Avec Galileo, l’Europe se dote de son propre système mondial de navigation par satellites qui surpasse tous les autres en termes de performance et de service, et utilise des signaux inédits pour se localiser. Jean-Luc Issler, expert senior Radio Fréquence au Cnes, chargé de mission à la sous-direction Radio-Fréquence, coordonnant notamment la normalisation des signaux de transmission spatiale, et participant à la fourniture d’expertise locale sur les signaux Galileo, nous explique en quoi ces signaux sont innovants. Un article, certes un peu technique, mais qui permet de comprendre comment fonctionne Galileo et pourquoi ses services surpassent ceux du GPS américain par exemple.

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    Avec les quatre nouveaux satellites Galileo que s'apprête à lancer ArianespaceArianespace ce 25 juillet, la constellation Galileoconstellation Galileo comptera 26 satellites en orbite. Après avoir débuté ses services initiaux en 2016, mais avec une couverture et une qualité de service réduites, la constellation offre aujourd'hui une couverture mondiale de 99,8 %. Tous les services Galileo, qu'ils soient ouverts ou réservés aux applications gouvernementales, sont aujourd'hui pleinement opérationnels et accessibles aux professionnels et aux particuliers.

    Ces services sont basés sur des informations transmises dans plusieurs bandes de fréquencesbandes de fréquences. Ces informations permettent aux récepteurs de calculer leur position (signaux) et sont codées autour de fréquences porteuses. Ces fréquences sont réservées pour les services de navigation par satellite mais sont partagées par toutes les constellations comme le GPSGPS. Pour éviter les interférences avec les autres signaux des autres constellations et maximiser la performance, des largeurs de bandeslargeurs de bandes optimisées sont associées à chaque fréquence porteuse.

    Ainsi, les bandes de fréquences et les signaux de Galileo n'ont pas été choisis au hasard. La « définition des signaux qui s'est avérée très importante car elle conditionnait en partie la mise au point des satellites », nous explique Jean-Luc Issler, expert senior Radio Fréquence au Cnes, chargé de mission à la sous-direction Radio-Fréquence, coordonnant notamment la normalisation des signaux de transmission spatiale, et participant à la fourniture d'expertise locale sur les signaux Galileo. Le Cnes a été très impliqué dans les phases préparatoires à Galileo ainsi qu'à la définition des signaux utilisés. Il a contribué significativement aux résultats du « groupe de travail d'experts européens chargés de la création du signal Galileo » et aux négociations avec les autres opérateurs de satellites de navigation et de positionnement. Ces experts ne sont pas partis d'une feuille blanche. Dès 1999, la Commission européenne, qui a financé Galileo, avait exprimé ses besoins. « Elle souhaitait un système en orbite moyenne à la fois plus performant que ceux existants, chaque service de navigation devant être interopérable avec le GPS américain, mais aussi robuste aux modes de panne communs par interférences entre GPS et Galileo. »

    Le programme Galileo appartient à l’UE, qui le finance. La Commission européenne, en sa qualité de responsable de l’ensemble du programme, assure la gestion et la supervision de la mise en œuvre de toutes les activités afférentes. Le déploiement de Galileo, la conception et le développement de systèmes de nouvelle génération ainsi que le développement technique de l’infrastructure sont confiés à l’ESA. © ESA/ZIG-ZAG - Manuel Pedoussaut, Philippe Sebirot, Stephane Corvaja

    Le programme Galileo appartient à l’UE, qui le finance. La Commission européenne, en sa qualité de responsable de l’ensemble du programme, assure la gestion et la supervision de la mise en œuvre de toutes les activités afférentes. Le déploiement de Galileo, la conception et le développement de systèmes de nouvelle génération ainsi que le développement technique de l’infrastructure sont confiés à l’ESA. © ESA/ZIG-ZAG - Manuel Pedoussaut, Philippe Sebirot, Stephane Corvaja

