Une nouvelle étude des fragments d'une espèce rare de météorite confirme ce dont on se doutait. Des planétésimaux partiellement fondus et générant des champs magnétiques à la façon du cœur de la Terre se sont formés au tout début de la naissance du Système solaire. Il faudra probablement revoir un peu l'histoire de cette naissance à la suite de cette découverte.


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    Le programme Apollo a permis à la cosmogonie du Système solaire de faire d'immenses progrès au cours des 50 dernières années, aidé par les avancées dans le domaine des méthodes de la cosmochimie et la montée en puissance des ordinateursordinateurs pour effectuer des simulations. Nous disposons également des observations concernant les disques protoplanétaires où naissent des exoplanètes pour faire de la cosmogonie comparée avec la naissance des autres systèmes planétaires dans la Voie lactée.


    La formation du Système solaire et les météorites. © Chaîne IPGP

    De la pierre aux planètes

    Mais l'analyse des météorites trouvées sur Terre est toujours une source précieuse de connaissances et elle pose sans cesse des contraintes sur l'histoire primitive du Système solaire, forçant astronomesastronomes et planétologues à affiner leurs modèles. Les surprises sont au rendez-vous et on en aura sans doute bien d'autres le jour où des centaines de missions analyseront in situ des astéroïdesastéroïdes de la fameuse ceinture principale entre Mars et JupiterJupiter, sans parler également des comètescomètes. À cet égard, on peut espérer que des missions comme Hayabusa 2 et Rosetta ne sont que des premiers pas qui préfigurent ceux à venir au cours du XXIe siècle, en particulier si l’exploitation des astéroïdes se concrétise vraiment.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO (Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes) est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Ideas in Science

    En attendant, des chercheurs comme Benjamin Weiss et Clara Maurel, en poste au Department of Earth, Atmospheric, and Planetary Sciences (EAPS) du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), viennent de publier un article dans Science Advances où ils exposent avec leurs collègues d'autres universités les derniers résultats de leurs recherches concernant des météorites assez rares connues sous le nom d'octaédriques en ferfer de type IIE.

    Elles ont été étudiées par ces chercheurs avec les faisceaux de lumièrelumière du Lawrence Berkeley National Laboratory et son Advanced Light Source, qui produit des rayons Xrayons X interagissant avec des grains minérauxminéraux à l'échelle nanométrique, de manière à révéler la direction de champs magnétiqueschamps magnétiques fossilisés préservée par ces minéraux. Benjamin Weiss s'intéresse aux champs magnétiques rémanentsrémanents dont la mémoire est conservée par les météorites depuis longtemps, comme en atteste le précédent article que Futura avait consacré aux travaux de ce chercheur ci-dessous.

    Un échantillon de la météorite de Weekeroo Station, une octaédrique en fer de type IIE. Exposition au <em>Center for Meteorite Studies</em>, <em>Arizona State University</em>, Tempe, Arizona, USA. © Daderot, DP
    Un échantillon de la météorite de Weekeroo Station, une octaédrique en fer de type IIE. Exposition au Center for Meteorite Studies, Arizona State University, Tempe, Arizona, USA. © Daderot, DP

    En l'occurrence, les données collectées suggèrent de revoir le scénario de la formation primitive du Système solaire car les météorites étudiées impliquent fortement la présence de champs magnétiques produits par des planétésimaux qui auraient subi une différentiationdifférentiation très similaire à celle de la Terre l'ayant doté d'une croûtecroûte, d'un manteaumanteau et d'un noyau métallique partiellement liquideliquide. Rappelons qu'au moins pour certains astronomes, comme le rappelle dans la vidéo ci-dessus Sean Raymond, les planétésimaux sont des petits corps célestes dont les tailles étaient comprises entre 10 et 1.000 km et qui ont servi de matériaux de constructionconstruction pour les embryonsembryons de planètes puis les planètes au début de la formation du Système solaire.

    Des planétésimaux magnétiques partiellement fondus

    Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut savoir que, d'après les modèles ordinairement considérés de la formation des planètes, la plupart des météorites qui ont atterri sur Terre sont des fragments de planétésimaux et, très généralement, elles se répartissent en deux grandes classes, les chondriteschondrites et les achondritesachondrites. Les météorites les plus primitives sont les chondrites, en particulier celles qui sont carbonées comme la célèbre Allende. Les autres appartiennent clairement à des corps qui se sont différenciés parce qu'ils ont fondu.

