Quatre exoplanètes ont été imagées directement autour de l'étoile HR 8799, il y a plus de 10 ans. Nouvelle grande première, l'une de ces exoplanètes, une super-Jupiter, a été observée directement par interférométrie grâce au VLTI de l'ESO et l'instrument Gravity. Les mesures montrent une atmosphère surchauffée, lieu d'une énorme tempête.


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    L'étoile HR 8799 est une star dans le monde des exoplanètes depuis le 14 novembre 2008, lorsque deux équipes indépendantes ont annoncé qu'elles avaient réussi à imager directement pour la première fois des exoplanètes autour de cet astre qui est mentionné dans le catalogue HR (Harvard Observatory, Revised photometry). Compilé par l'astronomeastronome américain Edward Charles Pickering, il a été publié pour la première fois en 1908 et il comprend les étoiles de magnitude photographique inférieure ou égale à 6,5 ; ce qui correspond plus ou moins aux étoiles visibles à l'œilœil nu. Ce catalogue comptait 9.110 objets dont 9.096 sont des étoiles de notre galaxie -- les 14 objets restants se sont avérés être des novaenovae ou des objets extragalactiques.

    Les astronomes canadiens, Christian Marois, David Lafrenière (université de Toronto) et René Doyon (université de Montréal), membre du Centre de recherche en astrophysiqueastrophysique du Québec (Craq) et directeur de l'Observatoire du mont Mégantic, avaient réalisé leur performance concernant HR 8799 avec deux télescopestélescopes hawaïens, le Gemini et le KeckKeck.


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    Aujourd'hui, ce sont leurs collègues européens, membres de l'ESOESO, qui ont annoncé avoir réalisé un exploit avec le désormais célèbre instrument Gravity qui équipe l'InterféromètreInterféromètre du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLTI). Il s'agit de la première observation directe d’une exoplanète au moyen de l’interférométrie dans le visible, c'est-à-dire une observation par synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture qui combine celles faites avec plusieurs télescopes, et qui est équivalente à celle d'un seul instrument avec un miroirmiroir de très grande taille.

    Une super-Jupiter à plus de 1.000 °C  avec des nuages de fer

    C'est la géante gazeusegéante gazeuse HR8799e qui a été examinée pour la première fois autour de HR8799. Rappelons qu'il s'agit d'une toute jeune étoile sur la séquence principaleséquence principale, un peu plus massive que le SoleilSoleil, et dont l'âge est estimé, approximativement, à 30 millions d'années. Elle est située à environ 129 années-lumièreannées-lumière dans la Voie lactéeVoie lactée en direction de la constellation de Pégaseconstellation de Pégase.

    HR8799e est à plus de 14 unités astronomiquesunités astronomiques de son soleil (c'est plus loin que SaturneSaturne dans le Système solaireSystème solaire) et c'est une super-JupiterJupiter, donc très massive. Comme elle n'est aussi âgée que de 30 millions d'années environ, et malgré sa grande distance à son étoile hôte, elle est encore très chaude du fait de sa formation et de sa contraction gravitationnelle qui ont libéré de grandes quantités de chaleurchaleur. Sa température est ainsi estimée à environ 1.000 °C !

    La technique d'interférométrieinterférométrie mise en œuvre avec Gravity a permis d'obtenir de nouveaux renseignements sur la composition atmosphérique de la super-Jupiter. Comme l'explique dans un communiqué de l'ESO, Sylvestre Lacour, chercheur CNRS à l'Observatoire de Paris-PSL et à l'Institut Max PlanckMax Planck dédié à la PhysiquePhysique Extraterrestre, et leader de l'équipe de l'ESO, à l'origine de ce travail : « Notre analyse a montré que HR8799e est dotée d'une atmosphèreatmosphère composée d'une quantité de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone nettement supérieure à celle de méthane - ce qui surprend, connaissant la chimiechimie d'équilibre. Ce résultat surprenant peut s'expliquer par la présence, au sein de l'atmosphère, de puissants ventsvents verticaux qui empêchent le monoxyde de carbone de s'associer à l'hydrogènehydrogène afin de donner du méthane. »

    Ici, la constellation de Pégase, dont l’appellation se réfère au cheval ailé de la mythologie grecque. Sur ce graphe, figurent la localisation de HR8799 ainsi que la plupart des étoiles visibles à l’oeil nu, par temps clair et dans un ciel sombre. Cette constellation est bien connue des astronomes : elle rassemble trois des quatre étoiles brillantes qui définissent le Carré de Pégase, utilisé pour situer divers objets dans le ciel. La constellation est, en outre, composée de nombreux objets du fond du ciel qui présentent un intérêt pour les astronomes, en particulier le pulsar baptisé Croix d’Einstein ayant fait l’objet d’un effet de lentille gravitationnelle.© ESO, <em>IAU and Sky & Telescope</em>
    Ici, la constellation de Pégase, dont l’appellation se réfère au cheval ailé de la mythologie grecque. Sur ce graphe, figurent la localisation de HR8799 ainsi que la plupart des étoiles visibles à l’oeil nu, par temps clair et dans un ciel sombre. Cette constellation est bien connue des astronomes : elle rassemble trois des quatre étoiles brillantes qui définissent le Carré de Pégase, utilisé pour situer divers objets dans le ciel. La constellation est, en outre, composée de nombreux objets du fond du ciel qui présentent un intérêt pour les astronomes, en particulier le pulsar baptisé Croix d’Einstein ayant fait l’objet d’un effet de lentille gravitationnelle.© ESO, IAU and Sky & Telescope

