À moins qu'un habitant de Mars saute devant la caméra d'un rover, y découvrir des traces de vies fossilisées ou en activité sera très difficile. D'abord parce que si on a la certitude que la planète a été habitable dans son passé, rien ne prouve aujourd'hui qu'une forme de vie primitive ait pu s'y développer. Frances Westall, directrice de recherche au CNRS et responsable de l’équipe Exobiologie du Centre de biophysique moléculaire, nous explique la difficulté de débusquer des micro-organismes martiens.

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    Jusqu'en 2011, tous les rovers envoyés sur Mars avaient pour principal objectif de mieux connaître la géologiegéologie de leurs sites et de déterminer la présence d'eau, qu'elle soit solide, liquide ou gazeuse. Ce dernier élément, essentiel au développement de la vie telle que nous la connaissons, est, à l'état liquideétat liquide, le solvant universel dans lequel se déroulent les réactions fondamentales au maintien d'une vie basée sur le carbone. Après le Curiosity de la Nasa qui devait démontrer l'habitabilité passée de son site d'atterrissage (ce qu'il a fait), avec les futurs rovers de la Nasa et de l'ESAESA, les scientifiques veulent détecter d'éventuelles traces de vie éteintes ou actuelles à la surface mais aussi, avec ExoMarsExoMars 2020, sous la surface martienne.

    S'il ne fait plus guère de doute que très tôt Mars a été habitable, « rechercher des traces de vie éteintes, voire en activité n'est pas simple », nous explique Frances Westall, directrice de recherche CNRS, membre du projet Mase et responsable de l'équipe ExobiologieExobiologie du Centre de biophysique moléculaire (CNRS) d'Orléans. D'abord, parce les conditions environnementales à l'époque de l'habitabilité supposée de la planète étaient tout de même assez extrêmes et qu'elle a subi une forte dégradation de son environnement avec des conséquences néfastes pour l'évolution de la vie martienne. À cela s'ajoute le fait que seulement « certains endroits étaient habitables, dispersés dans le temps et l'espace, qui n'étaient pas liés les uns aux autres ». C'est-à-dire que la présence d'eau à l'état liquide était tout de même très aléatoire lors des 500 premiers millions d'années de l'histoire de la planète. Dit autrement, même si Mars présente des caractéristiques lui conférant une habitabilité dans son passé, il n'est pas pour autant certain que la vie a pu y émerger. Et si en effet elle s'y est développée, elle sera « probablement restée à un stade très primitif ».

    Si de nombreux paysages martiens, comme ici <em>Marias Pass</em> étudié par Curiosity, laissent à penser que de l'eau a coulé et qu'une forme de vie a pu émerger, découvrir des micro-organismes fossilisés ou actifs ne sera pas une mince affaire. © Nasa, JPL-Caltech

    Si de nombreux paysages martiens, comme ici Marias Pass étudié par Curiosity, laissent à penser que de l'eau a coulé et qu'une forme de vie a pu émerger, découvrir des micro-organismes fossilisés ou actifs ne sera pas une mince affaire. © Nasa, JPL-Caltech

    Vivre sur Mars sans oxygène

    C'est pourquoi la recherche de la vie sur Mars va se « concentrer sur des organismes primitifs anaérobies qui ne peuvent pas supporter l'oxygèneoxygène car c'est la situation sur Mars aujourd'hui et celle d'il y a quelque quatre milliards d'années », à l'époque où l'on suppose que la planète était habitable. Actuellement, il n'est pas possible de les détecter directement. En effet, les microscopesmicroscopes à bord des rovers qui roulent sur Mars ne sont « pas capables d'observer des micro-organismes qui sont de la taille du micronmicron ». Quant à ceux qui seront à bord des rovers ExoMars 2020 (ESA) et Mars 2020 (Nasa), ils ne feront guère mieux. Au mieux, celui des Européens sera capable de voir des « colonies de micro-organismesmicro-organismes qui apparaîtront sous la forme de taches particulièrement noires dans les roches ». Cependant, il sera impossible de déterminer leur morphologiemorphologie.

    Cela dit, ces rovers seront moins limités pour chercher des moléculesmolécules organiques. Tous les deux embarqueront des instruments qui permettront de le faire. Et là encore, avantage à l'Européen. Parmi les instruments conçus pour détecter d'éventuelles traces de vie passée ou actuelle à la surface, mais aussi sous la surface martienne, ExoMars 2020 embarquera un ensemble incluant le spectromètrespectromètre de massemasse Moma pour « détecter, après volatilisation par pyrolysepyrolyse ou désorptiondésorption par laserlaser, d'éventuelles molécules biologiques présentes et préservées dans le sol martien ». D'autres instruments pourront évaluer la présence de composés inorganiques, « comme les minérauxminéraux qui constituent les roches et le sol martien » et les « cercueils », ces matrices minérales dans lesquelles des traces de vie éventuelles sont renfermées.

