Le satellite Sentinel-6 s’apprête à entrer en service. Ce satellite d'observation de la Terre se focalise sur la mesure du niveau des mers, l’indicateur majeur du réchauffement climatique à l'œuvre dans l'océan et la cryosphère. Les explications de Julia Figa Saldana, responsable du programme chez Eumetsat, et de Remko Scharroo, scientifique spécialiste de la télédétection et altimétrie, également chez Eumetsat.

 


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    Lancé en novembre 2020, le satellite altimétriquesatellite altimétrique Sentinel-6 Michael Freilich est progressivement mis en service. Alors certes, il s'agit d'un satellite d'observation de la Terreobservation de la Terre de plus, dont les données intéresseront essentiellement les chercheurs spécialistes du climatclimat et les prévisionnistes notamment, contrairement aux satellites d'astronomie dont les images sont susceptibles d'intéresser un large public. L'intérêt de ce satellite est bien plus grand qu'il n'y parait.

    Pour bien cerner son utilité, il suffit de savoir que Sentinel-6 mesure l'élévation du niveau de la mer qui est l'un des impacts principaux du changement climatique mais aussi l'indicateur majeur du réchauffement climatiqueréchauffement climatique à l'œuvre dans l'océan et la cryosphèrecryosphère. Mesurer cette élévation a son importance car l'océan joue un rôle clé dans la machine climatique et la grande majorité de cette hausse est une conséquence directe du réchauffement climatique d'origine anthropique. D'où la nécessité de cette mesure qui est acquise de façon très précise depuis 1992 avec Topex-Poseidon, première grande mission altimétrique franco-américaine, lancée en août 1992. Depuis cette date, l'élévation du niveau de la mer est surveillée quotidiennement depuis l'orbite terrestre avec une précision qui se compte en millimètres par an.

    Le saviez-vous ?

    Selon Anny Cazenave, chercheuse au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (Legos) et ingénieure du Cnes : « Nos recherches ont montré que la hausse moyenne globale du niveau de la mer des 20 dernières années est due pour environ 35 % au réchauffement de l’océan, 45 % à la fonte des glaces continentales, et pour 10 % au pompage de l’eau dans les nappes phréatiques. Les 10 % restants sont, pour l’instant, inexpliqués mais très certainement liés aux incertitudes sur les mesures ».

    Sentinel-6 permettra de poursuivre cette série ininterrompue de mesures de haute précision des océans depuis l'espace et réalisera des mesures inédites d'altimétriealtimétrie radar à ouverture synthétique en bande Ku aux séries de mesures de référence en altimétrie des océans. Cette continuité des données est indispensable pour les modèles climatiquesmodèles climatiques et météorologiques. Une rupture dans la disponibilité des données crée en effet des incertitudes qui nuisent aux résultats et pénalisent fortement les modèles de prédiction du changement climatique. Sentinel-6 suivra les traces des missions de référence depuis 1992, avec une orbite inclinée à 66°, à une altitude de 1.336 kilomètres avec un gain de performance de 25 % : des 5 centimètres de Topex-Poseidon (1992), on atteint avec Jason 3 une précision de 2,5 cm et les scientifiques visent 1,5 cm avec Sentinel 6.

     Schéma montrant l'évolution passée (depuis 1.000 ans ) et future (jusqu'en 2600) du niveau moyen global de la mer. La courbe est basée sur des observations jusqu'en 2000, sur des prédictions de modèle ensuite. Les courbes rouges encadrant la prédiction pour le futur représentent l'incertitude associée. © Legos, tous droits réservés
    Schéma montrant l'évolution passée (depuis 1.000 ans ) et future (jusqu'en 2600) du niveau moyen global de la mer. La courbe est basée sur des observations jusqu'en 2000, sur des prédictions de modèle ensuite. Les courbes rouges encadrant la prédiction pour le futur représentent l'incertitude associée. © Legos, tous droits réservés

    Vérifier si l'accélération de la hausse du niveau des mers se confirme

    « Depuis six mois, nous exploitons le satellite Sentinel-6 Michael Freilich de Copernicus depuis la même orbite que notre mission altimétrique de référence actuelle, JasonJason-3, afin que les satellites aient la même "vue" des océans », explique la responsable du programme Altimétrie océanique d'Eumetsat, Julia Figa Saldana, qui a récemment succédé au responsable de programme, Manfred Lugert. Sur la base des scénarios publiés en 2015 pour la COP21, les dernières données indiquent que le rythme du phénomène de l'élévation du niveau de la mer s'accélère plus vite que prévu.

