Découverte en 2011, la météorite de Tissint permet de mieux comprendre la production de molécules organiques sur Mars au cours de son histoire. L’objectif est de savoir si la planète a un jour présenté des conditions d’habitabilité favorables.


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    Il n'y a pas que les rovers qui permettent d’étudier en détail la géologie de la Planète rouge. Les météorites martiennes sont également source de données essentielles.

    Des fragments de Mars s'écrasent en effet régulièrement sur la Terre. Ils sont même plutôt nombreux. La météorite de Tissint, elle, s'est écrasée le 18 juillet 2011 dans la province de Tata au Maroc. Son entrée dans l'atmosphèreatmosphère a d'ailleurs été observée en temps réel et les morceaux de météorites ont finalement été retrouvés quelques mois plus tard par des nomades. La masse totale de la météorite de Tissint a été estimée à environ 7 kilos.

    Un fragment de la météorite de Tissint. © The paleobear from Lontananza, Loreto, Peru, Wikimedia Commons, CC BY 2.0
    Un fragment de la météorite de Tissint. © The paleobear from Lontananza, Loreto, Peru, Wikimedia Commons, CC BY 2.0

    Son analyse a révélé qu'il s'agit d'un fragment de roches martiennes datant de 582 millions d'années, qui aurait été arraché à la planète lors d'un impact majeur il y a environ 1 million d'années. L'étude de la météorite de Tissint pourrait donc permettre de mieux comprendre si la Planète rouge a pu abriter la vie. Et l'un des éléments à considérer dans cette vaste problématique est la présence de molécules organiques.

    Une météorite qui permet de mieux comprendre le cycle du carbone sur Mars

    Attention, quand on parle de molécules organiques, il ne faut pas penser à des molécules synthétisées nécessairement par le vivant. Il s'agit avant tout de molécules riches en carbone, en hydrogène, en oxygèneoxygène, en azoteazote ou encore en sulfuresulfure, et qui, si elles interviennent en effet dans les réactions biologiques, peuvent être créées par des réactions dites abiotiquesabiotiques (non biologiques). Cependant, comprendre les processus et les séquences qui ont produit ces molécules organiques pourrait permettre de savoir si Mars a un jour présenté des conditions d'habitabilité favorables et quelles réactions auraient pu mener à l'émergenceémergence de la vie. Or, il s'avère que la météorite de Tissint présente une grande diversité de molécules organiques. En effectuant une corrélation entre le type de molécules organiques et la minéralogie, des chercheurs ont ainsi pu produire un catalogue très complet de la diversité martienne en matièrematière de composés organiques et mieux comprendre l’évolution de la croûte et du manteau de la Planète rouge en lien avec des interactions eau-roche.

    La météorite de Tissint s'est avérée être particulièrement riche en molécules organiques contenant du magnésiummagnésium, des molécules jusqu'à présent non observées sur Mars et qui résultent de réactions chimiquesréactions chimiques à haute pressionpression et haute température. Ces molécules montrent que l'évolution minéralogique de l'intérieur de la planète était intimement liée à un cycle du carbonecycle du carbone, comme sur Terre. Les résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.


    Découverte de molécules organiques azotées dans une météorite venant de Mars

    Une équipe de chercheurs japonais a donné la première démonstration solidesolide de l'existence de molécules organiques azotées présentes sur Mars il y a 4 milliards d'années. C'est une bonne nouvelle pour l'apparition de la vie à cette époque sur la Planète rouge.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 4 mai 2020

    Dans l'idéal, la recherche d'une vie sur Mars nécessiterait de pouvoir disposer de tous les outils d'analyse nécessaires pour mettre en évidence au moins des traces de vie passée sur la Planète rouge. Ce n'est pas possible et c'est pour cette raison qu'il faudrait pouvoir rapporter sur Terre des échantillons de son sol, échantillons par exemple obtenus avec une série de forages prévue pour la mission Mars 2020 de la NasaNasa. Le roverrover Perseverance, qui reprend l'architecture du rover Curiosity, devrait ainsi prélever des dizaines de carottescarottes dans les sédimentssédiments martiens sur des sites que l'on pense avoir été favorables à l'apparition ou pour le moins le développement de formes de vie.

