Cela faisait plus de dix ans que les astronomes attendaient ça. De pouvoir lever le voile derrière lequel se cachait une exoplanète mystérieuse. Grâce au télescope spatial James-Webb, c’est désormais chose faite.


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    Certains la qualifient de super-Terresuper-Terre. D'autres de mini-NeptuneNeptune. Ce qui est acquis, c'est que Gliese 1214 b (GJ 1214 b) est une exoplanète située à quelque 40 années-lumière de notre Système solaire. Le télescope spatial Hubble l'avait vue comme une planète largement gazeuse dont l'atmosphèreatmosphère pourrait contenir une grande quantité d'eau. Et le télescope spatial James-Webb (JWST) vient tout juste d'apporter quelques précisions à son sujet.

    Une équipe dirigée par des chercheurs de l’université du Maryland (États-Unis) a en effet suivi GJ 1214 b presque sur une orbite entière autour de son étoileétoile - soit à peine quelque 40 heures. À l'aide du puissant instrument infrarougeinfrarouge moyen (MiriMiri) du JWST. De quoi leur permettre de voir enfin à travers les nuagesnuages et la brume qui entourent la planète. Pour mesurer comment elle émet de la chaleurchaleur, sur son côté jour et sur son côté nuit.

    Une planète déroutante

    C'est justement le contrastecontraste noté entre le côté jour et le côté nuit - toujours les mêmes pour cette planète dite « verrouillée » - qui fait dire aux astronomesastronomes que l'atmosphère de GJ 1214 b n'est pas principalement composée de moléculesmolécules d'hydrogènehydrogène (H2). Mais plutôt de molécules un peu plus lourdes comme l'eau (H2O) ou le méthane (CH4). De la vapeur d'eau - car GJ 1214 b est trop chaude pour maintenir de l'eau dans son état liquide  -, probablement, estiment les chercheurs. Même s'ils ne peuvent pas en être sûrs à l'heure qu'il est.

    Les astronomes notent aussi que l'exoplanète est plus froide qu'ils l'imaginaient. Le signe que son atmosphère reflète une grande partie de la lumière de son étoile. « Tout ce qui compose les brumesbrumes ou les nuages de cette planète n'est pas ce à quoi nous nous attendions. C'est brillant, c'est réfléchissant et c'est déroutant et surprenant », commente Eliza Kempton, auteure principale de l'étude dans un communiqué de l’université de Chicago (États-Unis). « Cela va nous orienter vers de nombreuses études supplémentaires pour essayer de comprendre de quoi il pourrait s'agir. »

    Pour essayer de comprendre aussi si, comme ces indices le laissent penser, GJ 1214 b s'est formée à une distance plus lointaine de son hôte naine rouge et qu'elle s'est ensuite rapprochée sur son orbite actuelle. C'est d'autant plus important que les mini-Neptune pourraient constituer la classe la plus courante d'exoplanètes dans notre Voie lactéeVoie lactée.


    La superTerre Gliese 1214 b a une atmosphère riche en eau

    On connaît la massemasse et la taille de l'exoplanète Gliese 1214 b et donc sa densité. C'est bien une superTerre mais on ignore sa vraie nature. Planète rocheusePlanète rocheuse dégazée avec une atmosphère riche en hydrogène ? mini-Neptune ayant migré ? planète océanplanète océan ? Le télescope Subaru vient d'apporter une nouvelle preuve étayant l'hypothèse que son atmosphère est riche en eau.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 08/09/2013

    Vue d'artiste de l'étoile Gliese 1214 observée à l'aide d'un filtre pour la lumière bleue. Sur la droite, le cercle noir révèle la présence d'une superTerre effectuant un transit planétaire. C'est Gliese 1214 b. Les dernières mesures de la composition de l'atmosphère de cette exoplanète avec les instruments du téléscope Subaru sont de nouveau favorables à l'hypothèse qu'elle est riche en vapeur d'eau et pas en hydrogène. © NAOJ
    Vue d'artiste de l'étoile Gliese 1214 observée à l'aide d'un filtre pour la lumière bleue. Sur la droite, le cercle noir révèle la présence d'une superTerre effectuant un transit planétaire. C'est Gliese 1214 b. Les dernières mesures de la composition de l'atmosphère de cette exoplanète avec les instruments du téléscope Subaru sont de nouveau favorables à l'hypothèse qu'elle est riche en vapeur d'eau et pas en hydrogène. © NAOJ

    La composition chimique de l'atmosphère de la superTerre Gliese 1214 b a pu être à nouveau sondée à l'aide du télescope japonais Subaru. Son patronyme lui vient de son étoile, qui porteporte le numéro 1.214 dans le catalogue Gliese-Jahreiss (du nom des astronomes Wilhelm Gliese et Hartmut Jahreiss) qui tente de lister toutes les étoiles situées à moins de 25 parsecsparsecs de la Terre.

