Alors que le Curiosity atteint son objectif final, les strates du mont Sharp, certaines craintes sur la solidité des roues du rover ou la robustesse de la foreuse font craindre un programme scientifique à minima pour ménager cette belle mécanique.

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    La Nasa vient d'accepter de financer le prolongement de sept missions en cours. Six d'entre elles gagnent deux années : les rovers Curiosity et OpportunityOpportunity, les sondes Lunar Reconnaissance Orbiter, Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter et Mars OdysseyMars Odyssey ainsi que les contributions américaines à la mission Mars ExpressMars Express de l'Agence spatiale européene. Enfin, la sonde Cassini a quant à elle été financée pour trois années supplémentaires dans le système de SaturneSaturne.

    Clive R. Neal, chercheur en ingénierie et sciences géologiques et professeur à l'université de Notre Dame en Indiana a rendu public un rapport qui a évalué ces sept extensions de mission. Tous les programmes scientifiques sur lesquels la Nasa s'est appuyée ont été passés en revue. Le plus mal noté, sur le plan scientifique, est le rover Curiosity !

    Des capacités insuffisamment utilisées

    Si ce rapport ne remet pas en cause les choix de la Nasa, qu'il juge pertinent, il pointe du doigt la mission MSL (Mars Science LaboratoryMars Science Laboratory) à laquelle ne sont donnés que des objectifs guère ambitieux. D'après Clive R. Neal et son équipe d'une dizaine de chercheurs, ces deux prochaines années, le rover Curiosity ne serait pas utilisé au maximum de ses capacités. Par exemple, il est reproché à Nasa un programme scientifique à minima qui prévoit pour les deux ans à venir de restreindre l'utilisation de certains instruments et de n'effectuer que 8 autres prélèvements du sol à fins d'analyses. Au total, au terme de sa mission, Curiosity en aura réalisé 13 si l'on tient compte des 5 prélèvements déjà réalisés. C'est évidemment trop peu.

    Les responsables de la mission ont posé ces limites à cause des roues du rover, qui se sont abîmées plus rapidement que prévu. Toutes présentent des traces de chocs et certaines sont mêmes perforées. Rappelons que Curiosity pèse près de 900 kgkg (sur Terre), et que même avec six roues, cette masse induit une sérieuse pression sur chacune d'elles au passage de cailloux. Pour limiter la casse, la Nasa a adapté la conduite de l'engin de façon à réduire autant que possible la détérioration des roues et a mis à jour son logiciellogiciel.

    Une des roues mal en point du rover Curiosity. Les marques rouges sur la petite image indiquent deux perforations dont une déchirure, en bas, plutôt inquiétante. © Nasa/JPL

    Une des roues mal en point du rover Curiosity. Les marques rouges sur la petite image indiquent deux perforations dont une déchirure, en bas, plutôt inquiétante. © Nasa/JPL

    Les roues de Curiosity arbitrent de la stratégie d’exploration ?

    À trop vouloir ménager la mécanique, la Nasa pourrait rater des découvertes scientifiques d'un très grand intérêt. C'est peut-être ce qui s'est produit avec la roche Bonanza King que le rover a découverte en août 2014. Celle-ci a été décrite par un membre de l'équipe scientifique comme si attrayante qu'il fallait s'y attarder. Cette roche, en effet, est traversée par une veine blanche que l'on suppose être une fracture emplie d'une substance déposée par une circulation de fluide. Sur Terre, de tels « remplissages sont dus à des carbonates (calcitecalcite ou aragonitearagonite) déposés par des eaux (froides ou chaudes), de la silicesilice (eaux chaudes) ou à des sulfates, sulfate de calciumsulfate de calcium (eaux chaudes ou froides) ou de baryumbaryum (eaux chaudes) » nous explique Pierre Thomas, enseignant-chercheur au Laboratoire des sciences de la Terre de l'École Normale Supérieure de Lyon.

    La Nasa avait donc décidé d'en prélever un échantillon, mais lors des essais de préforage la roche a légèrement vacillé. Afin d'éviter tout risque d'endommager la foreuse, l'opération est abandonnée. Ce renoncement ne fait pas l'unanimité au sein de l'équipe scientifique de la mission qui a bien du mal à s'accorder sur une stratégie d'exploration commune.

    Une partie des strates du mont Sharp, le principal objectif de Curiosity. Les roues du rover permettront-elles au rover d'arpenter ses strates d'argiles ? © Nasa, JPL

    Une partie des strates du mont Sharp, le principal objectif de Curiosity. Les roues du rover permettront-elles au rover d'arpenter ses strates d'argiles ? © Nasa, JPL

    Curiosity devrait prendre un peu plus de risques

    Si certains de ses membres sont partisans de ménager la belle mécanique du rover, d'autres s'inquiètent que la distance de déplacement aura préséance sur les analyses scientifiques. Le dilemme est de savoir s'il est préférable d'explorer une grande variété de formations géologiques plutôt que de s'attarder plus longtemps sur des objectifs moins nombreux. C'est un réel sujet de débat.

    Aujourd'hui, après avoir parcouru plus de 8 kilomètres depuis son arrivée sur Mars, Curiosity a atteint son objectif, le mont Sharp. Il n'a pas débuté son ascension, qui n'est pas prévu avant plusieurs semaines. Il se trouve à un endroit appelé Pahrump Hills. L'objectif des scientifiques est d'atteindre les stratesstrates que l'on observe depuis le ciel et le sol, et qui sont susceptibles de renseigner sur l'époque à laquelle le site a été habitable. Les sondes en orbiteorbite autour de la planète ont montré la présence d'un empilement de couches différentes qui sont autant de témoins d'époques anciennes. De bas en haut, on trouve des strates de minérauxminéraux hydratés, d'argilesargiles puis d'oxydes de ferfer, et plus haut des smectites et des sulfates. En bref, un livre ouvert sur l'histoire minéralogique de la planète Mars en quelque sorte.

    Et ce sont peut-être ces strates d'argiles qui sont les plus susceptibles de fournir les informations les plus pertinentes sur cette affaire de l'habitabilité. Car tout indique qu'elles se sont formées en présence d'eau à l’état liquide très tôt dans l'histoire de Mars, à un moment où la planète était bien plus chaude et humide qu'elle l'est aujourd'hui.

    La Nasa a réagi à ce rapport en demandant aux responsables de la mission de Curisoity de se concentrer davantage sur les activités scientifiques. Un nouveau planning des activités doit être élaboré, qui privilégie la recherche géologique en profondeur et l'échantillonnageéchantillonnage analytique, tels que le forage de roches.