Vénus a approximativement la taille de la Terre et elle possède une atmosphère avec des nuages. On pouvait donc croire qu'elle devait beaucoup lui ressembler mais sa couverture nuageuse dissimulait un enfer que seul le radar de la mission Magellan avait percé il y a plus de 30 ans, montrant que la surface de Vénus était très volcanique. On se demande depuis si des volcans y font encore éruption de nos jours. Ce serait le cas selon deux chercheurs états-uniens qui apportent une possible preuve. Plusieurs de leurs collègues semblent convaincus.


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    Nul doute que les regrettés Maurice et Katia Krafft, remis sur le devant de la scène l'année dernière avec des documentaires, rêvaient d'admirer les éruptions volcaniques sur Io, la lune de JupiterJupiter. Sans doute aussi, pensaient-ils aussi aux temps où les volcansvolcans martiens et lunaires étaient eux aussi actifs et, après-tout, nous ne sommes pas sûrs que certains d'entre eux ne puissent pas reprendre vie sous les yeuxyeux de l'humanité.

    Il est une autre planète qui les faisait peut-être rêver également et où le volcanismevolcanisme semble avoir été actif encore récemment, au moins à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques sur Terre, et dont on se demande même s'il ne l'est pas encore en ce moment même. Il s'agit bien sûr de VénusVénus, que l'on appelle parfois la sœur de la Terre en raison de sa taille et de sa masse comparables à celles de la Planète bleue.

    La cartographie radar de sa surface par la sonde Magellan au début des années 1990 a en effet montré qu'elle avait un très faible taux de cratérisation et beaucoup de structures volcaniques. Or, depuis les missions lunaires ApolloApollo qui ont permis de ramener des échantillons du sol lunaire et de les dater, on a pu établir une corrélation entre le taux de cratérisation d'un terrain planétaire et son âge, étant attendu que le taux de bombardement par des petits corps célestes est en baisse exponentielle, ou presque, depuis la naissance des planètes il y a environ 4,5 milliards d'années. La surface volcanique de Vénus est donc récente, quelques centaines de millions d'années tout au plus peut-être. Mais peut-être beaucoup moins...


    Un documentaire sur la mission Magellan en 1991. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

    Maat Mons vu par Magellan, un volcan en activité ?

    Ce sont les données radar de Magellan que Robert Herrick, professeur au Fairbanks Geophysical Institute de l'Université d'Alaska, a revisité avec son collègue Scott Hensley, du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa, dans un article de Science. Herrick a également présenté les résultats lors de la 54e conférence sur les sciences lunaires et planétaires à Woodlands, au Texas, ce 15 mars 2023.

    Parce que les données n'étaient pas propices aux méthodes automatisées, Herrick et Hensley ont utilisé leurs expériences de géologuegéologue et géophysicien sur Terre pour consulter les dernières mises en forme et traitements de ces données pour chercher des changements à la surface de Vénus qui se seraient produits entre 1990 et 1992. Ce type de recherche était trop fastidieux avant et c'est pour cela que personne ne s'était lancé dans l'entreprise alors qu'elle est bien plus facile maintenant.

    Les données d'altitude pour la région de Maat et Ozza Mons sur la surface de Vénus sont présentées à gauche, avec la zone d'étude indiquée par la boîte noire. À droite, les observations avant (A) et après (B) de Magellan de l'évent élargi sur Maat Mons, avec la possible mise en place d'une coulée de lave. © Robert Herrick/UAF
    Les données d'altitude pour la région de Maat et Ozza Mons sur la surface de Vénus sont présentées à gauche, avec la zone d'étude indiquée par la boîte noire. À droite, les observations avant (A) et après (B) de Magellan de l'évent élargi sur Maat Mons, avec la possible mise en place d'une coulée de lave. © Robert Herrick/UAF

    Les deux hommes se sont concentrés en particulier sur deux des plus grands volcans de Vénus, Ozza et Maat Mons. Ils pensent avoir démontré que, sur un intervalle d'environ huit mois pendant l'année 1991, alors que Magellan cartographiait plusieurs fois la surface de Vénus, un changement de topographie dû à une éruption volcaniqueéruption volcanique générant une coulée de lavelave se serait produit au niveau de Maat Mons.

    Comme l'explique plus précisément un communiqué de l'Université d'Alaska, Herrick a comparé une image de Magellan de la mi-février 1991 avec une image de la mi-octobre 1991 et a remarqué un changement dans un évent volcanique sur le côté nord d'un volcan bouclier en forme de dôme qui fait partie du volcan Maat Mons.

    L'évent semble avoir passé d'une formation circulaire d'environ 1,5 kilomètre carré à une forme irrégulière d'environ 2,5 kilomètres carrés.

