Les observations conjointes de Hubble et Chandra confirment ce dont on se doutait : des millions de trous noirs massifs existaient déjà dans l’univers observable seulement 800 millions d’années après sa naissance. Toutefois, ce ne seraient pas eux, mais uniquement les étoiles, qui auraient réionisé le cosmos.

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    On savait déjà que la masse des trous noirs massifs et supermassifs au cœur des galaxies est proportionnelle à la taille des galaxies qui les abritent. Bien que pointant du doigt une étroite connexion entre la formation et la croissance des galaxies avec celles de ces trous noirs, cette relation n'avait pas encore été observée dans les galaxies les plus lointaines. On ignorait donc si cette apparente symbiose s'était mise en place tôt dans l'Histoire du cosmoscosmos observable.

    Il semble que cela soit bel et bien le cas si l'on en croit un article publié dans Nature et portant sur l'observation de 200 galaxies à l'aide des instruments ChandraChandra et HubbleHubble. Ces galaxies sont vues dans les domaines optique, infrarouge et des rayons X alors que l'universunivers observable n'était âgé que de 800 à 950 millions d'années tout au plus. Rappelons que depuis les mesures de WMap, nous pensons que notre univers ne serait âgé que de 13,7 milliards d'années.

    Cela n'exclut pas que celui-ci soit en réalité beaucoup plus vieux que cela et même infiniment vieux si l'on en croit la cosmologiecosmologie conforme cyclique défendue par Roger Penrose ou encore des modèles avec un avant Big Bang étudiés, par exemple, dans le cadre de la gravitation quantique à bouclesgravitation quantique à boucles.

    Les trous noirs les plus anciens de l'univers ?

    Au bout de six semaines de patientes collectes des photonsphotons X par Chandra, dans ce qu'on appelle le Chandra Deep Field South (CDFS), les astrophysiciensastrophysiciens ont finalement vu apparaître les signes de la présence dans beaucoup de ces galaxies de trous noirs massifs.


    Une vidéo sur les trous noirs extraite du projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com/Youtube

    Bien qu'ils soient environ mille fois moins massifs que les trous noirs à l'origine des quasars, les observations montrent que ces trous noirs croissaient particulièrement rapidement. Elles permettent aussi d'extrapoler le nombre de trous noirs massifs dans les galaxies moins d'un milliard d'années après le Big BangBig Bang.

    Comme 30 à 100 % des galaxies observées contiennent un trou noir massif, il faut en déduire qu'il en existait au moins 30 millions à l'époque dans l'univers observable. C'est dix mille fois plus que le nombre de quasarsquasars censés exister à la même époque et cent fois plus que le nombre de trous noirs géants au cœur des galaxies existant à ce moment-là d'après une estimation récente.

    Une vision d'artiste d'une toute jeune galaxie (<em>baby galaxy</em>) très irrégulière à cause des fusions et interactions fréquentes entre les galaxies moins de 1 milliard d'années après le Big Bang. Un zoom montre le centre occupé par un trou noir massif accrétant de la matière, plongé dans un épais nuage de gaz et poussières. © Nasa/CXC/M.Weiss

    Une vision d'artiste d'une toute jeune galaxie (baby galaxy) très irrégulière à cause des fusions et interactions fréquentes entre les galaxies moins de 1 milliard d'années après le Big Bang. Un zoom montre le centre occupé par un trou noir massif accrétant de la matière, plongé dans un épais nuage de gaz et poussières. © Nasa/CXC/M.Weiss

    Une explication pour la réionisation du cosmos ?

    Cette population de trous noirs est la plus ancienne observée à ce jour. Comme il a fallu utiliser les rayons X pour en déduire la présence, cela implique qu'ils sont entourés par d'épais nuagesnuages riches en poussières et gazgaz, bloquant les rayons ultravioletsultraviolets. Une information importante dans la recherche d'une explication à la réionisation de l'univers observable.

    Le trou noir massif rayonne dans les domaines optique et ultraviolet mais son cocon de gaz et poussières ne laisse passer que des rayons X. L'artiste a aussi représenté sur la droite le disque d'accrétion du trou noir ainsi que ses jets de matière. © Nasa/CXC/M.Weiss

    Le trou noir massif rayonne dans les domaines optique et ultraviolet mais son cocon de gaz et poussières ne laisse passer que des rayons X. L'artiste a aussi représenté sur la droite le disque d'accrétion du trou noir ainsi que ses jets de matière. © Nasa/CXC/M.Weiss

    En effet, environ 380.000 ans après le Big Bang, la matièrematière baryonique de l'univers était constituée d'atomesatomes d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium neutres alors qu'aujourd'hui, une partie importante de ces atomes existe sous forme ionisée. Pour qu'une telle réionisationréionisation ait eu lieu, il a fallu un rayonnement énergétique au moins dans la bande de l'ultraviolet.

    De gauche à droite depuis le Big Bang jusqu'à la fin de la réionisation, on voit les premières étoiles (<em>first stars</em>) créant des bulles d'hydrogène ionisé dont le front grandit dans l'hydrogène intergalactique neutre de l'époque. © Nasa/CXC/M.Weiss

    De gauche à droite depuis le Big Bang jusqu'à la fin de la réionisation, on voit les premières étoiles (first stars) créant des bulles d'hydrogène ionisé dont le front grandit dans l'hydrogène intergalactique neutre de l'époque. © Nasa/CXC/M.Weiss

    Les toutes premières étoilesétoiles ont été proposées comme sources principales de ce rayonnement ionisant, mais on ne pouvait écarter l'hypothèse qu'il s'agisse en fait du rayonnement émis par la matière s'accrétant sur les premiers trous noirs massifs en formation. Cette hypothèse semble bien moins probable aujourd'hui avec les observations de Chandra.