L'Univers observable contient des galaxies « mortes » car ne contenant plus de gaz pouvant assurer le renouvellement de la formation de jeunes étoiles. Des observations obtenues avec le grand réseau de radiotélescopes Alma et concernant l'hydrogène moléculaire dans le fameux amas de galaxies de la Vierge fournissent probablement l'identité du processus tueur de galaxies.


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    On sait que les débuts de la radioastronomie datent de 1933 alors que Karl Jansky était un ingénieur travaillant dans le laboratoire de recherche et de développement de la compagnie de téléphonie américaine Bell. Sa découverte des ondes radio d'origine cosmique allait ouvrir une nouvelle ère en astrophysique et en cosmologie et presque 30 ans plus tard, ce sont aussi deux ingénieurs de la compagnie Bell qui vont également découvrir par sérendipité les micro-ondes radio du Big BangBig Bang, le fameux rayonnement fossile.

    C'est toutefois qu'après la seconde guerre mondiale que la radioastronomie prendra son essor, conduisant à la découverte des quasars et des pulsars mais aussi à des progrès immenses dans l'étude du monde des galaxiesgalaxies. La fameuse raie à 21 cm de l’hydrogène atomique va ainsi permettre de cartographier la Voie lactéeVoie lactée de démontrer qu'elle possède une structure spirale. Une autre raie spectraleraie spectrale, en fait plusieurs, celles associées aux transitions quantiques entre états de rotation de la moléculemolécule de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO), vont également permettre aux astrophysiciensastrophysiciens d'étudier et de localiser les nuagesnuages d'hydrogènehydrogène moléculaires dans notre Galaxie et dans ses sœurs et cousines. La molécule CO est en effet seconde en abondance derrière la molécule H2 qui étant symétrique ne permet pas des émissionsémissions de rayonnement comme celle de la molécule CO. Mais cette dernière va bel et bien émettre dans le domaine des ondes accessibles à la radioastronomie sous l'effet des collisions avec les molécules d'hydrogène, trahissant leur présence et ce d'autant plus qu'elles sont nombreuses.


    Cette vidéo de 16 minutes présente l'histoire d'Alma depuis les origines du projet il y a plusieurs décennies jusqu'aux premiers résultats scientifiques récents. Illustré par des images dramatiques d'hélicoptère, le film vous emmène dans un voyage sur le plateau de Chajnantor, haut de 5.000 mètres, où se trouve Alma, dans l'environnement unique du désert d'Atacama au Chili. Le film a été diffusé par l'ESO, avec ses partenaires internationaux, à l'occasion de l'inauguration de l'Atacama Large Millimeter / submillimeter Array (Alma) le 13 mars 2013. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    Alma, une clé de l'étude des galaxies en radioastronomie

    Le grand réseau d'antennes millimétriques de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), au Chili, est particulièrement performant pour détecter les émissions des molécules CO et il permet donc de nouveaux progrès dans l'investigation du monde des galaxies et de la façon dont ces dernières entrent en interaction avec leur environnement, d'ordinaire celui des amas de galaxiesamas de galaxies.

    Ces amas constituent des puits gravitationnels dans lequel l'hydrogène et l'héliumhélium du Big Bang sont tombés ce qui a comprimé ces gazgaz, les échauffant au point de les ioniser pour former un plasma à plusieurs millions de degrés. On a toutes les raisons de penser aussi que ces amas sont plongés dans de la matière noirematière noire et que des filaments de matière froide s'y faufilent au point d'alimenter la croissance des galaxies.

    Cette croissance était fiévreuse au cours des premiers milliards d'années de l'histoire du cosmoscosmos observable, de sorte que l'on observe également environ 3 milliards d'années après le Big Bang un pic dans le taux de naissance des étoilesétoiles dans les galaxies. Mais, curieusement, de nombreuses galaxies vont se mettre à ne plus produire de nouvelles étoiles et même à mourir dans le sens où on va constater qu'elles se sont vidées des nuages d'hydrogène moléculaires où se forment d'ordinaire les étoiles.

    Les astrophysiciens sont depuis des années sur la piste d'un ou de plusieurs tueurs en série de galaxies. Ils ont soupçonné les vents et les jets des trous noirs supermassifs ainsi que des collisions entre galaxies, comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous.