    Si ExoMars 2020 ne trouve pas des traces de vie, « ce ne sera évidemment pas un échec ». Il faut savoir que Mars « n'a jamais été complètement habitable comme la Terre qui a toujours été recouverte par un océan » et que la présence d'eau à l'état liquide est tout de même très « aléatoire lors des 500 premiers millions d'années de son histoire ». A contrario, si le rover découvre que de la vie est apparue sur Mars, donc ailleurs que sur Terre, cela « renforcera nos connaissances sur l'apparition de la vie et [signifiera] que nos hypothèses de travail vont dans la bonne direction ».


    Comment trouver de la vie sur Mars ?

    Article du CNRS publié le 07/01/2016

    Quelles formes de vie peut-on espérer trouver à la surface de Mars ? Où les chercher, et surtout, comment les identifier de manière certaine ? Des chercheurs dressent un inventaire des scénarios pouvant conduire à la détection, ou non, de biosignatures au cours d'une prochaine mission martiennemission martienne programmée en 2018.

    Le robotrobot Curiosity de la mission MSL (Mars Science LaboratoryMars Science Laboratory) traque actuellement des traces organiques de vie sur Mars dans le cratère Gale (155 km de diamètre), site potentiellement habitable dans le passé. L'objectif de la mission ExoMars 2018 et de son robot Pasteur (voir la galerie photo des tests réalisés au Cnes à Toulouse) sera également de rechercher des traces de vie fossilefossile mais cette fois dans les Northern Plains, une région du pôle nord. Aujourd'hui, la surface de la Planète rouge est stérile mais, dans sa jeunesse, certaines parties furent habitables. Dans ces circonstances, quelles formes de vie ont pu se développer à la surface de ce monde voisin ? Où sont leurs traces ? Et comment pourrions-nous les retrouver ?

    Afin de répondre à ces questions, les chercheurs se sont intéressés aux conditions ayant pu conduire à l'apparition de la vie sur Mars. Ils ont montré notamment que l'habitabilité a probablement été très hétérogène dans le temps et dans l'espace, parlant de conditions d'habitabilité « ponctuelles ». Ainsi, s'il y a eu réellement de la vie, elle a dû rester (et reste peut-être encore en subsurface) très primitive, semblable à des micro-organismes chimiotrophes anaérobies (un organisme chimiotrophe produit des molécules organiques par oxydationoxydation de substances minérales par voie de chimiosynthèsechimiosynthèse). C'est ce type d'organismes qu'il faudrait donc rechercher en priorité.

    Autoportrait de Curiosity sur le site Windjana, à l’intérieur du cratère Gale, qui fut un lac voici plusieurs milliards d’années. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

    Autoportrait de Curiosity sur le site Windjana, à l’intérieur du cratère Gale, qui fut un lac voici plusieurs milliards d’années. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

    Une minéralisation rapide des restes microbiens ?

    Mais comment détecter de manière fiable la présence de biosignatures martiennes préservées lors de la fossilisationfossilisation ? Les chercheurs du Centre de biophysique moléculaire du CNRS ont commencé par étudier des traces fossiles de ce type de micro-organismes retrouvées dans des roches de la Terre primitive (entre 3,5 et 3,33 milliards d'années). Ils montrent comment il est possible de remonter à la biogénicité (évolution des organismes vivants) de ces anciennes biosignatures en les comparant à des structures abiogènes (ne provenant pas d'organismes vivants). Pour cela, l'équipe s'est rendu compte qu'il était nécessaire de prendre en considération la morphologie et les compositions géo-organo-chimiques et isotopiques des biosignatures pour obtenir une identification fiable à partir des mesures. Il est alors possible de remonter à la biogénicité des structures mais également à leur métabolismemétabolisme et leur environnement. Les chercheurs ont ainsi révélé que le développement de ces organismes était contrôlé par la disponibilité des sources de nutrimentnutriment et d'énergieénergie, organiques et inorganiques, produites par l'activité de sources hydrothermalessources hydrothermales, ces biosignatures y étant toujours retrouvées à proximité.

    Cependant, pour pouvoir étudier ces organismes, encore faut-il qu'ils aient été fossilisés et que leurs biosignatures aient été préservées. Les auteurs montrent que, pour que cela soit le cas, la minéralisation des restes microbiens et la cimentation des sédimentssédiments doivent avoir été rapides.

    Cette étude publiée dans la revue Astrobiology permet de dresser un inventaire plus précis des scénarios pouvant conduire à la détection, ou non, de biosignatures lors d'une mission martienne, en fonction de l'apparition (ou pas) de la vie sur Mars, de la préservation des biosignatures, des limites de détection des instruments utilisés et de la localisation géographique du robot par rapport aux traces de vie ou encore d'une possible contaminationcontamination.