    On s'accorde généralement pour expliquer cette fusionfusion par le fait qu'à l'aubeaube de la naissance du SoleilSoleil et des planètes, une supernovasupernova a produit un isotopeisotope radioactif à courte période de l'aluminiumaluminium et l'a injecté dans le nuagenuage protosolaire tout en provoquant son effondrementeffondrement gravitationnel, via la compression de ce nuage amorcée par l'onde de choc de la supernova issue de la mort d'une étoile baptisée Coatlicue.

    On s'accorde généralement pour penser aussi, en raison de l'étude des météorites et des modèles de cosmogonie standard que, soit les planétésimaux n'étaient pas fondus et restaient donc de nature chondritique, soit l'étaient totalement au point de produire du volcanismevolcanisme en surface et de contenir un cœur métallique composé d'un alliagealliage de fer et de nickelnickel. De fait, on trouve parmi les météorites ce qui semble bel et bien être des échantillons refroidis de ces cœurs métalliques, visiblement mis à nu par des collisions destructrices entre planétésimaux.

    Ces diagrammes illustrent comment les météorites IIE contiennent à la fois des inclusions de silicate chondritique et achondritique présentant différents degrés de métamorphisme-différenciation en fonction de la météorite. La météorite Mont Dieu est l'une des moins chauffées et contient des chondrules. Techado et Watson montrent plus de preuves d'altération thermique. Le corps parent des IIE devait être un astéroïde différencié avec des couches enrobant un noyau métallique liquide où se produisait un effet dynamo générant un champ magnétique. © Benjamin P. Weiss and all
    Ces diagrammes illustrent comment les météorites IIE contiennent à la fois des inclusions de silicate chondritique et achondritique présentant différents degrés de métamorphisme-différenciation en fonction de la météorite. La météorite Mont Dieu est l'une des moins chauffées et contient des chondrules. Techado et Watson montrent plus de preuves d'altération thermique. Le corps parent des IIE devait être un astéroïde différencié avec des couches enrobant un noyau métallique liquide où se produisait un effet dynamo générant un champ magnétique. © Benjamin P. Weiss and all

    Pour expliquer ces constatations, et parce que l'on pense que les planétésimaux sont nés rapidement, en quelques millions d'années tout au plus il y a environ 4,5 milliards d'années, on en avait conclu que ceux formés en moins de 1,5 million d'années avaient incorporé beaucoup d'aluminium 26 radioactif. Ceux nés plus tard s'étaient formés dans un disque protoplanétaire largement dépeuplé en cet isotope rapidement désintégré et n'avaient donc pas été chauffés suffisamment pour fondre.

    Il y avait toutefois des indices de l'existence de corps intermédiaire, ce qui implique des modifications des mécanismes et de la chronologie de formation des planétésimaux. Les météorites ferreuses dites octaédriques de type IIE, découvertes dans les années 1960 et dont on a parlé précédemment, en particulier, sont de curieux assemblages de minéraux impliquant des matériaux à la fois chondritique et achondritique mais étaient-elles issues d'un seul type de planétésimaux ? Weiss, Maurel et leurs collègues ont donc voulu comprendre en étudiant de plus près de nombreux échantillons de ces météorites.

    Des poches magnétiques formées par des collisions

    L'équipe de chercheurs a donc découvert grâce aux rayons X que certains grains minéraux de fer-nickel de ces météorites gardaient la mémoire de champ magnétique fossilisés dont les intensités étaient comparables à ceux déterminés sur Terre, à savoir quelques microteslas.

    On peut interpréter toutes ces informations de la manière suivante. Il devait bel et bien exister des planétésimaux partiellement fondus et différenciés, avec une croûte de type chondritique solidesolide entourant l'équivalent du manteau de la Terre constitué d'un matériaumatériau qui va correspondre aux achondrites non métalliques, enrobant lui-même un noyau de fer-nickel liquide où des champs magnétiques prenaient naissance comme sur Terre et à la façon de ce que l'on sait reproduire en laboratoire avec des expériences comme VKS.