    Comme les mesures indiquent également la présence de nuagesnuages de poussière de ferfer et de silicatessilicates, l'astrophysicienastrophysicien ajoute : « Nos observations évoquent une boule de gazgaz illuminée de l'intérieur, des rayons de lumière chaude tourbillonnant au travers de zones orageuses constituées de nuages sombres. Des mouvements convectifsmouvements convectifs enserrent les nuages de particules de silicates et de fer, qui se disloquent et s'infiltrent en surface, sous la forme de pluies. En résulte l'image de l'atmosphère dynamique d'une jeune exoplanète géante, subissant de complexes processus physico-chimiques. »

    Les chercheurs en ont déduit que l'atmosphère de HR8799e était actuellement (si l'on peut dire, puisque nous ne voyons l'exoplanète que telle qu'elle était il y a 129 ans) le lieu d'une énorme tempêtetempête. Ce n'est pas la première fois que l'on arrive à ce genre de conclusion indirectement en observant une exoplanète comme le prouve l'article ci-dessous que Futura avait alors consacré à une découverte faite il y a plus de 10 ans avec le télescope SpitzerSpitzer.


    Premier bulletin météo pour une exoplanète !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 30/01/2009

    Bientôt à court d'héliumhélium liquideliquide, Spitzer continue à travailler et ses observations passées n'ont pas fini d'être exploitées. Dans celles de 2007, les astronomes ont repéré la trace d'un brusque échauffement de l'atmosphère d'une exoplanète, HD 80606b, amenée près de son soleil par une orbiteorbite très elliptique. Les modèles numériquesmodèles numériques ont permis de décrire la tempête qui s'en est suivie.

    La réserve d'hélium liquide de Spitzer, qui refroidit son miroir en bérylliumbéryllium et d'autres dispositifs équipant ce célèbre télescope infrarougeinfrarouge en orbite, est presque épuisée. Heureusement, grâce aux avancées technologiques des dernières années dans l'instrumentation et dans le traitement d'images, il est possible de prendre le relais au sol pour de nombreuses observations, et même pour l'étude des atmosphères d'exoplanètes.

    Même avec ces progrès, nous n'en avons cependant pas fini avec Spitzer. Les données qu'il a récoltées au cours de ses années d'observations continuent de livrer leurs lots de découvertes, comme en témoigne un article publié dans Nature.

    Gregory Laughlin et Jonathan Langton, des astrophysiciens, travaillent à l'université de Santa Cruz en Californie. Le premier aime faire des modèles numériques des phénomènes astrophysiques et s'intéresse en particulier aux atmosphères des exoplanètes.

    En novembre 2007, lui et son collègue ont conduit grâce à Spitzer des observations d'un Jupiter chaudJupiter chaud à l'orbite très elliptique, dont ils espéraient qu'il allait subir une éclipseéclipse. Découverte en 2001 par une équipe d'astronomes menée par Dominique Naef, de l'Observatoire de Genève en Suisse, HD 80606b est une exoplanète environ 3,41 fois plus massive que Jupiter et orbitant en 111,4 jours autour de son étoile située à 190 années-lumière de la Terre, en direction de la constellation de la Grande Ourseconstellation de la Grande Ourse.

    Ces images représentent à intervalle de temps régulier l'aspect de HD 80606b sur une dizaine de jours avant et après son passage au périastre de son étoile, c'est-à-dire à distance minimale. Les zones rouges dans la partie non éclairée indiquent le rayonnement thermique propre de la planète en réaction à son chauffage. Le développement d'une tempête y est bien visible. © Nasa/JPL-Caltech/J. Langton (UC Santa Cruz)
    Ces images représentent à intervalle de temps régulier l'aspect de HD 80606b sur une dizaine de jours avant et après son passage au périastre de son étoile, c'est-à-dire à distance minimale. Les zones rouges dans la partie non éclairée indiquent le rayonnement thermique propre de la planète en réaction à son chauffage. Le développement d'une tempête y est bien visible. © Nasa/JPL-Caltech/J. Langton (UC Santa Cruz)

    Quasi doublement de la température

    A cause de son orbite très elliptique variant entre à 0,85 UA et 0,03 UA, elle ne passe que très peu de temps à proximité de son étoile hôte. A peine un jour ! A ce moment, sa température doit subir une brusque augmentation. Comme Gregory Laughlin et Jonathan Langton l'attendaient, l'exoplanète a bien été éclipsée en 2007. Il a donc été possible de mesurer le rayonnement de l'étoile sans la planète puis, en la soustrayant des observations avant et après l'éclipse, d'estimer le rayonnement propre de la planète et donc sa température.

    Le résultat ne s'est pas fait attendre. En seulement 6 heures, le passage de HD 80606b près de son étoile a fait passer sa température de 800 à 1.500 K. Le phénomène a été nettement visible parce que contrairement à la majorité des autres Jupiter chauds aux orbites bien moins elliptiques, cette planète, qui tourne sur elle-même en 34 heures, ne subit pas une rotation synchronesynchrone avec son soleil et ne lui présente donc pas toujours la même face.

    Fort de ces données, les deux chercheurs en ont nourri un modèle numérique représentant l'état hydrodynamique de la planète et tenant compte du transfert du rayonnement. Ils ont alors pu reconstituer des images donnant grossièrement l'aspect qu'aurait pris à ce moment la planète pour un observateur extérieur. La brusque augmentation de température déclenche une tempête et une partie de l'atmosphère passe du bleu au rouge (voir la vidéo de la simulation réalisée par l'équipe).

    Comme l'affirme Gregory Laughlin, ces images constituent, de loin, la représentation la plus réaliste d'une exoplanète.