    Vertico – Virgo Environment Traced in Carbon Monoxide Survey – a révélé comment la formation d’étoiles est interrompue dans une des régions les plus denses de l’Univers, l’amas de la Vierge. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Conseil national de recherches Canada

    Du gaz soufflé par le vent de plasma des galaxies en mouvement

    Mais si l'on en croit une publication en accès libre sur arXiv émanant d'une équipe internationale de 36 astronomesastronomes dirigée par le Canada, Alma a peut-être permis de trouver l'identité au moins du principal tueur en série. Cette publication est accompagnée d'un communiqué du Conseil national de recherches Canada (CNRC) dans lequel on peut trouver des commentaires de chercheurs canadiens ayant participé à une grande campagne d'observation des distributions d'hydrogène moléculaire à l'intérieur du fameux amas de la Vierge. Il s'agit en fait du plus grand relevé par imagerie jamais effectué de ce gaz moléculaire et ce dans le cadre du Vertico (VirgoVirgo Environment Traced in Carbon Monoxide Survey).

    « Nous savons que les galaxies se vident de leur gaz. Si la perte est trop importante, le processus de formation des étoiles s'interrompt, ce qui a pour effet de tuer la galaxie et de la transformer en objet inerte. Vertico nous a révélé mieux que tout autre projet auparavant les processus physiquesphysiques qui agissent sur les réserves d'hydrogène gazeux moléculaire et qui déterminent la vie ou la mort des galaxies. Vertico scrute les réservoirs de gaz qui alimentent directement la formation des étoiles dans 51 galaxies de l'amas de la Vierge et produit des images parmi les plus détaillées jamais obtenues des disques gazeux dans les amas galactiques que nous étudions. Ces nouvelles images sont d'une aide prodigieuse pour comprendre comment des facteurs externes peuvent mettre fin à la formation des étoiles au cœur des galaxies - l'un des processus les plus importants de l'UniversUnivers connu », explique Toby Brown, boursier Plaskett au CNRC et auteur principal de l'article exposant les découvertes faites.

    « La première étude sur le gaz moléculaire dans l'amas de la Vierge date de plus de 30 ans. Depuis, les astronomes se questionnent sur l'influence qu'a l'environnement intergalactique sur ce gaz essentiel à la formation des étoiles. J'ai la certitude que les données recueillies par Vertico nous permettront de mettre fin une fois pour toutes à ce débat et nous aideront à comprendre exactement comment ces différents facteurs externes en viennent à annihiler la formation des étoiles », ajoute Christine Wilson dans le communiqué du CNRC, professeur émérite à l'Université McMaster et co-chercheuse principale dans le projet Vertico.

    L'étude Vertico – Vertico pour <em>Virgo Environment Traced in Carbon Monoxide Survey –</em> a observé les réservoirs de gaz de 51 galaxies de l'amas de la Vierge et a découvert que l'environnement extrême de cet amas tuait les galaxies en les privant de leur hydrogène gazeux moléculaire servant à la formation d'étoiles. On voit ici une image composite, provenant de données du radiotélescope Alma, sur laquelle les disques de gaz moléculaire des galaxies Vertico sont augmentés par une résolution de 20. Elles sont superposées à l'image en rayons X de plasma surchauffé de l'amas de la Vierge. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)/Böhringer et al. (ROSAT All-Sky Survey)
    L'étude Vertico – Vertico pour Virgo Environment Traced in Carbon Monoxide Survey – a observé les réservoirs de gaz de 51 galaxies de l'amas de la Vierge et a découvert que l'environnement extrême de cet amas tuait les galaxies en les privant de leur hydrogène gazeux moléculaire servant à la formation d'étoiles. On voit ici une image composite, provenant de données du radiotélescope Alma, sur laquelle les disques de gaz moléculaire des galaxies Vertico sont augmentés par une résolution de 20. Elles sont superposées à l'image en rayons X de plasma surchauffé de l'amas de la Vierge. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)/Böhringer et al. (ROSAT All-Sky Survey)

    Pour comprendre ce que les astrophysiciens ont trouvé, il faut savoir que l'amas de la Vierge, bien que s'étendant sur seulement 7 millions d'années-lumièreannées-lumière à une distance d'environ 50/70 millions d'années-lumière de la Voie lactée, ne contient pas moins de 1.300 et 2.000 galaxies, dont certaines sont bien visibles avec un eVscope, tel M87.