    Entre 1993 et 2018, le niveau de la mer à l'échelle planétaire a augmenté de 3,6 millimètres par an en moyenne. Mais, cette hausse du niveau des mers s'est accélérée au cours des dernières années et va continuer dans ce sens. Entre 2013 et 2018, les données montrent une élévation de 4,8 millimètres par an ! Aussi petite soit-elle, cette élévation du niveau marin n'est pas sans conséquences. On estime que la quasi-totalité des pays bordés par la mer risquent d'en être affectés, en matière d'érosion, de recul des rivages habitables et d'exposition aux phénomènes de submersionssubmersions marines lors de tempêtestempêtes amplifiant ainsi les phénomènes d'inondationsinondations avec, à la clé, des conséquences économiques très significatives.

    Sentinel-6 devra donc confirmer si l'accélération de la hausse du niveau des mers se poursuit et aider à en comprendre les causes. Ces données serviront également à améliorer les prévisions de l'intensité des ouragansouragans et de la météorologiemétéorologie marine, essentielles à la navigation et à la protection des écosystèmesécosystèmes marins.

    Mesures d’altimétrie satellitaire des variations du niveau de la mer, au nord de l’océan Atlantique, 13 juin 2021. Les fortes anomalies négatives (bleu) et positives (rouge) sont associées au Gulf Stream. Les données le long de la trace, issues des missions d’altimétrie actuelles, sont superposées sur une image modélisée des variations moyennes du niveau de la mer, telle que produite par le Service Copernicus de surveillance du milieu marin (CMEMS) le jour même. Les traces superposées correspondent aux mesures par la constellation d’altimétrie de Copernicus, tandis que les nouvelles données issues de Sentinelle-6 Michael Freilich sont indiquées en jaune. Ce dernier suit Jason-3 en orbite avec 30 secondes d’écart. Les missions sont abrégées comme suit : S6MF = Sentinel-6 Michael Freilich, S3A/B = Sentinelle-3A/B, J3 = Jason-3 (données non illustrées en raison de la phase d’exploitation en tandem avec S6MF). © Eumetsat
    Mesures d’altimétrie satellitaire des variations du niveau de la mer, au nord de l’océan Atlantique, 13 juin 2021. Les fortes anomalies négatives (bleu) et positives (rouge) sont associées au Gulf Stream. Les données le long de la trace, issues des missions d’altimétrie actuelles, sont superposées sur une image modélisée des variations moyennes du niveau de la mer, telle que produite par le Service Copernicus de surveillance du milieu marin (CMEMS) le jour même. Les traces superposées correspondent aux mesures par la constellation d’altimétrie de Copernicus, tandis que les nouvelles données issues de Sentinelle-6 Michael Freilich sont indiquées en jaune. Ce dernier suit Jason-3 en orbite avec 30 secondes d’écart. Les missions sont abrégées comme suit : S6MF = Sentinel-6 Michael Freilich, S3A/B = Sentinelle-3A/B, J3 = Jason-3 (données non illustrées en raison de la phase d’exploitation en tandem avec S6MF). © Eumetsat

    La parole à Julia Figa Saldana, Ocean Altimetry Programme Manager, Eumetsat et Remko Scharroo, Remote Sensing Scientist - Altimetry, Eumetsat

    Que montrent les premières données de Sentinel-6 par rapport à l'élévation du niveau de la mer ?

    Julia Figa Saldana et Remko Scharroo : La qualité des données sur le climat nécessite encore un examen approfondi et elles deviendront opérationnelles vers la fin de l'année. Cependant, nous voyons déjà que le niveau moyen de la mer mesuré par Sentinel-6 (à partir d'une altitude de 1.336 km) correspond à celui de Jason-3, à quelques millimètres près, avec une précision encore meilleure. En tant que tels, tous deux confirment l'élévation actuelle du niveau moyen mondial de la mer de 5 mm par an.

