Les astronomes pensaient que les vallées qu’ils observent à la surface de Mars avaient été façonnées par des rivières coulant là il y a 3,8 milliards d’années. Mais de nouveaux travaux suggèrent finalement qu’elles sont, pour beaucoup, l’œuvre de glaciers.


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    Par le passé, Mars était une planète chaude et humide. À la surface de laquelle de l'eau liquide devait couler librement. C'est l'hypothèse admise par les astronomesastronomes depuis une quarantaine d'années déjà. Pourtant des chercheurs de l’université de Colombie-Britannique (Canada) avancent aujourd'hui que les vallées observées sur la Planète rouge n'ont pas aussi largement été creusées par un réseau de rivières. Mais plutôt par une eau ruisselant sous de vastes glaciersglaciers.

    Ce sont les similitudes frappantes qu'ils ont observées entre de nombreuses vallées martiennes et les canaux sous-glaciaires de l'île Devon, dans l'ArctiqueArctique canadien, qui ont mis la puce à l'oreille des chercheurs. Car, lorsqu'elles sont formées par des rivières, par des glaciers ou par d'autres processus, les vallées présentent des caractéristiques distinctes.

    Au total, ce sont plus de 10.000 vallées martiennes que les chercheurs ont passées au crible d'un algorithme. Avec pour objectif de remonter aux processus d’érosion sous-jacents. Une méthode que les chercheurs qualifient eux-mêmes de « révolutionnaire ». « Nos résultats montrent que seule une fraction des vallées - 14 réseaux sur 66, plutôt dans des régions anciennes de Mars - correspond aux modèles typiques de l'érosion par des eaux de surface », remarque Mark Jellinek, chercheur à l'université de Colombie-Britannique, dans un communiqué. « Ils révèlent en revanche une érosion sous-glaciaire étendue - 22 réseaux, plus 9 formés directement par les glaciers -, provoquée par le drainagedrainage canalisé des eaux de fonte sous une ancienne calotte glaciairecalotte glaciaire sur Mars. »

    Le réseau des vallées martiennes a été observé pour la première fois par Mariner 9, en 1972. Ces vallées ont rapidement été vues comme une preuve que de l’eau liquide avait pu couler sur Mars. Ici, Warrego Valles. © Nasa, JPL-Caltech, <em>Arizona State University</em>
    Le réseau des vallées martiennes a été observé pour la première fois par Mariner 9, en 1972. Ces vallées ont rapidement été vues comme une preuve que de l’eau liquide avait pu couler sur Mars. Ici, Warrego Valles. © Nasa, JPL-Caltech, Arizona State University

    Une bonne nouvelle pour la vie ?

    Cette nouvelle théorie permet d'expliquer comment les vallées martiennes se sont formées il y a 3,8 milliards d'années, sur une planète plus éloignée du Soleil que notre Terre. La modélisation du climatclimat martien oriente en effet à cette époque vers un climat plus froid.

    Et selon les chercheurs, le nouvel environnement envisagé permettrait également de meilleures conditions de survie pour une possible vie ancienne sur Mars. Une calotte glaciaire, en effet, offrirait plus de protection et de stabilité à l'eau sous-jacente. En l'absence d'un champ magnétique - que Mars a perdu il y a des milliards d'années -, cette glace aurait également pu fournir à la vie, un abri contre les rayonnements solairesrayonnements solaires.

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    Les chercheurs envisagent désormais d'appliquer aussi cette méthode à notre propre Planète. « Pour explorer l'avancée et le retrait des calottes glaciaires jusqu'à au moins 35 millions d'années dans le passé, aux débuts de l'AntarctiqueAntarctique », précise Mark Jellinek. Soit bien avant l'âge des carottes de glace les plus anciennes.


    Les rivières de Mars ont bien coulé... mais se sont asséchées très vite

    Il y a quatre milliards d'années, un vaste réseau de rivières parcourait le sol martien, alimentant d'anciens cratères de météorites et formant ainsi de nombreux lacs. C'est ce que vient de démontrer une équipe de scientifiques après l'analyse des images récoltées par trois missions différentes.

