Dans la nuit de vendredi à samedi, Arianespace a lancé BepiColombo à destination de la planète Mercure qu'elle atteindra au terme de sept années de voyage dans l'espace. Du fait de la proximité de la planète au Soleil, la sonde évoluera dans un environnement très chaud dont il a fallu tenir compte au moment de sa conception. La protection thermique du satellite, véritable challenge de la mission, a été réalisée par Thales Alenia Space. Paolo Musi, le responsable des programmes scientifiques, nous explique comment la sonde sera protégée des rayonnements et de la chaleur du Soleil.

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    Sans surprise, Ariane 5Ariane 5 a lancé avec succès la sonde BepiColombo à destination de Mercure. Le satellite, d'une masse au lancement de 4.081 kgkg, a été injecté sur une orbite hyperbolique de libération, avec comme paramètres une vitesse à l'infini de 3.475 mètres par seconde et une déclinaison de - 3,8 degrés. Sept années seront nécessaires à la sonde et neuf manœuvres d'assistances gravitationnellesassistances gravitationnelles (une autour de la Terre, deux autour de VénusVénus et six autour de Mercure) pour atteindre la planète Mercure et se mettre en orbite autour.

    Décollage d'Ariane 5 avec à son bord la sonde BepiColombo qui a quitté la Terre à destination de Mercure, la planète tellurique la plus petite et la moins explorée du Système solaire. © ESA, S. Corvaja

    Décollage d'Ariane 5 avec à son bord la sonde BepiColombo qui a quitté la Terre à destination de Mercure, la planète tellurique la plus petite et la moins explorée du Système solaire. © ESA, S. Corvaja

    Dès son arrivée à proximité de Mercure, la sonde BepiColomboBepiColombo sera soumise à un environnement radiatif si intense que le satellite subira des températures de plus de 350 °C avec des expositions locales du réflecteur d'antenne à plus de 400 °C.

    Pour se protéger de ces températures, qui feraient fondre n'importe quel composant ou instrument de la sonde, Airbus Defence & Space a confié à Thales Alenia Space la réalisation de la protection thermique du satellite, « le véritable challenge de la mission », nous explique Paolo Musi, le responsable des programmes scientifiques chez Thales Alenia Space. Elle a été conçue pour garantir une plage de température de « fonctionnement de l'électronique qui se trouve à l'intérieur du satellite, inférieure à 40 °C lorsque le satellite est exposé à un flux thermique provenant du Soleil supérieur à 14 kilowatts/m2, soit environ 10 fois le flux solaire observé en orbite terrestre ». Dans ces conditions environnementales, la surface externe du satellite « dépassera les 400 degrés Celsiusdegrés Celsius ». À cette contrainte, s'en ajoute une autre. Tous les matériaux exposés devront également « résister sans dégradation au rayonnement ultravioletultraviolet très intense et au flux de particules chargées du vent solairevent solaire ».

    Résister à des températures extrêmes : le véritable challenge de la mission

    Le succès de la mission dépend pour partie du bon fonctionnement de ce système de contrôle thermique, « qui maintient tous les composants et les instruments à l'intérieur d'une plage acceptable de températures en dessous de 40 degrés Celsius ». Thales Alenia Space a donc développé des solutions techniques spécifiques très innovantes telles qu'une isolationisolation multicouche externe, des céramiquescéramiques, des revêtements diélectriquesdiélectriques, ou encore les mécanismes à haute température pour l'antenne externe et les panneaux solaires.

    À la fois proche de Mercure et du SoleilSoleil, l'orbiteur européen MPO (Mercury Planetary Orbiter) est le module qui « subira les contraintes thermiques les plus fortes » par rapport à l'orbiteur MMO (Mercury Magnetospheric OrbiterOrbiter), fourni par le Japon. MPO tournera autour de Mercure en orbite basse polaire faiblement elliptique, à une altitude comprise entre 480 km et 1.500 km tandis que le MMO japonais sera placé en orbite elliptique polaire, de 600 km par 11.800 km. Pour protéger efficacement l'orbiteur MPO de la lumièrelumière et du rayonnement solairerayonnement solaire, il est équipé sur « tous les côtés, sauf un, d'une isolation multicouche externe (MLI) d'une épaisseur d'environ 60 millimètres, spécialement conçue pour BepiColombo, avec un bouclier thermique externe en Nextel et feuilles de titanetitane ».

