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Voici un an, des chercheurs inféraient dans une étude publiée dans Nature et présentée dans l'article en bas de celui-ci que les excès d'isotopes radioactifs du fer (60Fe) trouvés dans des carottescarottes réalisées dans d'anciens fonds marins ont pour origine des supernovæ. La plus récente qui ait laissé des traces pourrait s'être produite il y a environ 2,6 millions d'années.
Le professeur Adrian Melott, de l'université du Kansas, qui a cosigné ces recherches en 2016, est revenu récemment sur cette affaire. Avec sa nouvelle équipe, il s'est cette fois intéressé aux conséquences qu'a pu avoir cet évènement sur la vie sur Terre. « La datation n'est pas encore exacte, explique-t-il à Phys.org, mais ce qui a changé et ce qui nous a poussés à faire cette étude, est la distance. » D'après leurs calculs, l'étoile qui a explosé était plutôt à 150 années-lumière qu'à 300, comme cela avait été suggéré précédemment. Le chercheur estime en outre que la distance minimum de « sécurité » entre la Terre et une supernova ne serait pas 25 années-lumière, comme cela avait été avancé dans une étude en 2003, mais presque le double, entre 40 et 50 années-lumière. Ouf ?! Bien sûr, ce n'est pas une coupure nette, fait-il remarquer. C'est graduel et les effets sur notre biosphèrebiosphère dépendent aussi de l'environnement interstellaire...
Les rayons cosmiques ont-ils pu atteindre la Terre ?
Le professeur de physique et d'astronomie rappelle en effet que les rayons cosmiques émis par les supernovæ « aiment voyager le long des lignes de champs magnétiqueschamps magnétiques ». Ils ne les traversent pas. Ce qui veut dire qu'ils peuvent suivre de véritables autoroutes. Fut-ce le cas pour l'évènement qu'ils ont examiné ? Les auteurs ne le pensent pas. La bulle locale dans laquelle nous nous trouvons (le SoleilSoleil et ses planètes), structurée par des supernovae successives, est un « champ magnétique faible et désordonné ».
Aussi, dans cette situation, il est très probable que des hordes de rayons cosmiquesrayons cosmiques se soient frayé un chemin jusqu'à notre petite planètepetite planète... Ce flux ne fut sans doute pas assez fort pour causer une extinction de masseextinction de masse, mais il a pu tout de même affecter les êtres vivants. « [Ils] seraient descendus dans la basse atmosphèreatmosphère et auraient eu un effet sur la troposphèretroposphère », comment Adrian Melott qui compare l'effet des muonsmuons, certes pas les plus abondants, à ceux de plusieurs tomodensitogrammes (en anglais, CT-Scans ; CT pour Computerized Tomography) effectués sur une année. « Votre médecin ne recommanderait pas une tomodensitométrie, à moins que vous en ayez vraiment besoin. »
Image composite de la nébuleuse du Crabe, qui n’est autre que les restes incandescents de la supernova qui a explosé en 1054. © Nasa, ESA, J. DePasquale (STScI)
Quels effets sur les êtres vivants ?
Les conséquences sur les êtres vivants auraient donc pu être des cancerscancers et des mutations. Pour le vérifier, l'équipe a mené des recherches sur des fossilesfossiles datant du pléistocènepléistocène -- la période à laquelle l'évènement a pu se produire -- et provenant d'Afrique. Pourquoi ce continent ? Parce que ce fut le plus géologiquement stable à cette époque. Il y a eu beaucoup de disparition d'espècesespèces à ce moment-là mais peuvent-elles être pour autant liées à la supernova ? « C'est difficile à dire car il existe de nombreux effets concurrents ». Ces extinctions ont pu être induites par des changements climatiques. Ces derniers ne pourraient-ils pas être corrélés ? C'est encore une possibilité. Comme il est évoqué plus bas, les rayons cosmiques peuvent en effet agir sur la formation des nuagesnuages et donc modifier le bilan radiatif de l'atmosphère.
Un autre effet de ces interactions, qui a dû par ailleurs être aussi spectaculaire que redoutable : une lumière bleuelumière bleue envahissant le ciel. Elle a pu durer un mois, estiment les auteurs. Cela peut paraître peu mais c'est suffisant pour gêner un grand nombre d'espèces et modifier leurs comportements. « Une mauvaise chose pour tous les organismes vivants » car cette lueur continuelle perturbe le sommeilsommeil.
Faut-il s’inquiéter ?
Enfin, l'une des conséquences les plus graves d'une pluie de rayons cosmiques d'une supernova située à 150 années-lumière sur l'atmosphère terrestre est, selon leur étude, une augmentation des coups de foudrefoudre... et pour corollaire, le déclenchement d'incendies de forêt. C'est justement ce qui apparaît dans les archives géologiques en Afrique il y a 2,6 millions d'années : une diminution significative de la couverture forestière et une extension des prairies. « Nous pensons qu'il est possible que les rayons cosmiques aient quelque chose à voir avec cela ».
Certes, il n'y a pas eu d'extinction massive mais il est vraisemblable que cette supernova ait semé le trouble sur notre planète bleue.
