras que manipule Peggy depuis l'intérieur de la Station ! ». C'est le commentaire officiel de l'ESA, mais on voit bien, entre 1 mn 53 s et 1 mn 54 s, que la vidéo est interrompue. © ESA, YouTube
Après la découverte, protection maximale dans l'ISS
Dans la salle de contrôle de Houston, la surprise, totale, déstructure la soigneuse programmation de l'EVA. En urgence, ordre est donné à l'astronaute de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) de prélever ces organismes. Improvisant, Thomas Pesquet utilise les feuilles de son carnet de notes, glissé dans sa manche (visible sur le poignet gauche de Shane Kimbrough vers 1 mn 12 s dans la vidéo). Il glissera ensuite le tout dans une boîte à outils. La mission doit continuer, décide-t-on à Houston, quitte à abandonner la recherche de la petite fuite. Avec un sang-froid remarquable, l'astronaute poursuit son travail. Depuis l'intérieur de l'ISS, Peggy Whitson, imperturbable elle aussi (elle a les records féminins de durée de séjour dans l'espace et, depuis ce 30 mars 2017, du nombre d'EVA) mais sûrement vivement intéressée (elle est docteur en biochimiebiochimie), pilote le marchepied sur lequel est installé Thomas. Comme prévu, elle le porteporte jusqu'au bras robotisé CanadarmCanadarm, qui attend son graissage.
De retour dans l'ISS, Thomas Pesquet n'est pas étonné de voir Peggy Whitson et Oleg Novitski protégés par des masques et des gants : on ne sait pas encore quels organismes ont été rapportés. Extraterrestres ? Dangereux ? Comment savoir ? L'astronaute français découvre alors son nouveau programme de travail, chamboulé par Houston. Le voilà devant un microscopemicroscope. La réponse arrive vite : ce sont des tardigrades !
Des animaux bien connus, capables de résister à une liste invraisemblable de dangers, notamment la radioactivitéradioactivité à des doses indécentes et le vide spatial. Cousins des arthropodesarthropodes, ils sont bel et bien terrestres. Mais comment sont-ils arrivés là ? À l'heure où nous écrivons ces lignes, malgré les indiscrétions dont nous avons bénéficié pour recueillir ces informations, nous n'en savons rien. Il y a bien eu en 2007 une expérience dans laquelle quelques-uns de ces petits animaux ont été exposés au vide de l'espace lors de l'expérience Tardis, mais c'était sur un vaisseau russe Foton-M.
Thomas Pesquet, soigneusement ganté, vient d'enfermer les animaux dans la casserole hermétique et s'apprête à cuisiner sa fricassée de tardigrades. © ESA, Nasa
Une réponse inattendue à la question des aliments de l'espace
Ces braves tardigrades, très communs sur Terre, étant reconnus comme absolument inoffensifs, le niveau de sécurité dans l'ISS est redescendu à son niveau minimal. Une nouvelle idée germegerme alors à Houston : et si l'on testait les propriétés nutritives et gustatives de cette faunefaune de l'espace ? L'arrière-pensée est claire : trouver des sources de protéinesprotéines fraîches pour les longues missions qui attendent la prochaine génération d'astronautes, vers Mars ou ailleurs. Dans l'ISS, une laitue a déjà été cultivée et mangée. Sur Terre, des agronomes ont créé une variété de pomme de terre capable de pousser sur Mars.
En tant que Français et, qui plus est, auteur de la découverte, Thomas Pesquet est convié à la tâche et c'est avec courage et talent qu'il confectionne pour tout l'équipage la première fricassée de tardigrades de l'espace (et de l'histoire de l'humanité). Appréciée semble-t-il, elle servira de prototype pour les ressources alimentaires des missions spatiales du futur.
Le saviez-vous ?
Il se dit que des tardigrades ont failli être intégrés dans des smartphones estampillés Google. L'équipe du projet Ara (abandonné) — un téléphone modulaire dans lequel l'utilisateur pouvait lui-même ajouter ou changer des éléments (batterie supplémentaire, appareil photo…) — cherchait des idées originales pour créer des modules.
Une agence artistique, Midnight Industrial, aurait proposé un aquarium à tardigrades, équipé d'une grosse loupe. L'information a beaucoup circulé sur le Web, par exemple sur Tech2, mais il faut rester méfiant...