    L'orbiteur européen MPO recouvert d'une partie de son isolation multicouche qui le protégera de l'environnement très chaud autour de Mercure. © ESA, B. Guillaume

    L'orbiteur européen MPO recouvert d'une partie de son isolation multicouche qui le protégera de l'environnement très chaud autour de Mercure. © ESA, B. Guillaume

    Sur le côté du MPO qui ne verra jamais le Soleil, Thales Alenia Space n'a pas installé d'isolation mais un « radiateurradiateur thermique, conçu pour dissiper à l'extérieur de l'orbiter la chaleurchaleur produite en interne par les équipements mais également celle qui parvient à se faufiler par le MLI ». Aussi performante soit-elle, cette isolation multicouche laisse tout de même passer de la chaleur à l'intérieur du satellite qui s'additionne aux caloriescalories produites par les instruments et l'électronique de bord dont le « fonctionnement nécessite une plage de température entre 0 et 40 degrés Celsius ».

    Quant aux éléments externes, comme le réflecteur d'antenne, qui seront directement exposés au soleil, ils sont protégés par des revêtements blancs spéciaux, « soit en céramique, soit en matériaux diélectriques ». Malgré ces revêtements réfléchissants, leur « température dépassera 400 degrés Celsius » !

    S’approcher encore plus près du Soleil

    Bien que ces protections thermiques aient été spécialement développées pour BepiColombo, une partie de la technologie et des solutions de conception seront « utiles au bouclier thermique de Solar Orbiter que nous réaliserons ». Cependant, le bouclier thermique de Solar OrbiterSolar Orbiter a nécessité une évolution de la technologie « puisque la sonde sera encore plus proche du Soleil que BepiColombo et qu'elle pourra atteindre des températures allant jusqu'à 550 degrés Celsius ». Solar Orbiter s'approchera en effet jusqu'à 42 millions de kilomètres du Soleil contre seulement 58 millions de kilomètres pour BepiColombo !


    BepiColombo : lancement d'une nouvelle sonde pour percer les secrets de Mercure

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 19/10/2018

    Dans la nuit de vendredi à samedi, ArianespaceArianespace injectera BepiColombo sur une orbite hyperbolique de libération pour un rendez-vous avec la planète Mercure qu'elle atteindra au terme de sept années de voyage dans l'espace. Cette sonde de l'ESA et la Jaxa est la première mission de ces deux agences à destination de Mercure. Il s'agit d'une mission interdisciplinaire qui vise à envoyer deux sondes spatiales solidaires vers Mercure, la plus petite planètepetite planète de notre Système solaireSystème solaire et également la moins explorée.

    Après le lancement réussi du satellite Aeolus d'étude des vents, Arianespace s'apprête à lancer, dans la nuit de vendredi à samedi, la sonde BepiColombo à destination de Mercure. Si pour Aeolus, Arianespace avait utilisé le lanceurlanceur VegaVega pour l'injecter en orbite basse autour de la Terre, pour mettre BepiColombo sur la route de Mercure, Arianespace utilisera une Ariane 5 ECA, qui vient de réaliser son centième lancement.

    Le lancement, prévu le samedi 20 octobre à exactement 3 h 45 min 28 s, heure de Paris, donc dans la nuit de vendredi à samedi, est à suivre en direct sur le site de l'ESA.

    Cette sonde est une mission conjointe entre les agences spatiales européenneagences spatiales européenne et japonaise. Elle a été construite par Airbus Defence & Space, à la tête d'un consortium de 83 entreprises issues de 16 pays, avec comme principal partenaire industriel Thales Alenia Space qui a notamment fourni les technologies clés relatives au contrôle thermique qui sont le véritable challenge de la mission.

    En effet, il faut savoir que du fait de la proximité de Mercure au Soleil, quelque 58 millions de kilomètres, BepiColombo devra résister à des températures extrêmes. Elle sera exposée à des températures de l'ordre de 300 °C avec des expositions locales du réflecteur d'antenne à 400 °C alors que les instruments et l'électronique sont conçus pour fonctionner à des températures comprises entre 0 °C et 40 °C. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus en détail.

