Stephen Hawking nous a quittés il y a maintenant cinq ans, nous ne saurons donc pas ce qu'il aurait pensé d'une intéressante théorie publiée qui semble étendre la notion de rayonnement quantique d'un trou noir à des objets massifs qui ne sont pas des trous noirs. Elle suggère que même des naines blanches finiraient par s'évaporer quantiquement dans un Univers en expansion pour l'éternité.


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    Au milieu des années 1970, la publication par Stephen Hawking de sa découverte du rayonnement quantique des trous noirs conduisant à leur évaporation a fait l'effet d'une bombe. Rapidement, Hawking allait montrer aussi que ce rayonnement conduisait à un paradoxe puisqu'il contredisait un théorème fondamental de la théorie quantique, théorie qui avait pourtant été utilisée pour prédire ce que l'on appelle de nos jours le rayonnement ou encore la radiation Hawking.

    Il s'agit de ce que l'on appelle le paradoxe de l’information et il est étroitement lié à la présence d'un horizon des événements pour les trous noirs, c'est-à-dire l'existence d'une limite que l'on peut décrire comme une sorte de membrane fermée qui ne peut être traversée que dans un seul sens pour entrer dans la région enveloppée par cette membrane. Pour en sortir, il faudrait pouvoir dépasser la vitesse de la lumière ce qui contredit la théorie de la relativité... sauf sous la forme du rayonnement Hawking.

    Pour la petite histoire, Richard Feynman avait découvert ce rayonnement un an avant Hawking. Mais il avait sans doute trouvé le phénomène tellement évident et facile à démontrer par le calcul qu'il n'avait pas trouvé nécessaire de publier un article à ce sujet. Tout comme dans le cas de la découverte de l'instabilité des étoiles géantes en relativité générale, Feynman avait signé le « Livre d'or » avant tout le monde.


    Dans cette vidéo, Jean-Pierre Luminet nous parle de l'évaporation des trous noirs due au rayonnement de Hawking. Cette évaporation induit une énigme connue sous le nom de paradoxe de l'information avec la physique des trous noirs. © Du Big Bang au vivant

    Un rayonnement quantique thermique en raison de la présence d'un horizon des événements

    Les calculs de Hawking montraient que la région juste au-dessus de cet horizon se comportait en pratique comme l'équivalent de la surface d'une étoile mais brillant avec un rayonnement de corps noircorps noir parfait et dont la température est inversement proportionnelle à la massemasse du trou noir décrit par la présence de l'horizon des événements. Un rayonnement de corps noir étant très désordonné, tout objet pénétrant dans un trou noir verrait sa masse et son énergieénergie un jour totalement éjectées d'un trou noir par rayonnement Hawking, mais avec une perte totale de l'information initialement injectée dans le trou noir.

    On peut montrer que les trous noirs stellairestrous noirs stellaires et ceux au cœur des galaxiesgalaxies sont encore trop froids pour s'évaporer et au contraire, ils absorbent le rayonnement fossilerayonnement fossile qui est plus chaud qu'eux (Un jour, le rayonnement fossile se refroidissant encore plus du fait de l'expansion de l'espace, cela changera) de la même manière qu'un glaçon absorbe la chaleurchaleur d'un verre d'eau à température ambiante et pas l'inverse, en accord avec les lois de la thermodynamiquethermodynamique, le troisième pilier de la physiquephysique avec la mécanique quantiquemécanique quantique et la théorie de la relativité.

    La présence d'un horizon des événements est indispensable pour avoir un trou noir et peut sembler l'être tout autant pour l'existence du rayonnement quantique d'un trou noir sous sa forme la plus simple, le trou noir de Schwarzschild sans rotation contrairement au trou noir de Kerrtrou noir de Kerr. Mais, selon un article aujourd'hui publié dans Physical Review Letters et dont une version est en libre accès sur arXiv, la production de particules par effet quantique serait aussi universelle que la gravitationgravitation et pour une bonne raison, puisqu'elle en serait le produit et pas nécessairement en raison de l'existence d'un horizon des événements.

    C'est en effet la thèse que soutiennent Michael Wondrak, Walter van Suijlekom et Heino Falcke de l'Université Radboud aux Pays-Bas.


    Heino Falcke est une figure centrale dans la collaboration Event Horizon Telescope qui a fourni pour la première fois des observations de ce qui semble bien être l'ombre de l'horizon de trous noirs. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Radboud University

    Les trois chercheurs ont revisité la description quantique simple qui est souvent donnée pour expliquer l'origine du rayonnement Hawking et sur cette base ils ont découvert un nouveau type de rayonnement qui ne repose que sur l'existence de force de maréeforce de marée à l'extérieur d'un corps massif. Le rayonnement obtenu est similaire à celui de Hawking, mais il n'est pas encore parfaitement clair s'il en est une généralisation ou un phénomène nouveau qui s'ajouterait à celui de Hawking propre aux trous noirs.

