Sommes-nous seuls ? C’est probablement la question la plus profonde qui se pose aujourd’hui encore à l’humanité. Et si la réponse à cette question était non ? Serions-nous prêts à l’accepter ? Pour Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), une technologie extraterrestre a récemment traversé notre Système solaire. Il nous explique comment il est arrivé à cette conclusion.


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    Octobre 2017. Un observatoire à Hawaï (États-Unis) rapporte l'observation d'un objet mystérieux qui traverse notre Système solaire à une vitesse environ quatre fois supérieure à celle de la plupart des astéroïdes. L'objet suit une trajectoire hyperbolique qui indique aux astronomesastronomes qu'il vient d'ailleurs. Il est baptisé 1I/2017 U11I/2017 U1. Et rapidement surnommé 'Oumuamua, comprenez « l'invité », « le messager ». Il éveille toutes les curiosités. « 'Oumuamua éblouit les scientifiques », titre alors la Nasa. Parce qu'il est le tout premier objet interstellaireobjet interstellaire observé aussi près de la Terre. Mais aussi parce qu'il présente un certain nombre de caractéristiques pour le moins surprenantes.

    Sommes-nous seuls dans l'Univers ? Cette question suit l'humanité depuis des siècles, voire... des millénaires. On vous en parle dans Futura dans les Étoiles. © Futura

    Comète, astéroïde, fragment de corps céleste. Au fil des mois, toutes les hypothèses concernant sa nature ont été mises sur la table. Y compris la plus folle de toutes : celle du vaisseau extraterrestre ! Une hypothèse soutenue -- envers et contre presque tous -- par Abraham Loeb, président du département d'astronomie à l'université de Harvard (États-Unis). « La méthode scientifique encourage à la prudence. Nous formulons une hypothèse, recueillons des preuves et testons cette hypothèse. Puis nous affinons l'hypothèse ou rassemblons plus de preuves. Mais les modes peuvent décourager la prise en compte de certaines hypothèses et le carriérisme peut diriger l'attention et les ressources vers certains sujets et les éloigner d'autres », explique-t-il.

    Le saviez-vous ?

    En 2015, Ellen Stofan, alors scientifique en chef à la Nasa déclarait à l’occasion d’un événement public, s’attendre à ce que « des preuves de l’existence d’une vie au-delà de la Terre » soient trouvées dans les deux à trois décennies. Un point de vue alors partagé par Jeffrey Newmark, astrophysicien à la Nasa : « Je ne me demande pas si nous trouverons de telles preuves, mais quand. »

    S’ils pensaient vraisemblablement plus à des formes de vie microscopiques, Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), lui, pense que la preuve en question est passée par le Système solaire en 2017. Il détaille sa théorie dans un livre, traduit par Charles Frankel, qui vient de paraître aux éditions du Seuil : Le premier signe d’une vie intelligente extraterrestre

    « Personnellement, je suis convaincu que 'Oumuamua est la preuve qu'il existe ou qu'il a existé des civilisations sensibles autres que la nôtre, ailleurs dans l'UniversUnivers. Et j'aimerais que la communauté accepte d'accorder autant de crédit à ma théorie qu'elle en accorde à l'hypothèse de la supersymétriesupersymétrie ou du multivers. Mais je crois aussi que l'humanité n'est pas prête à accepter que nous ne soyons pas uniques. »

    Une vue d’artiste de l’objet que les astronomes ont officiellement baptisé 1I/2017 U1 et rapidement surnommé ‘Oumuamua. Jamais un objet de cette forme n’a été observé dans notre Système solaire auparavant. © M. Kornmesser, Observatoire européen austral
    Une vue d’artiste de l’objet que les astronomes ont officiellement baptisé 1I/2017 U1 et rapidement surnommé ‘Oumuamua. Jamais un objet de cette forme n’a été observé dans notre Système solaire auparavant. © M. Kornmesser, Observatoire européen austral

    ‘Oumuamua, un objet interstellaire à la forme étrange

    Mais sur quoi Avi Loeb appuie-t-il son hypothèse ? Sur quelques singularités relevées par les chercheurs qui ont étudié l'objet interstellaire. Sa forme d'abord. « Nous n'avons aucune image bien nette de l'objet. Seulement les données de onze jours d'observations -- avant que l'objet s'éloigne trop de la Terre -- par plusieurs télescopestélescopes, précise Avi Loeb. Elles montrent que la luminositéluminosité de ‘Oumuamua varie d'un facteur dix toutes les huit heures. » De quoi conclure que l'objet est bien plus long que large. Certains ont d'abord parlé de forme de cigare. Puis les données ont orienté, de manière statistiquement bien plus probable, vers une forme de disque.

    « Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais observé dans la nature, d'objet aussi plat et/ou allongé, nous assure Avi Loeb. Et c'est sans parler du fait que 'Oumuamua était aussi au moins dix fois plus brillant que n'importe quel astéroïde ou comète de taille similaire. » Un certain nombre d'explications ont été avancées.

    Cette animation montre le parcours de l’objet interstellaire 1I/2017 U1, alias ‘Oumuamua à travers notre Système solaire. Suivant une trajectoire qui a surpris les astronomes. © Observatoire européen austral

    Une trajectoire qui défie les lois de la physique

    « S'il n'y avait eu que cela, je serais passé à autre chose », nous confie Avi Loeb. Mais il y avait aussi l'anomalieanomalie de trajectoire qui apparait dans les données recueillies par les astronomes. Selon le chercheur de l'université de Harvard, celle-ci est « époustouflante ». « Les lois de la physiquephysique nous permettent de prédire la trajectoire d'un objet soumis à l'influence gravitationnelle du SoleilSoleil. Mais 'Oumuamua ne s'est pas comporté comme prévu. » À distance de notre étoileétoile, il s'est vu comme poussé par une force mystérieuse. « Cela arrive aux comètes aussi. Une sorte d'effet de « moteur-fuséefusée » qu'elles doivent à leur longue queue de glace qui s'évapore. »

    Pour que cet effet fusée explique la déviation de trajectoire de 'Oumuamua, il aurait fallu que l'objet perde un dixième de sa massemasse. Pourtant, en scrutant l'espace environnant, les astronomes n'ont trouvé aucune trace d'eau, de gazgaz ou de poussière.

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    Le mystère s’épaissit : ‘Oumuamua ne serait pas un iceberg d’hydrogène ?

    D'autres hypothèses ont été avancées. Celle d'une collision avec un autre objet, d'abord. Mais les données ne correspondaient pas. Puis celle que la glace portée par l'objet interstellaire ait été exclusivement composée d'hydrogènehydrogène. Mais l'idée n'a pas tenu bien longtemps. Celle de l'action de la pressionpression de rayonnement du Soleil a également été investiguée. Mais elle impliquerait une densité massique incroyablement faible. 1 % seulement de celle de l'airair à la surface de la Terre. De quoi faire de 'Oumuamua l'objet le plus poreux jamais observé dans notre Système solaire.

    Selon Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), les caractéristiques d’’Oumuamua peuvent s’expliquer par l’hypothèse qu'il s'agit d’un engin extraterrestre. © Giovanni Cancerni, Adobe Stock
    Selon Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), les caractéristiques d’’Oumuamua peuvent s’expliquer par l’hypothèse qu'il s'agit d’un engin extraterrestre. © Giovanni Cancerni, Adobe Stock

    ‘Oumuamua, un vaisseau extraterrestre ?

    « Pour moi, 'Oumuamua ne ressemble tellement à rien d'autre de ce que nous connaissons dans l'Univers qu'il doit avoir été conçu, construit et lancé par une intelligenceintelligence extraterrestre. Peut-être un voile flottant dans l'espace. Une bouée de communication. Ou un débris abandonné par une civilisation autre que la nôtre, avance Avi Loeb. J'ai conscience que c'est une hypothèse exotiqueexotique. Mais les autres hypothèses avancées pour expliquer ces caractéristiques particulières ne le sont pas moins. Aucune ne parvient à réellement expliquer la trajectoire de 'Oumuamua. Et pourtant, l'objet a dévié », n'hésite pas à lancer le chercheur en clin d'œilœil à GaliléeGalilée.

    « Soyons clairs. Je ne suis pas de ceux qui cherchent la lumièrelumière des projecteursprojecteurs. Je ne suis pas "l'enfant terrible de l'astrophysiqueastrophysique". Je me pose seulement des questions. En essayant de ne pas me laisser déborder par des préjugés. »