    La sonde BepiColombo au bâtiment S5 du Centre spatial de Kourou. Elle est ici vue en configuration de vol avec de bas en haut : le module de transfert, l'orbiteur européen MPO, le bouclier solaire, et le <em>Mercury Magnetospheric Orbiter</em>. © ESA/CNES/Arianespace/Optique video du CSG – S. Martin

    La sonde BepiColombo au bâtiment S5 du Centre spatial de Kourou. Elle est ici vue en configuration de vol avec de bas en haut : le module de transfert, l'orbiteur européen MPO, le bouclier solaire, et le Mercury Magnetospheric Orbiter. © ESA/CNES/Arianespace/Optique video du CSG – S. Martin

    BepiColombo a comme particularité d'être composée de plusieurs modules (dont trois fournis par l'Europe) :

    • l'orbiteur MPO (Mercury Planetary Orbiter), avec ses 11 instruments dédiés à la cartographie globale et l'étude de la surface de Mercure, portant sur sa forme, sa structure interne, sa géologiegéologie, sa composition et ses cratères, et de son atmosphèreatmosphère ;
    • le bouclier solaire, pour protéger l'engin des quelque 350 °C au voisinage de Mercure ;
    • le module de transfert MTM (Mercury Transfert Module), destiné à amener les deux orbiteurs dans la région de Mercure. Il assurera l'alimentation électrique et la propulsion pour le voyage Terre-Mercure ;
    • l'orbiteur MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), fourni par le Japon, est optimisé pour étudier l'environnement de Mercure. Il étudiera le champ magnétiquechamp magnétique de Mercure et les vestiges de son atmosphère grâce à ses cinq instruments.

    Le saviez-vous ?

    Après Mariner 10 dans les années 1970 et Messenger (2010-2015), BepiColombo est la troisième mission, et la première européenne, vers Mercure, la plus petite planète et la moins explorée de notre Système solaire. « La moins explorée non pas parce qu'elle n'est pas intéressante mais parce qu'elle est difficile d'accès », explique Álvaro Giménez, directeur du programme scientifique de l’ESA. Avec BepiColombo, l'ESA et la Jaxa se sont donné les moyens de faire progresser notre « connaissance de Mercure, progrès qui bénéficiera des succès de Messenger et des découvertes pionnières de Mariner 10 », précise François Leblanc, planétologue au Latmos.

    Un voyage de sept ans avant de percer les secrets d’une planète étonnamment méconnue

    L'arrivée de BepiColombo autour de Mercure est prévue fin 2025, après un voyage de sept ans, date à laquelle BepiColombo, après avoir largué le MTM, sera soumis à l'attraction du champ gravitationnel de la planète. Débutera alors une mission scientifique d'une duréedurée d'un an, avec une extension possible d'une année supplémentaire avec, comme principal objectif scientifique, la conduite d'une observation systématique et approfondie de la planète, incluant l'analyse de sa surface et de sa magnétosphèremagnétosphère. L'objectif du lancement d'Ariane 5 (VA-245) est d'injecter BepiColombo sur une orbite hyperbolique de libération pour un rendez-vous avec la planète Mercure avec comme paramètres une vitesse à l'infini de 3.475 mètres par seconde et une déclinaison de - 3,8 degrés.

    Voir aussi

    Mieux connaître Mercure, c'est mieux comprendre le Système solaire

    BepiColombo essayera également de mieux comprendre l'histoire de son champ magnétique et de son volcanismevolcanisme ainsi que des dépôts de glace d'eau que l'on a découverts au fond de nombreux cratères. Caractéristique remarquable, elle sera la première sonde autour de cette planète à pouvoir pointer en permanence au nadirnadir, c'est-à-dire verticalement, exactement sous elle.

    Pour en savoir plus sur les difficultés techniques de la mission et le détail des objectifs scientifiques, nous vous invitons à relire l'interview de François Leblanc, planétologue au Latmos et responsable scientifique d'un des instruments, réalisée en juillet 2017.