    C'est donc un monstre très massif où les galaxies se déplacent parfois à très grandes vitessesvitesses, c'est-à-dire précisément à des millions de kilomètres par heure. Les observations avec Vertico soutiennent maintenant l'idée que c'est le choc entre certaines de ses galaxies et la matière intergalactique sous forme de plasma à hautes températures qui produit une sorte de souffle sur ces galaxies au point d'en éjecter le gaz moléculaire. Toutes les galaxies dans un amas ne se retrouvent pas dans ce genre de condition parfois extrême et c'est ainsi que notre Galaxie, bien qu'elle fasse partie de ce que l'on appelle le Groupe localGroupe local de galaxies (environ 60) ne se retrouve pas dans un amas de galaxies même si le Groupe local lui-même fait partie avec l'amas de la Vierge du superamassuperamas de la Vierge.

    Notre Voie lactée n'est donc pas à l'agonie et elle continue à former de nouvelles étoiles.

    NGC 4567 et NGC 4568 sont deux galaxies parmi les quelque 2.000 de l'amas de la Vierge, qui se trouve à environ 65 millions d'années-lumière de nous. Les images de Vertico montrent nettement que ces deux galaxies font partie de celles qui subissent les processus extrêmes de dévitalisation. La photo est une image composite réalisée à partir des données millimétriques du radiotélescope Alma et du télescope spatial Hubble, où les poches de gaz moléculaire apparaissent en rouge/orange et les étoiles en blanc/bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)
    NGC 4567 et NGC 4568 sont deux galaxies parmi les quelque 2.000 de l'amas de la Vierge, qui se trouve à environ 65 millions d'années-lumière de nous. Les images de Vertico montrent nettement que ces deux galaxies font partie de celles qui subissent les processus extrêmes de dévitalisation. La photo est une image composite réalisée à partir des données millimétriques du radiotélescope Alma et du télescope spatial Hubble, où les poches de gaz moléculaire apparaissent en rouge/orange et les étoiles en blanc/bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)

    Cette galaxie lointaine en collision est en train de mourir

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 12/01/2021

    L'Univers observable contient des galaxies « mortes » car ne contenant plus de gaz pouvant assurer le renouvellement de la formation de jeunes étoiles. Alma a débusqué une fusionfusion de galaxies en cours il y a 9 milliards d'années montrant l'agonie de ces astresastres.

    Cette vue d'artiste d'ID2299 montre la galaxie, fruit d'une collision galactique, et une partie de son gaz éjecté par une « queue de marée » à la suite de la fusion. Elle illustre les nouvelles observations faites avec Alma, dont l'ESO est partenaire qui ont permis de saisir les premières étapes de cette éjection, avant que le gaz n'atteigne les très grandes échelles. © ESO, M. Kornmesser
    Cette vue d'artiste d'ID2299 montre la galaxie, fruit d'une collision galactique, et une partie de son gaz éjecté par une « queue de marée » à la suite de la fusion. Elle illustre les nouvelles observations faites avec Alma, dont l'ESO est partenaire qui ont permis de saisir les premières étapes de cette éjection, avant que le gaz n'atteigne les très grandes échelles. © ESO, M. Kornmesser

    Il y a 60 ans, juste avant la découverte des quasars, le modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard était celui d'un Univers sans commencement ni fin dans le temps et spatialement infini bien qu'en expansion éternelle. Pour un observateur, peu importait donc son lieu de naissance et sa date sur la grande horloge cosmique, le cosmos autour de lui, et aussi loin que ses télescopestélescopes pouvaient porter, aurait toujours eu le même aspect. Un temps cosmique existait également pourvu que la distribution de matière à suffisamment grande échelle soit homogène, tout comme le montrent aujourd'hui les observations des quasars et des grandes structures cosmiques formant des filaments d'amas de galaxies.

    Pour maintenir une densité constante et uniforme, des processus de création de matière étaient postulés, pas si éloignés finalement de ce qui sera proposé pour faire naître les particules de matière via la théorie de l'inflation.