    Depuis 2009, on sait qu'une superTerre est en orbite autour de cette étoile. Baptisée GJ 1214 b, elle présente un rayon d'environ 2,6 fois celui de la Terre et elle est à peu près 6,5 fois plus massive. Sa découverte est due à l'instrument Harps (High Accuracy Radial Velocity Planet Searcher), un spectromètrespectromètre équipant le télescope de 3,6 mètres de l'ESOESO au Chili, à l'origine d'autres trouvailles, comme celles réalisées autour de Gliese 581.

    Cette fois, les astrophysiciensastrophysiciens ont étudié Gliese 1214 b en utilisant la méthode du transit planétaire alors que Harps exploite celle des vitessesvitesses radiales. Pour cela, ils se sont servis de deux instruments observant dans le visible et équipé d'un filtre bleu, la Suprime-Cam et le Faint Object Camera and Spectrograph (Focas) équipant le télescope Subaru.

    Sur ces schémas, on voit le principe de l'effet de la diffusion Rayleigh sur la lumière d'une étoile traversant l'atmosphère d'une exoplanète. En haut, elle est supposée riche en hydrogène qui diffuse donc fortement la couleur bleue, laissant donc passer une lumière tirant vers le rouge (par manque de bleu). Au milieu, la diffusion ne se produit pas car l'atmosphère est constituée essentiellement de vapeur d'eau. En bas, il n'y a pas de diffusion Rayleigh malgré la présence d'hydrogène parce qu'il existe une importante couverture nuageuse. © NAOG
    Sur ces schémas, on voit le principe de l'effet de la diffusion Rayleigh sur la lumière d'une étoile traversant l'atmosphère d'une exoplanète. En haut, elle est supposée riche en hydrogène qui diffuse donc fortement la couleur bleue, laissant donc passer une lumière tirant vers le rouge (par manque de bleu). Au milieu, la diffusion ne se produit pas car l'atmosphère est constituée essentiellement de vapeur d'eau. En bas, il n'y a pas de diffusion Rayleigh malgré la présence d'hydrogène parce qu'il existe une importante couverture nuageuse. © NAOG

    La diffusion Rayleigh, une clé des atmosphères des exoplanètes

    Afin de poser des contraintes sur la composition chimique de la superTerre, ils sont partis à la chasse de traces de diffusiondiffusion Rayleigh forte dans la lumière traversant l'atmosphère de Gliese 1214 b lorsqu'elle transite devant son étoile hôte.

    Rappelons que la diffusion de Rayleigh est due aux molécules gazeuses présentes dans l'atmosphère (O2, N2, CO2, vapeur d'eau, etc.) ou aux fines particules de poussière. Elle se produit lorsque la taille des molécules diffusantes est très inférieure à la longueur d'ondelongueur d'onde du rayonnement.

    Comme l'intensité de la lumière diffusée est inversement proportionnelle à la puissance 4 de la longueur d'onde du rayonnement incident, elle se produit surtout pour les longueurs d'onde les plus courtes du spectrespectre. Cela explique en partie la couleurcouleur bleue du ciel pendant la journée. La diffusion de Rayleigh tire son nom du prix Nobel de physiquephysique John William Strutt, troisième baron Rayleigh, plus connu sous son titre Lord Rayleigh, qui a beaucoup travaillé sur les phénomènes ondulatoires.

    Probablement pas d'hydrogène dans l'atmosphère de Gliese 1214 b

    Si l'atmosphère d'une exoplanète est principalement composée d'hydrogène, on doit observer, lors du transittransit devant l'étoile, une forte baisse caractéristique de l'intensité de la lumière dans une bande de longueur d'onde associée à la couleur bleue. Ce serait la preuve de l'existence d'une forte diffusion Rayleigh associée à l'hydrogène. En revanche, si l'atmosphère est riche en eau ou s'il existe une couverture nuageuse importante, on ne doit pas observer de diffusion Rayleigh forte.

    Or, comme l'explique l'article que les astrophysiciens ont déposé sur arxiv, aucune trace significative de diffusion Rayleigh n'a été détectée par les instruments de Subaru. Les chercheurs ne peuvent pas complètement exclure que la superTerre possède tout de même une atmosphère riche en hydrogène mais avec une importante couverture nuageuse. Toutefois, en combinant cette étude avec d'autres réalisées précédemment, il devient de plus en plus probable que Gliese 1214 b ait bien une atmosphère riche en eau.

    On sait cependant que si tel est bien le cas, la température de l'atmosphère de Gliese 1214 b dépassant les 100 °C, il ne peut s'agir d'un monde ressemblant à la Terre. Il faudra peut-être attendre la mise en service de Tess pour en découvrir un...