De par son orbite de quelque 860 ans, l'objet C/2014 S3 (Pan-Starrs) a été identifié comme étant une comète, mais une comète sans queue. Il serait le vestige bien conservé du matériau constitutif de planètes comme la Terre. Après des milliards d’années d’exil dans le nuage d’Oort, il revient dans sa région d’origine. C’est la première fois que des astronomes surprennent un tel objet, témoin de la formation des planètes rocheuses.

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    Comment obtient-on un système planétaire comme le nôtre, structuré avec quatre planètes rocheusesplanètes rocheuses relativement proches du foyer solaire et séparées de quatre géantes gazeuses par une ceinture d'astéroïdes (sans oublier, dans les confins du Système solaire, la ceinture de Kuiper et le vaste nuage d'Oortnuage d'Oort...) ? Faute de pouvoir remonter le temps jusqu'à 4,6 milliards d'années, pour espionner le chantier autour du SoleilSoleil naissant, les astronomesastronomes s'efforcent de reconstituer la scène à travers des modèles et aussi en étudiant les systèmes en formation dans notre voisinage galactique.

    Autre piste prometteuse, les comètescomètes et astéroïdes, qui sont tous deux considérés comme de véritables fossilesfossiles du Système solaire primitif. C'est entre autres pour cette raison que plusieurs sondes spatiales ont été missionnées auprès de ces corps, telle DawnDawn (son nom signifie « aubeaube ») qui, après Vesta, orbiteorbite depuis plus d'un an autour de Cérès, dans la ceinture d'astéroïdes. Il y a aussi, dans le cas des comètes, RosettaRosetta qui escorte la désormais célèbre Tchouri (de son vrai nom 67P/Churyumov-Gerasimenko) depuis 20 mois. Ces dernières, originaires des régions les plus froides du Système solaire, présentent l'avantage d'avoir préservé dans leurs glaces la matièrematière primitive qu'elles avaient alors agrégée.

    Dans ces populations variées de petits corps célestes, les chercheurs surprennent des cas particuliers comme Cérès, qui a un comportement de comètes (il n'est pas exclu que la planète naineplanète naine ait migré depuis la ceinture de Kuiper) ou, à l'inverse, C/2014 S3 (Pan-Starrs), dont les caractéristiques inhabituelles lui ont valu d'être surnommée « comète Manx », c'est-à-dire « sans queue », en référence aux chats du même nom dépourvus de cette partie du corps. Il s'agit plutôt d'une comète rocheuse, la première d'un nouveau genre.

    Portrait de C/2014 S3 (Pan-Starrs) réalisé avec le VLT (le Très Grand Télescope, en anglais <em>Very Large Telescope</em>), au Chili. © K. Meech (IfA/UH), CFHT, ESO

    Portrait de C/2014 S3 (Pan-Starrs) réalisé avec le VLT (le Très Grand Télescope, en anglais Very Large Telescope), au Chili. © K. Meech (IfA/UH), CFHT, ESO

    C/2014 S3 (Pan-Starrs) est de retour vers sa terre natale

    L'objet C/2014 S3 (Pan-Starrs) découvert, comme son nom l'indique, en 2014 par le premier télescopetélescope du programme Pan-Starrs (Panoramic Survey Telescope And Rapid Response System), installé à Hawaï sur le mont Haleakala, se distingue donc de la plupart des comètes par sa quasi-absence de queue de gazgaz et de poussière, caractéristique bien connue de ces corps glacés. Dans son cas, il y a très peu de sublimationsublimation de glace d'eau, ce qui lui confère une queue fantomatique, plus d'un million de fois moins lumineuse que celle d'une comète placée à la même distance du Soleil (alors à un peu plus de 300 millions de kilomètres de notre étoileétoile).

    Pourtant, avec son orbite elliptique estimée à environ 860 ans, il imite le parcours des comètes dites « de longue période ». Un indice qui invite à penser que depuis des milliards d'années, il résidait dans ce qui est considéré comme un immense réservoir de comètes potentielles : le nuage d'Oort. Endormi, conservé bien au frais, l'objet a échappé à notre vigilance jusqu'à ce que, délogé, il se hasarde dans le Système solaire interne et apparaisse enfin sur nos relevés du ciel.

    Pour l'équipe qui l'a étudié attentivement durant plusieurs semaines avec l'observatoire Canada-France-Hawaïobservatoire Canada-France-Hawaï (CFHT), à Hawaï, puis le VLT (le Très Grand Télescope, en anglais Very Large TelescopeVery Large Telescope), au Chili, ce corps céleste est un vestige de la formation des planètes telluriques comme la Terre ; il aurait été créé dans ce secteur proche du Soleil puis aurait ensuite été malencontreusement expulsé dans les contrées froides et lointaines. Après un exil de 4,5 milliards d'années, le voici de retour, sur le lieu de ses origines... Enfin, plutôt qu'un retour, il s'agit d'un passage.

    Les observations de sa surface suggèrent qu'il est rocheux, de type S, soit riche en silicatessilicates comme environ 30 % de ses congénères, dont beaucoup figurent dans la frange interne de la ceinture principale d'astéroïdes.

    « Nous connaissons déjà de nombreux astéroïdes, mais ils ont tous été cuits (et recuits) par des milliards d'années passées près du Soleil, précise Karen Meech, de l'institut d'Astronomie de l'université d'Hawaï et auteure principale de l'étude publiée le 29 avril dans Science Advances. Celui-ci est le premier astéroïde trouvé à ne pas avoir été cuit. Il a été conservé dans le meilleur congélateur qui puisse exister ».


    D’après ses caractéristiques physiques, l’objet C/2014 S3 (Pan-Starrs) est vraisemblablement le vestige d’un bloc protoplanétaire constitutif des planètes rocheuses dans le Système solaire interne. Éjecté, il aurait finalement erré dans le nuage d'Oort durant des milliards d’années avant d’en être délogé et mis sur une trajectoire qui le fait revenir sur ses terres d’origine. © ESO, L. Calçada

    Tester les modèles de structuration du Système solaire

    Certains modèles théoriques prédisent que les corps rocheux et secs équivalents à celui-ci sont un certain nombre parmi la population de comètes du nuage d'Oort (dans des proportions variables d'un modèle à l'autre). Pour les tester, il faudra en débusquer 50 à 100 autres, estiment les chercheurs. « Nous avons découvert la toute première comète rocheuse, et sommes à la recherche d'autres objets de ce type », commente le coauteur OlivierOlivier Hainaut, chercheur à l'ESOESO à Garching. « En fonction de leur nombre, nous pourrons savoir si les planètes géantesplanètes géantes ont parcouru le Système solaire durant leur enfance, ou si elles ont grandi tranquillement, sans se déplacer autant. » L'enquête progresse.