    Mais ce modèle cosmologique, déjà en difficulté avec l'observation des quasars uniquement à plusieurs milliards d'années-lumière et donc dans un lointain passé, ce qui n'était pas en accord avec un cosmos identique et partout et tout le temps, volera en éclat avec la découverte du rayonnement fossilerayonnement fossile en 1965. Des pionniers, comme le prix Nobel James Peebles, en prendront acte tout de suite et commenceront à construire des théories concernant la naissance des galaxies et la formation des grandes structures les rassemblant. Les observations suivront ou devanceront ces théories grâce à des télescopes comme HubbleHubble ou ceux du W. M. KeckKeck Observatory.


    Depuis 13,7 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. © CEA Recherche

    Une galaxie éjectant 10.000 fois la masse du Soleil sous forme de gaz chaque année

    Des myriadesmyriades de galaxies vont ainsi être scrutées à toutes les longueurs d'ondelongueurs d'onde par les yeuxyeux de la noosphère qui va prendre conscience qu'elles évoluent irréversiblement comme les étoiles, et qu'à plusieurs reprises certaines sont mortes en perdant tellement de gaz que la formation stellaire y est devenue quasi impossible.

    On sait pourtant qu'à l'occasion de collisions, des flambées d'étoiles se produisent dans les galaxies qui contiennent encore du gaz. Toutefois, ces grandes collisions sont moins importantes qu'on ne le pensait il y a encore 15 ans et un autre paradigme explique mieux la croissance des galaxies et l'apparition fiévreuse de nouvelles étoiles, celui des courants froids, comme l'a expliqué à Futura le cosmologiste et astrophysicien Romain Teyssier.  

    Mais, aujourd'hui, des observations menées avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), le réseau de radiotélescopesradiotélescopes de l'Observatoire européen austral (ESOESO), révèlent une galaxie perturbée par une collision géante qui se termine et qui est à l'agonie.

    Distante d'environ 9 milliards d'années de la Voie lactée, la lumière trahissant l'occurrence de cette catastrophe cosmique nous montre la galaxie ID2299 telle qu'elle était alors que l'Univers observable n'avait que 4,5 milliards d'années. Comme l'explique un article publié dans Nature Astronomy, ID2299 perdait alors l'équivalent de 10.000 fois la massemasse du SoleilSoleil sous forme de gaz chaque année. Sur une période d'un million d'années, c'est donc la matière nécessaire à la formation de 10 milliards de Soleil qui pourrait ainsi être éjectée dans l'espace intergalactique. Rappelons que notre propre Galaxie ne contient que quelques centaines de milliards d'étoiles. On mesure donc combien quelques dizaines de millions d'années de ce régime seraient plus que suffisantes pour épuiser un réservoir de gaz pouvant faire naître une galaxie par effondrementeffondrement gravitationnel.


    L'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) est un télescope à la pointe de la technologie pour étudier la lumière de certains des objets les plus froids de l'Univers. © European Southern Observatory (ESO)

    ID2299, un laboratoire pour percer les secrets de l'agonie des galaxies

    Cette constatation prend du relief lorsque l'on sait que les galaxies elliptiques sont très majoritairement dépourvues de gaz, de sorte qu'on les considère comme mortes puisque la formation stellaire ne s'y produit plus. Minoritaires dans le cosmos observable, on pense qu'elles sont générées par des collisions suivies de fusions entre des grandes galaxies spiralesgalaxies spirales.

    On a des raisons de penser que l'éjection du gaz lors des collisions est au moins en partie due à une alimentation copieuse des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs dans ces galaxies. Le rayonnement produit par l'accrétionaccrétion de matière constituerait alors un souffle puissant, comme dans le cas du vent solairevent solaire pour les comètescomètes, éjectant le gaz intragalactique. Mais, tout ceci reste à étudier et à confirmer en détail car le souffle des explosions en supernovaesupernovae de jeunes étoiles massives est aussi à prendre en considération.

    On comprend donc l'intérêt des observations concernant ID2299 qui pourrait donc servir d'un excellent laboratoire pour comprendre la mort des galaxies car, comme l'explique dans un communiqué de l'ESO Annagrazia Puglisi, chercheuse de l'université de Durham, au Royaume-Uni et du Commissariat à l'énergieénergie atomique et aux énergies alternatives de Saclay (CEA-Saclay), en France, auteure principale de l'article de Nature :  « C'est la première fois que nous observons une galaxie massive à formation d'étoiles typique dans l'Univers lointain sur le point de « mourir » à cause d'une éjection massive de gaz froid... J'ai été ravie de découvrir une galaxie aussi exceptionnelle ! J'étais impatiente d'en savoir plus sur cet objet étrange car j'étais convaincue qu'il y avait là d'importants enseignements à tirer sur l'évolution des galaxies lointaines ».

