L'astronome Alex Parker aime marier la musique, les animations informatiques et les catalogues de données astronomiques pour représenter les mondes des exoplanètes et des astéroïdes. Il a mis en ligne une superbe animation montrant la structure et la composition chimique de la ceinture principale d'astéroïdes, déduites des observations du Sloan Digital Sky Survey.

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    Le Sloan DigitalDigital Sky Survey (SDSS), qui consiste en plusieurs campagnes d'observations menées depuis l'an 2000 en utilisant un télescope optique de 2,5 mètres de diamètre situé à l'observatoire d'ApacheApache Point, aux États-Unis, a surtout pour but de dresser une carte en 3D des galaxies et des quasars autour de la Voie lactée et de mesurer leurs décalages spectraux. Mais comme l'ont réalisé les chercheurs depuis quelque temps, il a aussi fourni des informations précieuses sur la ceinture principale d’astéroïdes. Les nouvelles données montrent celle-ci sous un nouveau jour. Alors que les astéroïdes dont le diamètre est supérieur à 50 km se répartissent bien selon les prédictions des modèles de formation du Système solaireSystème solaire antérieures aux années 2000, ce n'est plus le cas pour les plus petits, en particulier ceux dont la taille est comprise entre 5 et 20 km.


    Les instruments de la campagne du SDSS comprennent cinq filtres photométriques permettant d'étudier des objets dans cinq bandes spectrales. Les données obtenues peuvent être traduites en couleurs. Elles révèlent la composition chimique de plus de 100.000 astéroïdes de la ceinture principale entre Mars et Jupiter. Sur cette animation, un gradient de composition chimique se dégage, allant des corps formés de matériaux réfractaires à des matériaux plus volatils à mesure que l’éloignement du Soleil augmente, bien qu'une certaine hétérogénéité soit aussi présente. Les trajectoires des planètes principales de Mercure à Jupiter sont représentées, ainsi que les familles des Troyens en orbite autour des points de Lagrange de Jupiter. © Alex Parker

    Les instruments du SDSS permettent de faire des observations dans cinq bandes spectrales. Elles donnent la possibilité de connaître en partie la composition minéralogique de la surface des astéroïdes. Comme l'a montré l'astronomeastronome Alex Parker avec ses collègues il y a quelques années dans un article paru sur arxiv, les données spectrales du SDSS permettent de visualiser des familles d'astéroïdes. Il suffit de leur associer des couleurscouleurs en fonction des observations faites les bandes spectrales.

    Des lacunes de Kirkwood aux familles d'Hirayama

    Or, en étudiant les éléments orbitaux de ces petits corps célestes, comme la distance au SoleilSoleil en unités astronomiquesunités astronomiques, l'excentricitéexcentricité et l'inclinaison par rapport au plan de l'écliptiqueplan de l'écliptique, les astronomes avaient remarqué dès la seconde moitié du XIXe siècle que les astéroïdes ne semblaient pas distribués au hasard. Il y a eu par exemple la découverte par l'astronome Daniel Kirkwood de sortes de division dans la ceinture d'astéroïdes, des zones qui semblaient être peu peuplées et que l'on appelle de nos jours les lacunes de Kirkwood.

    Sur le schéma ci-dessus ont été représentés en abscisse l'excentricité des orbites de certains astéroïdes et en ordonnée le sinus de l'inclinaison de ces orbites par rapport au plan de l'écliptique. Leur distance au Soleil est donnée en unités astronomiques. On la désigne par la lettre a, le demi-grand axe d'une orbite elliptique. Il s'agit cette fois-ci de corps situés dans les parties moyennes (<em>Mid Belt</em>) et externes (<em>Outer Belt</em>) de la ceinture d'astéroïdes. De nouveau, les couleurs montrent de manière flagrante des familles d'astéroïdes partageant une composition minéralogique de surface très similaire. © Alex Parker

    Sur le schéma ci-dessus ont été représentés en abscisse l'excentricité des orbites de certains astéroïdes et en ordonnée le sinus de l'inclinaison de ces orbites par rapport au plan de l'écliptique. Leur distance au Soleil est donnée en unités astronomiques. On la désigne par la lettre a, le demi-grand axe d'une orbite elliptique. Il s'agit cette fois-ci de corps situés dans les parties moyennes (Mid Belt) et externes (Outer Belt) de la ceinture d'astéroïdes. De nouveau, les couleurs montrent de manière flagrante des familles d'astéroïdes partageant une composition minéralogique de surface très similaire. © Alex Parker

    À l'inverse, entre 1918 et 1933, l'astronome japonais Kiyotsugu Hirayama a montré que l'on pouvait rassembler des astéroïdes en familles parce qu'ils possédaient des paramètres orbitaux voisins. Pour lui, elles résultaient de la fragmentation d'un gros astéroïde lors d'une collision avec d'autres, plus petits. Parmi les familles les plus célèbres, citons celles d'Eos, Cybeles, Hildas, Hungaria, Koronis et Phocaea. Il a beaucoup été question voilà quelques années de la famille Baptistina, car les scientifiques pensaient que l'un des corps de cette famille avait été à l'origine de la fameuse extinctionextinction du CrétacéCrétacé-Tertiaire ou extinction K-T (de l'allemand Kreide-Tertiär). Une autre famille bien connue est celle des TroyensTroyens, qui se trouve sur la même orbiteorbite que JupiterJupiter, aux points de Lagrange L4 et L5

    SDSS et familles d'astéroïdes d’Hirayama

    Lorsque ces familles sont représentées par des points dans des graphiques particulièrement en fonction de certains de leurs paramètres orbitaux et qu'elles sont colorées en fonction des observations réalisées dans les bandes spectrales du SDSS, les familles d'astéroïdes apparaissent encore plus clairement et leur parenté minéralogique ne fait que renforcer la thèse d'Hirayama au sujet de leurs origines.

    Alex Parker a eu l'idée récemment de reprendre les données du SDSS concernant plus de 100.000 astéroïdes. Il en a fait une animation en 3D montrant la composition et la structure de la ceinture d'astéroïdes principaleceinture d'astéroïdes principale ainsi que celles des Troyens. Les mouvementsmouvements sont représentés à trois jours d'intervalle. Un gradientgradient chimique se détache clairement, allant de la partie interne à la partie externe de la ceinture, mais on voit aussi que ce gradient n'est pas une règle absolue. Les membres de la famille de Vesta sont représentés en vert et les astéroïdes de classe C en bleu, alors que les Troyens sont en rouge. Rappelons que les objets de classe C sont carbonés et très sombres, témoins de l'origine du Système solaire. Bien que situés surtout dans la partie externe de la ceinture principale, ils ne constituent pas moins de 75 % des astéroïdes. Les objets de classe S (17 % des astéroïdes), eux, sont situés dans la partie interne. Ils sont constitués d'un mélange de ferfer, de magnésiummagnésium, de nickelnickel et de silicatessilicates.

    Bien des découvertes et des surprises nous attendent encore avec l'exploration et l'exploitation des astéroïdes, qui deviendront vitaux pour le développement de l'humanité. L'animation d'Alex Parker pourrait bien être aussi un jour l'ancêtre d'un équivalent du Catlin Seaview Survey pour la ceinture d'astéroïdes, réalisé par des sondes robotisées de Google vers le milieu du XXIe siècle.