    Sentinel-6 Michael Freilich et Sentinel-6B (qui sera lancé en 2025) garantiront la continuité des données de la mesure de l'élévation du niveau des mers depuis l'espace, mesure qui a débuté dans les années 1990, jusqu'à au moins 2030. Les scientifiques du monde entier seront en mesure de mieux comprendre comment le niveau de la mer évolue, quelles en sont les causes de l'accélération actuellement observée -- environ 3 mm/an il y a 30 ans, à 5 mm/an actuellement -- qui se poursuit. Des mesures plus précises de Sentinel-6 seront certainement plus efficaces pour répondre à la question des causes de cette accélération.

    Concrètement, comment les données de Sentinel-6 vont améliorer les prévisions météorologiques ?

    Julia Figa Saldana et Remko Scharroo : Sentinel-6 poursuit les observations de Jason-3 sur la hauteur des vaguesvagues, la vitesse du ventvent à la surface de l'océan et la teneur en chaleur dans la partie supérieure de l'océan. Chacun de ces paramètres contribuent de différentes manières à la prévision du temps en fournissant des informations sur les interactions océan/airair. Par exemple, avec le début de la saisonsaison des ouragans dans les Caraïbes et le golfe du Mexique, une meilleure connaissance du contenu thermique de la partie supérieure des océans permettra de mieux prévoir l'intensité et la trajectoire des ouragans.

    Les mesures de la hauteur des vagues de surface et une vitesse du vent plus précises et plus rapides sont également essentielles pour fournir des cartes de l'état de la mer plus fiables et plus précises pour les opérations en mer et le routageroutage des navires. Les missions altimétriques Copernicus Sentinel-3A et -3B, également opérées par Eumetsat y contribuent également.

    Les performances techniques du satellite et ces premières données scientifiques réservent-elles de bonnes surprises ?

    Julia Figa Saldana et Remko Scharroo : L'une des bonnes surprises de Sentinel-6 est son excellente capacité à mesurer la rugosité de la surface de la mer, qui est liée à la vitesse du vent à la surface de l'océan. Nous sommes donc en capacité de mesurer la vitesse du vent en surface avec plus de précision qu'avec Jason-3. Une autre question est de savoir à quel point, en termes de biais, les mesures du niveau de la mer de Jason-3 et Sentinel-6 se comparent. Nous n'imaginions pas qu'avec un satellite totalement nouveau et un système de traitement au sol développé indépendamment pour les deux missions, nous trouverions que le niveau moyen de la mer mesuré par Sentinel-6 (à partir d'une altitude de 1336 km) correspond à celui de Jason-3, à quelques millimètres près.

    Comment et pourquoi croiser les données (inter-étalonner) et garantir leur précision ?

    Julia Figa Saldana et Remko Scharroo : L'étalonnage croisé avec la mission de référence actuelle Jason-3 est essentiel afin de pouvoir continuer de manière transparente les séries chronologiques de plusieurs décennies du niveau moyen mondial de la mer. Nous voulons nous assurer que les mesures du niveau moyen de la mer sont pratiquement indiscernables entre les deux missions, afin que Jason-3 puisse, métaphoriquement, « passer le relais » à Sentinel-6. Pour ce faire le plus efficacement possible, Jason-3 et Sentinel-6 volent actuellement sur la même trace au sol, à seulement 30 secondes (environ 200 km) d'intervalle. Cela signifie qu'ils mesureront le même morceau d'océan dans presque exactement les mêmes conditions. La comparaison de la métaphore avec la course de relais est assez littérale, si vous y réfléchissez.

    Nous voyons déjà que Sentinel-6 dépasse même la précision de Jason-3 dans certains aspects, et nous savons également que les mesures moyennes correspondent très bien. De plus, les deux missions sont calibrées indépendamment sur des cibles terrestres (transpondeurs) de positions bien connues. Enfin, nous comparons également à d'autres altimètres actuellement en vol, comme Sentinel-3A, -3B, Saral/AltiKa et CryoSatCryoSat-2, à des endroits où leurs trajectoires au sol se croisent en peu de temps. Toutes ces méthodes d'étalonnage indépendantes réduisent finalement l'incertitude des mesures absolues non seulement de la référence, mais de toutes les missions altimétriques actuellement en vol.