    Weiss, Maurel et toujours leurs collègues se sont aussi servis de simulations pour montrer que, lors de collisions, une partie du liquide métallique du noyau de ces planétésimaux pouvait se trouver injecter dans le manteau en formant des poches de métalmétal refroidies, suffisamment pour enregistrer les champs magnétique existant alors -- c'est impossible pour un alliage fer-nickel liquide.

    Les cosmogonistes en concluent que bien des astéroïdes dont l'extérieur est de nature chondritique pourraient en fait être des astéroïdes différenciés qui ont partiellement fondu. Pour vraiment le savoir, il faudrait en étudier beaucoup en sondant leur intérieur. On pourrait alors découvrir que, loin d'être une exception, ce type de planétésimaux était répandu, ce qui changerait la façon de penser la naissance du Système solaire. En fait, on s'en doutait déjà depuis un moment comme le suggérait notamment une précédente étude sur la fameuse météorite Allende.


    Des traces de champs magnétiques fossiles dans les météorites !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 04/11/2008

    Loin d'être des corps indifférenciés, les planétésimaux, à l'origine des planètes, étaient partiellement fondus et possédaient même un champ magnétique, si l'on en croit une récente étude américaine. Un tremblement de terretremblement de terre de plus pour la planétologie, secouée depuis une dizaine d'années par une forte activité sismique dans sa région la plus instable : la formation du système solaire...

    Les météorites sont la mémoire de l'histoire de notre système solaire. Grâce aux techniques d'analyse modernes, comme la spectroscopie de massemasse, il est possible de lire dans les abondances d'isotopes les traces des processus qui ont formé et différencié les corps célestes.

    Jusqu'à présent, on pensait que seuls les corps dont la taille dépassait quelques centaines de kilomètres avaient pu fondre partiellement, sous l'effet de leurs éléments radioactifs et du bombardement météoritique. On expliquait ainsi, à la fois, les météorites ressemblant aux basaltesbasaltes terrestres et celles constituées d'un alliage de fer et de nickel, comparable à celui qui, pense-t-on, forme le noyau externe de notre planète. Lors de chocs entre ces petites planètespetites planètes, qui avaient donc connu une activité volcanique, leurs différentes parties allaient se retrouver en fragments en orbiteorbite autour du Soleil.

    Benjamin Weiss montrant un morceau de la météorite D'Orbigny étudiée. © MIT/Donna Coveney
    Benjamin Weiss montrant un morceau de la météorite D'Orbigny étudiée. © MIT/Donna Coveney

    Des restes de champs magnétiques

    La réalité pourrait bien être bien plus complexe et fascinante si l'on en croit un article publié dans Science par Benjamin Weiss et ses collègues. 

    En analysant à l'aide d'un magnétomètremagnétomètre supraconducteursupraconducteur, sensible aux très faibles champs magnétiques rémanents, des échantillons d'angrite, une achondrite basaltiquebasaltique comme celle dite D'Orbigny, les chercheurs y ont découvert les traces de champs magnétiques fossilisés. Or, d'après les techniques de datation isotopique, les angrites font partie des plus vieux objets du système solaire et affichent un âge de 4,568 milliards d'années.

    Elles ont dû se former au cours des trois premiers millions d'années de notre système planétaire et devaient faire partie de petits corps célestes d'une taille d'environ 160 kilomètres. De façon surprenante, les mesures de paléomagnétismepaléomagnétisme indiquent que ces planétésimaux possédaient un champ magnétique dont l'intensité devait être comprise entre 20 et 40% de celui de la Terre aujourd'hui.

    Pour les chercheurs, ce fait indique que même des planétésimaux devaient être partiellement fondus et recélaient des noyaux liquides composés de fer et de nickel. Ainsi, des dynamosdynamos auto-excitatrices, comme celles que l'on simule sur Terre avec l'expérience VKS, devaient fonctionner dans ces corps qui, loin d'être homogènes, devaient déjà ressembler à de minuscules planètes avec croûte, manteau et noyau.

    Si tel était bien le cas, alors l'image que l'on se fait de l'aube de notre système solaire et de la formation des planètes pourrait bien subir d'importantes modifications dans les années à venir.