    Sa collègue Chiara Circosta, chercheuse à l'University College London (Royaume-Uni) précise, quant à elle, dans le même communiqué qu'« Alma a apporté un nouvel éclairage sur les mécanismes qui peuvent mettre fin à la formation d'étoiles dans les galaxies lointaines. Le fait d'être témoin d'une perturbation aussi importante constitue une nouvelle pièce importante du puzzle complexe de l'évolution des galaxies ».

    La découverte avec ID2299 s'est faite par sérendipité car l'équipe d'astronomes, dont Chiara Circosta et Annagrazia Puglisi faisaient partie, analysait un sondage de galaxies destiné à étudier les propriétés du gaz froid dans plus de 100 galaxies lointaines. C'est avec l'observation de ce gaz éjecté avec une « queue de maréemarée », une traînée allongée d'étoiles et de gaz s'étendant dans l'espace interstellaire qui résulte de la fusion de deux galaxies, que les chercheurs ont compris ce qui se déroulait sous leurs yeux.

    L'étude de ce scénario va se poursuivre avec Alma mais aussi dans les années qui viennent avec la mise en service de l'Extremely Large TelescopeExtremely Large Telescope de l'ESO. Plus largement, comme l'explique Emanuele Daddi, coauteur de l'étude au CEA-Saclay, cette découverte « suggère que les éjections de gaz peuvent être produites par des fusions et que les vents et les queues de marée peuvent apparaître très similaires. Cela pourrait nous amener à revoir notre compréhension de la façon dont les galaxies meurent ».

    De fait, dans un communiqué du CEA, les chercheurs avancent que la perte de gaz constatée dans le cas de ID2299 ne cadre pas avec les prédictions issues des simulations numériquessimulations numériques faisant intervenir, par rétroactionrétroaction lors d'une collision galactique et l'apport de gaz associé, l'effet du souffle des trous noirs supermassifs et des supernovae. La perte de gaz est bien trop importante selon les astrophysiciens.

    Cette image montre la distribution calculée par des simulations numériques du gaz dans une galaxie en fusion. Comme l'explique le communiqué du CEA, ces simulations montrent le système à un moment où la fusion des deux galaxies s'achève. Les zones en jaune indiquent les régions où le gaz est le plus dense alors que la majorité de ce gaz alimente la formation des nouvelles étoiles à un rythme rapide. Une partie du gaz est éjectée est bien visible dans une queue de marée dans une configuration similaire à l’état de ID2299. © Fensch et al. 2017
    Cette image montre la distribution calculée par des simulations numériques du gaz dans une galaxie en fusion. Comme l'explique le communiqué du CEA, ces simulations montrent le système à un moment où la fusion des deux galaxies s'achève. Les zones en jaune indiquent les régions où le gaz est le plus dense alors que la majorité de ce gaz alimente la formation des nouvelles étoiles à un rythme rapide. Une partie du gaz est éjectée est bien visible dans une queue de marée dans une configuration similaire à l’état de ID2299. © Fensch et al. 2017

    Par contre, les simulations montrent bien que l'effet d'arrachement des étoiles et du gaz d'une des galaxies par les forces de maréeforces de marée de l'autre, et donnant donc des queues de marée, est bel et bien en mesure d'éjecter la quantité de gaz observée. En bonus, la moitié restante du gaz froid dans ID2299 apparaît bien comme ayant été comprimée dans un noyau dense situé à son centre, ce qui conduit à une flambée de nouvelles étoiles (starburst) à un rythme 500 fois plus rapide que dans notre Voie lactée où seules quelques étoiles naissent chaque année tout au plus.

    Comme des queues de marée sont souvent observées dans le cas de galaxies lointaines, comme les Galaxies des Antennes, on peut penser que ce sont en fait les queues de marée qui jouent un rôle central dans la mort des galaxies tôt dans l'histoire du cosmos observable.

    Mais, comme on l'a dit, il faudra encore des observations pour faire la part des influences des trous noirs supermassifs, des supernovae et des queues de marée.