    Reconstitution en trois dimensions du Maat Mons à partir des données radar et altimétriques de la sonde Magellan. L'amplitude des reliefs est exagérée 22,5 fois. © Nasa
    Reconstitution en trois dimensions du Maat Mons à partir des données radar et altimétriques de la sonde Magellan. L'amplitude des reliefs est exagérée 22,5 fois. © Nasa

    En fait, les changements s'interprètent bien en faisant intervenir un remplissage de l'évent par un lac de lave, bien qu'il soit impossible de dire si la dernière image montre un lac refroidi et solidifié ou, toujours au moins partiellement en fusion.

    Herrick et Hensley ne sont pas naïfs et concèdent qu'il pourrait juste s'agir d'un effondrementeffondrement de terrain ayant causé le remplissage de l'évent mais, sur Terre, cela se produit avec un édifice volcanique en raison d'une vidange de magmamagma en surface, donc d'une éruption qui s'est produite quelque part.

    C'est donc pour cette raison que les deux hommes semblent particulièrement confiants dans leur découverte et Herrick va jusqu'à déclarer : « Nous pouvons maintenant dire que Vénus est actuellement volcaniquement active dans le sens où il y a au moins quelques éruptions par an. Nous pouvons nous attendre à ce que les prochaines missions pour Vénus observent de nouveaux événements volcaniques qui se sont produits depuis la fin de la mission Magellan il y a trois décennies, et nous devrions voir une certaine activité se produire pendant que les deux prochaines missions orbitalesorbitales collectent des images ».

    Cette carte globale annotée et simulée par ordinateur de la surface de Vénus est assemblée à partir des données des missions Magellan et Pioneer Venus Orbiter de la NASA. Maat Mons, le volcan qui a montré des signes d'éruption récente, se trouve dans le carré noir près de l'équateur de la planète. © NASA/JPL-Caltech
    Cette carte globale annotée et simulée par ordinateur de la surface de Vénus est assemblée à partir des données des missions Magellan et Pioneer Venus Orbiter de la NASA. Maat Mons, le volcan qui a montré des signes d'éruption récente, se trouve dans le carré noir près de l'équateur de la planète. © NASA/JPL-Caltech

    Un volcanisme vénusien actif encore à confirmer ?

    Ces dernières années plusieurs groupes de chercheurs ont publié des articles au sujet d'indices possibles de l'occurrence de ces éruptions. On peut en voir un exemple avec l'article de Futura précédent ci-dessous écrit en 2012.

    En 2020, un autre indice avait également été avancé et Futura avait demandé à l'époque l'avis de la célèbre planétologue et volcanologuevolcanologue de la Nasa Rosaly Lopes. Nous avions expliqué à ce moment-là qu'en tant que membre de la mission GalileoGalileo autour de Jupiter, elle a été responsable des observations en infrarougeinfrarouge de sa lune volcanique, Io, de 1996 à 2001, y découvrant 71 volcans actifs, un record pour un volcanologue. Elle avait rejoint ensuite la mission Cassini pour étudier en particulier la géologiegéologie et l'habitabilité potentielle de TitanTitan. On lui doit plusieurs livres sur les volcans dont un préfacé par Arthur Clarke.


    Une interview de Rosaly Lopes, planétologue et volcanologue au Jet Propulsion Laboratory. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Solar System

    Voici les commentaires que Rosaly Lopes nous avait donnés en 2020 et qui nous semblent encore pertinents :

    « C'est très excitant ! Nous avons maintenant plusieurs indications que Vénus peut encore être volcaniquement active, ou l'était récemment. Mais nous n'en avons encore aucune preuve indiscutable. Il nous faudrait voir une signature thermique ou un changement de surface.

    Il existait également des indications que IoIo était volcaniquement active avant que Voyager ne découvre ses panaches, et avant que son volcanisme ne soit prédit par Peale et al. dans un article paru quelques semaines avant la rencontre avec Voyager. Avant cela, il y avait eu des observations d'une augmentation de l'émissionémission thermique sur Io et la détection de soufresoufre. Cependant, l'hypothèse de l'existence d'un volcanisme actif sur Io était considérée comme trop spéculative, donc pas acceptée jusqu'à la découverte de Voyager.

    Je pense que nous sommes beaucoup plus proches d'une acceptation d'un volcanisme actif sur Vénus, mais nous devons encore obtenir une preuve indiscutable.

    Espérons qu'une nouvelle mission retournera à Vénus dans un avenir pas trop lointain. »

    En attendant, plusieurs planétologues sont convaincus de la réalité de la découverte d'une activité volcanique en cours sur Vénus comme ils le font savoir sur TwitterTwitter.

     

     


    Une présentation d'une des prochaines missions à destination de Vénus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center

    Des signes d'éruptions sur Vénus vus par Venus Express ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 07/12/2012

    De brusques pics de la teneur en dioxyde de soufre dans la haute atmosphèreatmosphère de l'étoile du bergerétoile du berger observés au cours des années par les sondes Pioneer Venus et Venus ExpressVenus Express pourraient trahir une activité volcanique à la surface de Vénus. Aucune certitude cependant, car il pourrait s'agir de variations décennales propre à l'atmosphère étonnante de Vénus, toujours mal comprise.