    Sentinel-6, la nouvelle génération de satellites européens de surveillance des océans

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 23/11/2020

    Sentinel-6A Michael Freilich, également appelé Jason CS (continuité de service), a été lancé ce week-end à bord d'un lanceurlanceur Falcon 9Falcon 9 de SpaceXSpaceX. Ce satellite du programme européen Copernicus de la Commission européenne observera en permanence le niveau moyen des océans, un des meilleurs indicateurs du changement climatique.

    Samedi, un lanceur Falcon 9 de SpaceX a lancé avec succès, depuis la base de l'US Air Force de Vandenberg en Californie (États-Unis), le satellite Sentinel-6A Michael Freilich du programme européen Copernicus. Fruit d'une coopération entre les États-Unis et l'Europe, ce satellite altimétrique de surveillance des océans a été placé à 1.336 kilomètres d'altitude d'où il pourra, notamment, mesurer avec une précision inédite le niveau des mers.

    Comprenant deux satellites identiques, la mission permettra de poursuivre la série ininterrompue de mesures de haute précision des océans depuis l'espace ; celle-ci a été entamée il y a presque trente ans avec Topex-Poseidon, première grande mission altimétrique franco-américaine lancée en août 1992. Sentinel-6B, le deuxième satellite de la mission, sera lancé en 2026, toujours dans un souci de garantir la continuité des données.

    Voir aussi

    25 ans d'altimétrie spatiale pour surveiller les océans

    Cette mission n'est pas seulement scientifique. Elle est utile aux prévisionnistes de la météorologie. Les données des satellites Sentinel-6 permettront d'améliorer les prévisions des phénomènes météorologiques à fort impact et des phénomènes climatiques largement influencés par les océans, comme les caniculescanicules, les cyclonescyclones tropicaux et les étés ou hivershivers particulièrement chauds ou froids.

    Les satellites Sentinel-6 A et B sont construits à l'identique par Airbus. Chaque satellite emporte la même charge utile, qui compte 6 instruments scientifiques, afin d'assurer la cohérence des mesures. L'instrument principal de chaque satellite, l'altimètre radar Poseidon-4, sera fourni par Thales Alenia Space, le leader mondial en altimètre spatial. Eumetsat, l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiquessatellites météorologiques, prendra le contrôle des opérations du satellite et sera responsable des opérations courantes ainsi que du traitement et de la diffusiondiffusion des données altimétriques.

    L'élévation de la mer surveillée quotidiennement 

    Les principaux apports de Sentinel-6A Michael Freilich pour la surveillance des océans sont :

    • Indicateur du niveau de la mer. Sentinel-6 va contribuer à la surveillance du niveau de la mer.
    • Des modèles d'océan à plus haute résolutionrésolution. Sentinel-6 va permettre de décrire les structures océaniques plus finement notamment sur les côtes.
    • Des prévisions de la circulation océanique plus précises. Sentinel-6 va contribuer à réduire les erreurs de prévision de la hauteur de mer de 10 à 20 %.
    • Une référence pour les autres altimètres satellitaires. Les satellites Sentinel-3 ABCD vont être inter-calibrés grâce à Sentinel-6A Michael Freilich.
    Le satellite Sentinel-6A Michael Freilich du programme européen Copernicus dans une des salles blanches de la base de l’US Air Force de Vandenberg en Californie, aux États-Unis. Sentinel-6 a été lancé le 21 novembre 2020 à bord d'un lanceur Falcon 9 de SpaceX. © ESA
    Le satellite Sentinel-6A Michael Freilich du programme européen Copernicus dans une des salles blanches de la base de l’US Air Force de Vandenberg en Californie, aux États-Unis. Sentinel-6 a été lancé le 21 novembre 2020 à bord d'un lanceur Falcon 9 de SpaceX. © ESA

    Sentinel 6 : découvrez la nouvelle famille de satellites météo

    Article de Rémy Decourt publié le 28/11/2019

    L'élévation continue du niveau des mers est l'un des principaux impacts du changement climatique et l'indicateur majeur du réchauffement climatique à l'œuvre dans l'océan et la cryosphère. Depuis 1992, cette hausse est mesurée depuis l'espace au millimètre près. Pour garantir la continuité de cette mesure, Sentinel 6, une nouvelle famille de satellites Copernicus est en cours de développement. Les explications de Benoit Meyssignac, climatologueclimatologue au Cnes.