    Article de Jean Etienne paru le 26/09/2008

    Vue de la région de <em>Xanthe Terra</em> dans les hautes terres martiennes enregistrée durant l’orbite 905 de la sonde européenne Mars Express le 3 octobre 2004. Deux vallées se rejoignent et se poursuivent vers le nord, tout en devenant plus étroites. © Esa
    Vue de la région de Xanthe Terra dans les hautes terres martiennes enregistrée durant l’orbite 905 de la sonde européenne Mars Express le 3 octobre 2004. Deux vallées se rejoignent et se poursuivent vers le nord, tout en devenant plus étroites. © Esa

    Une équipe de recherches internationale conduite par Ernst Hauber du German Aerospace Center (DLR), a entrepris l'analyse des dernières images de la surface de la Planète rouge transmises par trois missions différentes, afin d'en réaliser la synthèse. Ces données proviennent de l'instrument HRSC (German High-Resolution Stereo Camera) installé à bord de la sonde européenne Mars ExpressMars Express, du système d'imagerie MOC (Mars OrbiterOrbiter Camera) de la sonde américaine Mars Global Surveyor et de l'instrument HiRise équipant la sonde de la NasaNasa MRO (Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter). Leurs résultats et conclusions seront publiés dans les jours prochains dans le magazine scientifique Planetary and Space Science.

    Opéré par la DLR, le HRSC fournit la représentation en haute résolutionrésolution et en trois dimensions de vastes zones de terrain contiguës. Des modèles numériquesmodèles numériques peuvent en être obtenus et une topographie précise peut en être calculée, prenant en compte non seulement le relief, mais aussi l'inclinaison générale des surfaces. L'instrument HiRise permet de scruter avec un plus grand luxe de détails des parties sélectionnées dans ces zones, avec un pouvoir de résolution de l'ordre du mètre. Pour cette étude, la région de Xanthe TerraTerra (aussi connue sous le nom des Hautes Terres de Xanthe) a tout spécialement retenu l'attention des chercheurs.

    Une hypothèse devenue quasi-certitude

    Déjà, les scientifiques suspectaient certaines vallées sinueuses d'avoir charrié d'énormes quantités d'eau dans le passé. Mais la mise en évidence, et surtout la disposition des alluvions le long de ces parcours viennent confirmer l'hypothèse, qui ne fait pratiquement plus aucun doute dans l'esprit des chercheurs.

    Cette image d’environ un kilomètre de base prise par l’instrument HiRise à bord de <em>Mars Reconnaissance Orbiter</em> de la Nasa montre un écoulement en delta formé par la rivière Nanedi dans le fond d’un cratère anonyme des Hautes terres de Xanthe. Les couches d’alluvions horizontales empilées sont épaisses de seulement quelques mètres chacune. Le reste de la surface est maintenant caractérisé par des dunes sculptées par le vent martien. Crédit Nasa
    Cette image d’environ un kilomètre de base prise par l’instrument HiRise à bord de Mars Reconnaissance Orbiter de la Nasa montre un écoulement en delta formé par la rivière Nanedi dans le fond d’un cratère anonyme des Hautes terres de Xanthe. Les couches d’alluvions horizontales empilées sont épaisses de seulement quelques mètres chacune. Le reste de la surface est maintenant caractérisé par des dunes sculptées par le vent martien. Crédit Nasa
    Détail de l'image précédente.
    Détail de l'image précédente.

    Le sens d'écoulement des fleuves se faisait bien de la partie la plus élevée vers la plus basse ainsi que le démontrent les dépôts. Cela semble évident mais cette constatation est capitale afin d'éliminer d'autres hypothèses qui pourraient expliquer la formation de ces dispositifs de surface, par tectonique notamment. Les fleuves transportaient les matériaux érodés vers l'aval, et lorsque leur débitdébit se réduisait en ne fournissant plus assez d'énergieénergie pour les maintenir en suspension, les déposaient sous forme d'alluvions.

    Cela se produisait notamment lorsque la rivière traversait un large bassin, tel un cratère ou une vaste dépression et où le débit chute presque à zéro. Dans ce cas, de vastes dépôts d'alluvions s'accumulaient, qui sont toujours visibles aujourd'hui.