    Pour les marchés de masse à usage du grand public, le principe recherché était d'avoir des « systèmes les plus proches possible en termes de fréquence et de modulationmodulation ». L'idée est de ne pas pénaliser les utilisateurs de récepteurs GPS et Galileo grand public, tout comme les entreprises qui les fabriquent et les commercialisent. Une deuxième bande de fréquences distincte des bandes GPS a été proposée pour éviter « tout risque qu'une interférence brouille à la fois GPS et Galileo, rendant inutilisables les services et même les deux systèmes de navigation le temps de cette interférence ». Galileo, avec deux bandes de fréquences dont une bande commune avec le GPS américain, assure l'interopérabilité.

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    Tous les futurs services de Galileo, le GPS européen

    De plus, l'utilisation simultanée de deux bandes de fréquences a « comme principal intérêt de réduire les erreurs de mesure ». Il faut savoir que quand un signal traverse l'ionosphère (partie de l'atmosphèreatmosphère comprise entre 80 et 500 km d'altitude environ), il « peut être plus ou moins retardé et cela peut se traduire par une erreur jusqu'à une centaine de mètres ». Ainsi, la mesure de distance contient deux inconnues : « la distance géométrique et le biais apporté par l'ionosphère qui dépend lui-même de la fréquence ». Les mesures sur deux fréquences permettent de « disposer de deux équationséquations à deux inconnues et ainsi d'isoler le biais ionosphérique de la distance géométrique que l'on cherche à connaître ». Les erreurs liées aux délais occasionnés par le passage des ondes dans l'ionosphère sont « donc corrigées grâce à l'usage de ce système bi-fréquence ».

    Le service ouvert de Galileo propose même trois bandes de fréquences, ce qui « permet de garder un service bi-fréquence corrigeant les biais ionosphériques même lorsque l'une des bandes de fréquences subit une interférence ». La robustesse et la performance de ce service sont ainsi accrues pour les récepteurs qui utilisent ces trois fréquences au prix d'une complexité et d'un coût beaucoup plus important. Aujourd'hui, les récepteurs de nos téléphones et de nos voituresvoitures n'utilisent qu'une seule fréquence. Très prochainement, ils en utiliseront deux. Seuls des récepteurs professionnels utilisent les trois fréquences.

    Des signaux inédits et innovants qu'il a été nécessaire d'inventer

    Pour Galileo, il a fallu développer des signaux garantissant la « flexibilité et assurant l'interopérabilité, sans pour autant être très sensible aux interférences » et ce malgré la petite « bande passante initialement proposée dans l'espace par les partenaires internationaux pour les radiofréquences de navigation par satellite européennes ». Pour cela, des solutions innovantes ont été proposées dont deux ont été récompensées par le prix du meilleur inventeur européen en 2017, décerné à Laurent Lestarquit du Cnes et quatre collègues européens, dont Jean-Luc Issler. C'est le cas du signal BOC Alternatif (AltBOC), le « plus large en fréquence dans le monde et donc le plus précis, qui permet de transmettre quatre signaux dans deux bandes de fréquences adjacentes (nommées E5a et E5b) ». Un autre exemple de signal innovant est le signal Composite BOC (CBOC) : Il a quatre lobes principaux, « sculptés » de façon à « maximiser la précision et minimiser les interférences avec les signaux des autres systèmes de navigation ».

    Grâce à la performance de ses signaux, Galileo atteint « une précision remarquable, métrique pour les usages standards, mais qui peut descendre à quelques centimètres pour les usages haut de gamme », explique Laurent Lestarquit. La performance intrinsèque des techniques européennes utilisées dans le système Galileo a d'ailleurs engendré, dans le cadre des études de la nouvelle génération des satellites GPS américains (GPS3), la mise en place d'un accord entre la Commission européenne et les États-Unis qui « permettra à nos collègues américains d'utiliser un signal proche du CBOC ». Dans le futur, les deux constellations offriront alors un signal conjoint et ouvert au bénéfice de la précision de tous les utilisateurs, pour un coût minimum.