    Sentinel 6A, également appelé Jason CS (continuité de service), est le premier satellite d'une nouvelle famille Sentinel du programme d'observation de la Terre Copernicus, dont la mission est de mesurer l'élévation du niveau de la mer et la hauteur des grands lacs et rivières.

    Il sera lancé par un Falcon 9 de SpaceX, fin 2020, depuis la base Vandenberg de l'U.S. Air Force en Californie. En attendant, il subit ses derniers essais dans le centre d'essais spatiaux de la société IABG (Industrieanlagen-Betriebsgesellschaft mbH) à Ottobrunn, près de Munich. Actuellement, deux satellites Sentinel 6 sont développés sous la maîtrise d'œuvre industrielle d'Airbus, dans le cadre du programme Copernicus et d'une coopération internationale impliquant l'ESAESA, la NasaNasa, la NOAANOAA et Eumetsat.

    À ceux qui s'étonnent que l'Europe se dote d'un nouveau satellite altimétrique, après ceux des familles Sentinel 3 et Jason, Benoit Meyssignac, climatologue au Cnes, nous explique son intérêt et pourquoi il est « nécessaire de perpétrer ces mesures aussi longtemps que possible quand on étudie le climat qui se caractérise par des phénomènes physiquesphysiques, qui s'étendent sur des dizaines d'années à des centaines d'années ».

     Schéma montrant l'évolution passée (depuis 1.000 ans ) et future (jusqu'en 2600) du niveau moyen global de la mer. La courbe est basée sur des observations jusqu'en 2000, sur des prédictions de modèle ensuite. Les courbes rouges encadrant la prédiction pour le futur représentent l'incertitude associée. © Legos, tous droits réservés
    Schéma montrant l'évolution passée (depuis 1.000 ans ) et future (jusqu'en 2600) du niveau moyen global de la mer. La courbe est basée sur des observations jusqu'en 2000, sur des prédictions de modèle ensuite. Les courbes rouges encadrant la prédiction pour le futur représentent l'incertitude associée. © Legos, tous droits réservés

    Il faut savoir que l'élévation du niveau des mers est l'un des « principaux impacts du changement climatique » et l'« indicateur majeur du réchauffement climatique à l'œuvre dans l'océan et la cryosphère ». Mesurer cette élévation a son importance « car l'océan joue un rôle clé dans la machine climatique » et que la grande majorité de cette hausse est « une conséquence directe du réchauffement climatique d'origine anthropique ». D'où la nécessité de cette mesure, qui est acquise de façon très précise depuis 1992 avec Topex-Poseidon, première grande mission altimétrique franco-américaine lancée en août 1992. Depuis cette date, « l'élévation du niveau de la mer est surveillée quotidiennement depuis l'orbite terrestre avec une précision qui se compte en millimètres par an ».

    Chaque millimètre compte

    Entre 1993 et 2018, le « niveau de la mer à l'échelle planétaire a augmenté de 3,6 millimètres par an en moyenne ». Mais, cette hausse du niveau des mers s'est « accélérée au cours des dernières années et va continuer dans ce sens ». Entre 2013 et 2018, les données montrent une « élévation de 4,8 millimètres par an » ! Aussi petite soit-elle, cette élévation du niveau marin « n'est pas sans conséquences ». On estime que la quasi-totalité des pays bordés par la mer risquent d'en être affectés, en matière d'érosion, de recul des rivages habitables et d'exposition aux phénomènes de submersions marines lors de tempêtes amplifiant ainsi les phénomènes d'inondation, avec à la clé des conséquences économiques très significatives.