    Différents cas peuvent se produire. Si le bassin est rempli d'eau en permanence, les rivières forment des deltasdeltas à leur embouchure, où des dépôts sédimentaires sont observés. Mais s'il est la plupart du temps à sec, comme dans les zones désertiques, l'eau s'y engouffre à travers le rempart s'il s'agit d'un cratère, et s'infiltre en sous-sol. L'étude de ces caractéristiques permet ainsi de déterminer s'il y avait ou non des lacs sur Mars, et où.

    Nanedi Valley, dans les hautes terres de Xanthe, s’ouvre dans un cratère d’impact d’environ cinq kilomètres de diamètre. Les dépôts d’alluvions qui y sont nettement visibles attestent un âge de 3,8 à 4 milliards d’années.  Les scientifiques pensent que ce cratère pourrait avoir été entièrement rempli d’eau et qu’une partie de ses remparts, à droite de l’image, n’aurait pas résisté à la pression et se serait effondrée, permettant à l’eau de s’écouler vers le nord par une plus petite vallée. Crédit : Nasa/<em>Mars Reconnaissance Orbiter</em>
    Nanedi Valley, dans les hautes terres de Xanthe, s’ouvre dans un cratère d’impact d’environ cinq kilomètres de diamètre. Les dépôts d’alluvions qui y sont nettement visibles attestent un âge de 3,8 à 4 milliards d’années.  Les scientifiques pensent que ce cratère pourrait avoir été entièrement rempli d’eau et qu’une partie de ses remparts, à droite de l’image, n’aurait pas résisté à la pression et se serait effondrée, permettant à l’eau de s’écouler vers le nord par une plus petite vallée. Crédit : Nasa/Mars Reconnaissance Orbiter
    Détail de l'image précédente, montrant la section de rempart effondrée.
    Détail de l'image précédente, montrant la section de rempart effondrée.

    Les chercheurs peuvent aussi déterminer l'époque à laquelle cette eau a coulé en surface. Pour cela, ils analysent la distribution statistique des cratères d'impact de différentes tailles. Plus il y a de cratères, et plus le terrain est ancien. Leur examen en tenant compte de leur âge et des traces d'érosion par l'eau a permis d'établir que les rivières ont coulé voici 3,8 à 4 milliards d'années.

    La formation des vallées pourrait avoir été assez rapide. Maarten Kleinhans de l'université d'Utrecht (Pays-Bas), co-auteur de l'étude, estime que selon le volumevolume d'eau, les dépôts d'alluvions pourraient s'être formés en une période comprise entre quelques décennies et quelques millénaires, et que même si le débit avait été faible, les deltas observés n'auraient pas mis plus de 100.000 ans pour présenter leur aspect actuel. Par rapport à d'autres calendriers géologiques, particulièrement en géologiegéologie planétaire, il s'agit d'une très courte duréedurée.

    Il a plu très tôt sur Mars

    Ainsi, les précipitationsprécipitations se sont produites très tôt dans l'histoire martienne. Les eaux ont abondamment circulé en surface, et il s'agit d'une des conclusions les plus importantes du rapport : « ce n'était réellement pas évident à démontrer : pendant longtemps, les scientifiques avaient essayé de déterminer si les vallées martiennes avaient été constituées par infiltration d'eaux souterraines et érosion puis effondrementeffondrement du sous-sol, ou par des eaux de surface provenant des précipitations ou de la fonte des glaces, explique Ernst Hauber. Nos résultats se dirigent actuellement dans les deux directions et nous sommes convaincus que les deux processus ont joué un rôle majeur, notamment dans Xanthe Terra, une des zones les plus caractéristiques ».

    Cependant, cette situation n'a pas duré très longtemps. Les précipitations se sont progressivement réduites voici 3,5 à 3,8 milliards d'années et les sources se sont taries, provoquant l'assèchement des vallées et de la surface de la planète. En l'absence presque totale d'érosion, les dépôts se sont conservés jusqu'à nos jours. Aujourd'hui, Mars est une planète sèche et désertique, et l'eau ne traverse plus ses vallées...