Lorsque la matière végétale se transforme en charbon, il peut aussi se former ce que les spécialistes appellent du gaz de houille. Du méthane, essentiellement. Il est à l’origine des tristement célèbres « coups de grisou ». Et lorsqu’il s’échappe dans l’atmosphère, il contribue à alourdir le bilan carbone de l’exploitation du charbon. En comprenant mieux comment apparaît ce méthane, les chercheurs espèrent aider à le récupérer.


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    Le charboncharbon. Dans le contexte de crise climatique, sa tête est aujourd'hui mise à prix. Mais, entre le XVIIIe et le XIXe siècle, il était bel et bien le seul capable de fournir suffisamment de chaleur pour produire de la vapeur. Depuis, il a beaucoup été étudié. Et les chercheurs pensaient comprendre les mécanismes de sa formation qui remonte à plus de 350 millions d'années. Pourtant, aujourd'hui, une équipe de l’université PennState (États-Unis) envisage que des microbesmicrobes ont pu jouer un rôle inattendu.

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    Rappelons que le charbon se forme par dégradation dans l'eau d'une matière végétale qui s'accumule en une région donnée. Cette matière végétale doit être recouverte par des boues et du sablesable, mise à l'abri de l'air, pour lui éviter de pourrir trop vite. Elle se transforme alors en tourbe, puis en lignitelignite et en un matériau subbitumeux, puis en charbon bitumeux et enfin, en anthracite. Le tout au fur et à mesure que la matière s'enfonce en profondeur et se charge en carbone.

    Aujourd'hui, c'est principalement du lignite qui est brûlé en Inde ou en Chine. Du charbon subbitumeux aussi. Car ces produits sont plus facilement exploitables à moindre coût. L'ennui, c'est qu'ils produisent beaucoup de gaz à effet de serregaz à effet de serre lorsqu'ils sont brûlés. Leur exploitation libère aussi ce que les experts appellent le gaz de houillehouille. Essentiellement du méthane (CH4) qui, dans les années fastes de l'exploitation du charbon, constituait surtout une menace pour les mineurs. Celle de l'explosion, celle du fameux « coup de grisou ». Désormais, on l'envisage plus comme le puissant gaz à effet de serre qu'il est aussi. Certaines études estiment que les plus récents sites miniers pourraient ainsi émettre plus de 10 millions de tonnes de méthane par an. Pas moins de 30 % de plus qu'aujourd'hui. D'où l'importance d'apprendre à mieux gérer ces dégagements de gaz de houille.

    Dans les espaces interstitiels entre les charbons vivent des microbes anaérobies. Les enzymes qu’ils excrètent sur la structure du charbon brisent les liaisons formées par les groupes méthoxyles pour produire des précurseurs du méthane. © Max Lloyd, Penn State
    Dans les espaces interstitiels entre les charbons vivent des microbes anaérobies. Les enzymes qu’ils excrètent sur la structure du charbon brisent les liaisons formées par les groupes méthoxyles pour produire des précurseurs du méthane. © Max Lloyd, Penn State

    Des microbes derrière le méthane

    Ce que les chercheurs de PennState ont étudié, ce sont les groupes méthoxyles de nombreux échantillons de charbon prélevés dans le monde entier. Rappelons que les groupes méthoxyles sont formés d'un atomeatome de carbone (C) et de trois atomes d'hydrogènehydrogène (H) liés à un atome d'oxygèneoxygène (O). Dans le charbon, ces atomes d'oxygène se fixent à un atome de carbone dans l'un de ses arrangements cycliques. Et si les chercheurs s'y sont intéressés, c'est parce que ce sont ces groupes méthoxyles -- ou au moins certains d'entre eux -- qui finissent par être transformés en méthane.

    Pour enfin comprendre comment, les chercheurs ont examiné les isotopesisotopes stables du carbone dans ces groupes méthoxyles. Et les profils qu'ils ont découverts ne correspondent pas à ce à quoi il faudrait s'attendre si le méthane s'était formé sous l'effet de la chaleur, de l'acidité ou encore de réactions catalytiques, les pistes traditionnellement privilégiées par les géochimistes. Ils sont en revanche cohérents avec une activité microbienne.

    Le saviez-vous ?

    Le gaz de houille est déjà exploité aux États-Unis, en Chine ou en Australie, par exemple. Il est utilisé pour produire de l’électricité. Une manière de réduire sérieusement les émissions de méthane (CH4) dans l’atmosphère par rapport à la simple aération du gaz.

    « Il s'avère que, si les microbes aérobiesaérobies sont plutôt doués lorsqu'il s'agit de dégrader les anneaux cycliques du charbon, les microbes anaérobies le sont beaucoup moins, explique Max Lloyd, chercheur, dans un communiqué de PennStateIls n'ont donc pour seule option que de dégrader directement les groupes méthoxyles ». Qui sont alors convertis en méthane. Mais une fois que tous les groupes sont séparés de leurs anneaux cycliques, les microbes deviennent impuissants. La production de méthane cesse.

    « Pour cisailler les groupes méthoxyles, les microbes libèrent des enzymesenzymes qui dégradent la structure de manière extracellulaire. C'est limitatif, car le charbon n'est pas en solution et le microbe ne peut pas facilement pénétrer sa structure », précise Lloyd. C'est ainsi le charbon en lui-même qui constitue un facteur limitant à la production de méthane de houille. Ajouter des microbes ou des nutrimentsnutriments ne servirait à rien pour ceux qui souhaiteraient optimiser leur exploitation de ce gaz.