    Pour observer cette tendance sur le long terme, des « données régulières sur plusieurs décennies sont indispensables, notamment pour valider les modèles climatiques développés pour simuler les évolutions futures ». Selon les scénarios retenus, si l'on suit l'Accord de Paris qui prévoit de contenir l'élévation de la température de la planète en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, la « hausse du niveau des mers devrait augmenter de 43 centimètres environ d'ici 2100 » et dans un scénario sans réduction d'émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre, la « hausse attendue se situera autour de 84 centimètres, voire jusqu'à 1,10 mètre ».

    Sentinel 6 cartographiera 95 % des océans de la planète

    Sentinel 6 s'inscrit dans cette stratégie de continuité qu'il garantira au moins jusqu'au début de la décennie 2030 (Sentinel 6B sera lancé en 2025-2026). Cette mission suivra les traces des missions de référence depuis 1992, avec une orbite inclinée à 66°, à une altitude de 1.336 kilomètres avec un gain de performance de 25 % : des 5 centimètres de Topex-Poseidon (1992), on atteint avec Jason 3 une précision de 2,5 cm et « l'on vise 1,5 cm avec Sentinel 6 ». Avec une revisite tous les 10 jours, Sentinel 6 cartographiera dans ce laps de temps 95 % des océans de la planète.

    Sentinel 6 répond aussi à une exigence forte d'Eumetsat qui veut corriger la dérive de 1,9 millimètre (moyenne calculée sur trois ans au niveau de la mer) que l'on remarque dans les données de Sentinel 3 et qui s'explique par le vieillissement normal de l'altimètre du satellite. En soit, cette dérive dans la mesure du niveau de la mer n'est pas « problématique pour la mission océanographie opérationnelle de Sentinel 3, mais elle rend ces données difficilement utilisables pour des études climat, qui ne peuvent évidemment pas s'appuyer sur des données approximatives ». Sentinel 6 sera une mission dédiée au climat « et se focalisera sur cette mission », contrairement à Sentinel 3 dont la mission opérationnelle peut se contenter de cette marge d'erreur.

    Il faut savoir qu'à partir des données de la mesure des niveaux des océans et des mers collectées par Sentinel 3 et Sentinel 6 de nombreuses informations peuvent être déduites qui intéressent divers secteurs liés à l'utilisation des océans tels que le transport maritime, le forage pétrolier et gazier, ou le suivi de la pêchepêche par exemple. Parmi les informations déduites de ces données altimétriques, qui servent en effet à mieux prédire l'état de la mer et l'intensité d'ouragans, on citera en exemple les hauteurs et directions des vagues ou des courants.  

    Voir aussi

    25 ans d'altimétrie spatiale pour surveiller les océans


    Sentinel 6, la nouvelle famille de satellites du programme Copernicus

    Article de Rémy Decourt publié le 16/05/2015

    Le programme européen Copernicus permet de suivre en temps réel l'état de la Planète et notamment l'élévation du niveau des mers. Celle-ci est surveillée depuis 1992 par les satellites altimétriques de la filière Jason qui permettent également de mieux comprendre le changement climatique. Pour continuer cette mission, Copernicus vient de se doter d'une sixième famille de satellites appelée Sentinel 6. Les appareils seront lancés en 2020 et 2026.

    Copernicus est le programme d'observation de la Terre piloté par l'Union européenne. Il vise à doter l'Europe d'une capacité permanente d'observation et de surveillance de la Terresurveillance de la Terre dans les domaines de l'environnement mais aussi de la sécurité. Il couvre tous les domaines géophysiques qui concernent notre Planète et, pour cela, il s'appuie sur plusieurs familles de satellites :

    • Sentinel 1 : famille chargée des observations radar de jour et de nuit des terres émergées et des océans ;
    • Sentinel 2 : famille chargée de l'observation optique de moyenne résolution des terres émergées ;
    • Sentinel 3 : famille chargée de l'observation des océans et des surfaces terrestres par optique multispectrale, infrarougeinfrarouge et altimétrie ;
    • Sentinel 4 : famille chargée de l'étude de la pollution atmosphérique depuis l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire ;
    • Sentinel 5 : famille chargée de l'étude de la chimiechimie de l'atmosphèreatmosphère depuis l'orbite basse.