Doit-on pour autant paniquer ? À cette question récurrente, le chercheur de l'université du Kansas aime à répondre à ceux qui la posent « qu'ils devraient s'inquiéter du réchauffement climatiqueréchauffement climatique et des possibles guerres nucléaires plutôt qu'à ces choses. Il n'y a rien d'assez proche pour provoquer ce genre d'évènement dans un avenir très proche ». Rappelons que l'une des candidates dans notre voisinage galactique n'est autre que la belle Bételgeuse (dans la constellation d'Orionconstellation d'Orion). Rien à craindre (ce sera un beau spectacle astronomique) : elle est à quelque 600 années-lumière de nous.
La Terre frappée par des pluies radioactives issues de supernovae
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 09/04/2016
Des quantités anormales d'un isotope radioactif du fer dans les sédimentssédiments marins ont révélé la chute de poussières radioactives sur Terre au cours des dix derniers millions d'années. Elles proviendraient de l'explosion de deux supernovaesupernovae, situées à environ 300 années-lumière du Soleil.
Les forages océaniques profonds au cours des années 1960 et 1970 ont révolutionné les sciences de la Terre en permettant de fouiller dans ses archives géologiques au fond des océans. Ils se poursuivent encore de nos jours et continuent à nous apporter de précieux renseignements non seulement sur l'histoire mais aussi le fonctionnement de notre Planète. Il semble maintenant que les sédiments gardent la mémoire de ce qui s'est également passé dans la Voie lactée, à des centaines d'années-lumière.
En effet, déjà en 1999, un groupe de chercheurs allemands avaient constaté une étonnante anomalieanomalie géochimique dans des carottes prélevées au fond de l'océan Pacifique. Elles étaient beaucoup trop riches en un des isotopes radioactifs du fer. Baptisé 60Fe, cet isotope fait partie des noyaux synthétisés par des explosions de supernovae. Sa demi-viedemi-vie est de seulement 2,6 millions d'années, de sorte que les noyaux de ce type qui se seraient trouvés incorporés à la Terre ou dans des météoritesmétéorites au moment de la formation du Système solaireSystème solaire (qui a été déclenchée par une supernova) ne sont plus décelables aujourd'hui. Les quantités retrouvées, bien que très faibles, semblaient trop grandes pour ne pas provenir d'un événement récent. Pouvait-il s'agir de l'effet de la chute d'un astéroïde ou de processus ayant concentré le fer dans les couches échantillonnées ? Ou fallait-il faire intervenir l'effet d'une supernova proche du Système solaire qui aurait fait pleuvoir sur Terre des poussières nouvellement enrichies en 60Fe ?
Les forages océaniques profonds sont activement réalisés depuis 50 ans environ. Ils ont révolutionné les géosciences. Cette vidéo les présente. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n’est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK » © ScienceMediaNL, YouTube
Des recherches plus approfondies ont rapidement débuté et après 17 années, elles ont conduit deux équipes, l'une menée par Dieter Breitschwerdt à l'Institut de Technologie de Berlin, et l'autre par Anton Wallner de l'Université nationale australienne, à en faire le bilan avec deux publications dans le journal Nature. Des abondances 40 fois plus élevées que celles trouvées en moyenne dans les roches ont été mises en évidence aussi bien dans des échantillons (120) provenant du fond de l'Atlantique que du Pacifique et de l'océan Indien. Cela ne peut pas être dû à un processus de concentration local ou à l'impact d'un gros astéroïdeastéroïde selon les chercheurs. L'hypothèse de l'influence d'une supernova s'impose donc.
Deux supernovae à environ 300 années-lumière de la Terre
Or, des datations précises et des mesures de concentrations qui le sont tout autant, indiquent deux pics marqués d'apports de 60Fe. Le premier, il y a de 1,5 à 3,2 millions d'années, et le second, de 6,5 à 8,7 millions d'années. Il faut donc faire intervenir deux supernovae dans la banlieue proche du Soleil au cours des derniers 10 millions d'années.
Remarquablement, il est possible de relier ces supernovae à ce que l'on sait de cette banlieue (notamment avec l'existence de la fameuse Bulle locale)) et l'on trouve qu'elles ont dû se produire dans l'association Scorpion-Centaure, une association de centaines de jeunes étoiles de type OB qui est la plus proche du Soleil. Les étoiles qui ont explosé devaient se trouver à des distances comprises entre 290 et 325 années-lumière. Chacune des étoiles qui sont devenues des supernovae devait contenir environ 9 masses solaires. Vues de la Terre, les explosions devaient être aussi lumineuses que la Pleine LunePleine Lune. Elles étaient cependant trop lointaines et trop peu puissantes pour que les divers rayonnements produits aient significativement affecté la biosphère, ce qui aurait été le cas s'il s'agissait de sursauts gamma. Il semble qu'elles aient également laissé leurs traces sous forme de 60Fe dans les échantillons lunaires rapportés par les missions ApolloApollo.
Mais les chercheurs pointent du doigt une étrange coïncidence qui ne l'est peut-être pas. On sait que les rayons cosmiques peuvent influencer la formation de la couverture nuageuse et donc le bilan radiatif de l'atmosphère de la Terre. Une augmentation du flux de rayonnement cosmique pourrait donc bien refroidir le climatclimat à défaut d'influer directement sur les cellules vivantes. Or justement, la supernova la plus récente s'est précisément produite vers le début du Pléistocène, particulièrement marqué par des glaciationsglaciations. On ne peut donc s'empêcher de faire quelques spéculations.