    Les premiers calculs ne semblent pas montrer un spectrespectre de corps noir et comme ils ne font pas intervenir l'horizon des événements, ils ne semblent pas non plus conduire au paradoxe de l'information.

    Regardons de plus près de quoi il en retourne.

    Un effet Schwinger gravitationnel en plus d'un effet Hawking ?

    La théorie quantique nous dit que dans tous les champs quantiques de la physique des particules il existe des fluctuations conduisant temporairement à l'apparition de paires de particules et d'antiparticulesantiparticules, des paires d |6888d4fbb4737afda676670329b0a957|-positronpositron par exemple. D'ordinaire, ces créations de particules qui violent la conservation de l'énergie sont temporaires car les deux particules s'annihilent l'une l'autre très rapidement.

    Proche de l'horizon, les deux particules ont tendance à se séparer sous l'effet des forces de marée et ce faisant les forces de marée produisent un travail qui fournit de l'énergie en mesure de créer ces particules sans violation temporaire de la conservation de l'énergie. Parfois, une de ces particules (de matièrematière ou d'antimatièreantimatière, cela n'a pas d'importance) traverse l'horizon. On peut montrer que pour un observateur extérieur cela revient à ajouter une masse négative dans le trou noir alors qu'une particule de masse positive s'éloigne en direction de l'infini.

    Le bilan total est une masse du trou noir qui décroît et un rayonnement observé en provenance de la région juste au-dessus de l'horizon.

    Sur ce schéma, on voit que la création de particules par le champ de gravitation d'un objet se produit dans une région étendue de l'espace, la probabilité de capture des particules produites (représentée en bleue sur un disque) diminuant avec la distance à l'objet. Ici, on voit le cas d'un trou noir avec une distance donnée en fonction du fameux rayon de Schwarzschild R<sub>s</sub> = 2GM où M est la masse du trou noir en unités avec la vitesse de la lumière égale à 1. La région de production maximale de particules se trouve à (3/2)R<sub>s</sub>, c'est-à-dire le rayon limite pour un faisceau de lumière en orbite autour du trou noir, orbite instable par ailleurs. © <em>Radboud University</em><br> 
    Sur ce schéma, on voit que la création de particules par le champ de gravitation d'un objet se produit dans une région étendue de l'espace, la probabilité de capture des particules produites (représentée en bleue sur un disque) diminuant avec la distance à l'objet. Ici, on voit le cas d'un trou noir avec une distance donnée en fonction du fameux rayon de Schwarzschild Rs = 2GM où M est la masse du trou noir en unités avec la vitesse de la lumière égale à 1. La région de production maximale de particules se trouve à (3/2)Rs, c'est-à-dire le rayon limite pour un faisceau de lumière en orbite autour du trou noir, orbite instable par ailleurs. © Radboud University
     

    En fait, il existe un processus analogue avec des paires de particules chargées. Si on plonge une région vide dans un champ électriquechamp électrique suffisamment intense, une paire électron-positron va être extraite des fluctuations des champs quantiques et devenir réelle sans avoir le temps de disparaître par annihilation. C'est ce que l'on appelle l'effet Schwinger (p. 96) du nom du prix Nobel de Physique qui en a fait la découverte.

    C’est un lieu commun depuis des décennies d’invoquer un analogue de l’effet Schwinger en remplaçant le champ électrique par le champ de gravitation d’un trou noir pour rendre plus intuitif l’origine de l’effet Hawking.

    Michael Wondrak, Walter van Suijlekom et Heino Falcke ont simplement revisité ce que l'on pourrait appeler l'effet Schwinger gravitationnel avec des calculs plus développés et c'est de cette façon qu'ils se sont rendu compte qu'en fait un rayonnement quantique de particule devait se produire sur une région assez vaste entourant un objet massif, qu'il existe ou pas un horizon.

    Pour les chercheurs, leurs calculs et raisonnement suggèrent aussi qu'il pourrait se produire un phénomène d'évaporation de sorte que des cadavres d'étoiles comme les naines blanchesnaines blanches ou les étoiles à neutronsétoiles à neutrons avec de fortes forces de marée devraient aussi finir par s'évaporer dans le futur de l'UniversUnivers observable, en fait tout corps avec un champ de gravitation si on attend suffisamment longtemps.