    Vénus a été explorée dès les années 1960 par quelques missions américaines du programme Mariner. Mais ce sont les sondes russes du programme VeneraVenera qui aboutiront aux premiers résultats spectaculaires. Venera 4 fit ainsi la première étude in situ de l'atmosphère de Vénus (1967) tandis que Venera 7 réussit le premier atterrissage sur le sol vénusien (1970). Toutefois, il fallut attendre la sonde Venera 13 pour obtenir les premières images spectaculaires des paysages vénusiens au début des années 1980.

    Des vues de la surface de Vénus prises par la sonde Venera 13<em>.</em> Elles montrent une planète dominée par le volcanisme. © Don P. Mitchell
    Des vues de la surface de Vénus prises par la sonde Venera 13. Elles montrent une planète dominée par le volcanisme. © Don P. Mitchell

    D'étranges pics de dioxyde de soufre dans l'atmosphère de Vénus

    La Nasa ne fut pas en reste en lançant les sondes Pioneer 11 et 12 en 1978. La première, plus connue sous le nom de Pioneer Venus Orbiter, a permis de dresser au radar la première carte presque complète de Vénus (93 % de la surface cartographiée). La carte obtenue avait une résolutionrésolution limitée à 1 pixelpixel pour 20 km.

    À Pioneer Venus OrbiterOrbiter succéda la célèbre mission Magellan en 1989. Ses relevés topographiques obtenus à l'aide d'un radar à synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture ont permis de dresser la première carte vraiment précise de la surface de Vénus au début des années 1990. Pioneer Venus Orbiter survécut jusqu'en 1992 alors que sa duréedurée de vie prévue était de 8 mois. Elle a permis d'observer des changements dans l'atmosphère vénusienne pendant des années.

     Sur cette courbe donnant la concentration en dioxyde de soufre de la haute atmosphère de Vénus en fonction du temps, on voit deux pics importants observés à la fin des années 1970 et en 2006. Il pourrait s'agir des conséquences de reprises d'une activité volcanique importante à la surface de Vénus. © E. Marcq <em>et al.</em> (Venus Express), L. Esposito <em>et al.</em>, Esa, AOES
     Sur cette courbe donnant la concentration en dioxyde de soufre de la haute atmosphère de Vénus en fonction du temps, on voit deux pics importants observés à la fin des années 1970 et en 2006. Il pourrait s'agir des conséquences de reprises d'une activité volcanique importante à la surface de Vénus. © E. Marcq et al. (Venus Express), L. Esposito et al., Esa, AOES

    Pioneer Venus a ainsi mesuré, juste après son arrivée, un brusque pic dans la quantité de dioxyde de soufre (SO2) contenue dans la haute atmosphère de Vénus, au-dessus de la couche nuageuse couvrant toute la planète en permanence. Cette quantité a chuté rapidement par la suite, mais un phénomène similaire a été observé par la sonde Venus Express à partir de 2006, comme l'explique un groupe de chercheurs dans un article publié dans Nature Geoscience.

    Des éruptions volcaniques ou l'atmosphère de Vénus ?

    Or, le dioxyde de soufre ne peut pas être présent en quantités importantes dans la haute atmosphère de Vénus, parce qu'il est facilement détruit par les rayons du SoleilSoleil. Il faut donc en conclure qu'à chaque pic constaté, une injection importante de SO2 est intervenue dans la haute atmosphère, à travers la couche nuageuse de Vénus. La première hypothèse qui vient à l'esprit est la reprise d'une forte activité des volcans de Vénus. Cela ajouterait de l'eau au moulin de ceux qui pensent que des éruptions volcaniques se déroulent en ce moment même.

    Il est certain que la surface de Vénus est globalement jeune, avec un âge moyen de quelques centaines de millions d'années tout au plus. En effet, on n'y observe que peu de cratères d'impact. On constate aussi que la surface est caractérisée par un volcanisme important, puisque toute la surface de Vénus est constituée de volcans, de coulées, de caldeirascaldeiras et de dômes. Mais au cours des 4 années qu'ont duré les observations au radar de Magellan (d'août 1990 à octobre 1994), ni panaches de cendres ni modifications notables de la surface de Vénus n'ont été détectés. Il y donc un débat sur la réalité d'une activité actuelle ou récente du volcanisme sur Vénus.

    Il se pourrait donc que les modifications du taux de SOobservées par les deux sondes soient le résultat de variations décennales dans la circulation de l'atmosphère de Vénus et dans le mélange de ses couches chimiquement différentes. En outre, l'atmosphère de Vénus et notamment l'origine de sa super-rotation sont encore mal comprises.