    Une réflexion, prévue en 2018, portera probablement sur l'évolution du programme Copernicus. Il sera alors question de déterminer les nouveaux besoins en termes d'instruments qui pourraient permettre d'acquérir de nouvelles mesures liées aux ressources planétaires et à la surveillance de l'environnement.

    Avant même cette réflexion, le programme Copernicus vient cependant de se doter d'une sixième famille de satellites : Sentinel 6. Il s'agit d'une mission d'altimétrie spatiale qui comprend deux satellites identiques. Ceux-ci seront lancés en 2020 et 2026 pour une duréedurée de vie contractuelle d'au moins 5 ans et demi. Ils seront réalisés par Airbus Defence and Space pour le compte de l'Agence spatiale européenne qui déléguera leur exploitation à Eumetsat. L'instrument principal de chaque satellite, l'altimètre, sera fourni par Thales Alenia Space, le leader mondial en altimètre spatial.

    Tous les 10 jours, depuis une altitude d'environ 1.350 kilomètres, « ces satellites mesureront la distance qui les sépare de la surface de l'océan avec une précision de quelques centimètres et utiliseront les données recueillies pour cartographier l'ensemble de la topographie océanique », explique Michael Menking, directeur de l'observation de la Terre, de la navigation et des sciences chez Space Systems (une branche d'Airbus Defence and Space). L'observation des variations de hauteur de la surface des océans avec un tel degré de précision fournit des informations sur le niveau des mers, la vitesse et la direction des courants mais aussi sur le stockage de chaleur dans l'océan. Ces mesures sont « indispensables pour modéliser les océans et anticiper une augmentation du niveau des mers », conclut-il.

    Les satellites du programme Copernicus ont notamment enregistré l'augmentation du niveau des océans entre 1992 et 2015. © Cnes, Legos, CLS
    Les satellites du programme Copernicus ont notamment enregistré l'augmentation du niveau des océans entre 1992 et 2015. © Cnes, Legos, CLS

    Une mission d’altimétrie satellitaire

    « Sentinel 6 assurera la continuité opérationnelle des missions altimétriques Jason », nous explique Yvan Baillion, responsable du programme Sentinel 3 chez Thales Alenia Space. D'ailleurs, le satellite de la mission Sentinel 6 est aussi appelé Jason CS (pour Continuité de Service). Cet intérêt pour l'altimétrie spatiale s'explique par le fait que cette discipline « fournit des données essentielles pour les modèles climatiques et l'océanographie opérationnelle ». D'où la nécessiter de poursuivre la mission d'altimétrie satellitaire commencée en 1992 avec le satellite franco-américain Topex-PoséidonTopex-Poséidon qui a ouvert la voie à l'océanographie opérationnelle.

    À cette nécessité de continuité des données s'ajoute le besoin de « couvrir le globe terrestre avec le maillage suffisant pour traiter les phénomènes méso-échelle (dimensions horizontales entre 2 et 2.000 kilomètres) ». Pour cela, au moins trois altimètres doivent voler simultanément. Ce sera le cas avec « deux altimètres sur Sentinel 3 (Sentinel 3A et Sentinel 3B voleront ensemble) et un altimètre sur Sentinel 6 (Sentinel 6A en 2020 puis Sentinel 6B en 2026, quand Sentinel 6A sera désorbité) ».

    Les altimètres Jason 3, Sentinel 6 et Sentinel 3 sont issus d'une « même ligne de produits ». L'altimètre de Sentinel 6 sera la dernière génération des altimètres Poséidon (Poséidon 4). Il « doit permettre une meilleure précision avec une amélioration d'un facteur de deux par rapport à celui de la génération précédente à bord de Jason 3 ». Son lancement est prévu le 22 juillet à bord d'un lanceur Falcon 9 de SpaceX.

    Quant à Sentinel 3, il embarque un altimètre différent qui, en plus du mode de fonctionnement des altimètres Poséidon, « possède un mode SAR permettant d'améliorer la résolution le long de la trace ». Cela permet d'obtenir des mesures plus près des côtes et de proposer des applicationsapplications sur les glaces de mer.