    Ces sites pourraient notamment appartenir à l'époque géologique de Mars que l'on appelle le NoachienNoachien (du nom de Noachis TerraTerra) et qui correspond aux terrains les plus anciens depuis la formation de la planète, remontant à au moins 3,5-3,7 milliards d'années, alors que la Planète rouge avait encore sans doute une atmosphère épaisse générant un effet de serreeffet de serre permettant l'existence de grandes quantités d'eau liquideliquide. Les carottes de PerseverancePerseverance attendraient ensuite une autre mission destinée à les rapporter sur Terre.


    Une présentation des hommes et des femmes derrière la mission du rover Perseverance. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa 360

    Plus de 200 météorites martiennes sur Terre

    Toutefois, nous disposons déjà d'échantillons de roches martiennes, environ 200 météorites qui se répartissent pour l'essentiel entre trois grandes classes appelées du nom des villages à proximité desquels des Hommes ont assisté à leur chute. Il y a ainsi eu la chute observée près du village français de Chassigny en 1815, celle de Shergotty en Inde (1865) et celle de Nakhla en Égypte (1911). 

    Souvent, ce sont des roches ignées qui se sont formées à partir du refroidissement d'un magmamagma, par exemple sous forme de laveslaves à la surface de Mars mais aussi dans son manteaumanteau. L'impact d'un petit corps céleste aurait à chaque fois été assez puissant pour éjecter dans l'espace des fragments de Mars portant ces roches, la faible gravitégravité de la planète aidant. Dans certains cas, on a ainsi trouvé des bulles de gaz piégées dans ces fragments trouvés sur Terre dont la composition était proche de celle de l'atmosphère martienne connue depuis les missions Viking, ce qui a grandement aidé à préciser la provenance de ces météorites.

    Une météorite en particulier a fait beaucoup parler d'elle, Allan Hills (ALH)84001, du nom de la région de l'AntarctiqueAntarctique où elle a été découverte en 1984, comme Futura le rappelait dans le précédent article ci-dessous. En 1996, les chercheurs de la Nasa croyaient en effet avoir repéré des fossilesfossiles de nanobactéries ne pouvant pas être d'origine terrestre, ou produits par des processus purement géochimiques sur Mars, reproduisant des structures biologiques sans en être vraiment. Ils avaient dû déchanter mais aujourd'hui des chercheurs japonais reviennent sur le cas de Allan Hills (ALH)84001 dans un article publié dans Nature Communications.

    La fameuse météorite martienne ALH84001. © Nasa
    La fameuse météorite martienne ALH84001. © Nasa

    Des molécules organiques azotées dans des carbonates

    Allan Hills 84001 est une orthopyroxénite, c'est-à-dire une roche magmatiqueroche magmatique, presque exclusivement constituée de pyroxènespyroxènes, qui a cristallisé à l'intérieur de Mars il y a semble-t-il environ 4,1 milliards d'années, donc pendant le Noachien. C'est l'une des plus anciennes météorites martiennes connues à ce jour. Elle contient des nodules de carbonates qui précipitent généralement dans des eaux souterraines, ce qui dès le départ plaide pour un environnement chaud et humide au début de l'histoire de Mars et donc favorable à la vie.

    On trouve dans ces minérauxminéraux carbonatés des molécules organiques mais toute la question était de savoir dans un premier temps si ces molécules s'étaient formées il y a plus de 4 milliards d'années sur Mars ou résultaient d'une contaminationcontamination bien terrestre et récente. Des arguments déjà plutôt convaincants avaient été donnés pour la première hypothèse il y a plus de 10 ans, comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. L'équipe de chercheurs japonais a voulu aller plus loin et pour cela elle a préparé des échantillons de ALH84001, de manière à être encore plus sûr qu'il n'y avait pas de contamination, notamment en détectant pour la première fois la présence d'azote dans les molécules organiques présentes. Rappelons que l'azote (N) est un composant essentiel des acides aminésacides aminés et aussi de l'ADNADN et de l'ARNARN, les molécules de la vie.

    Les astrochimistes ont ainsi utilisé un ruban argenté dans une salle blanche pour arracher de minuscules grains de carbonate de la largeur d'un cheveu humain, de la météorite ALH84001. Ils ont ensuite préparé ces grains pour éliminer les contaminants de surface possibles avec un faisceau d'ionsions focalisé provenant d'un microscope électronique à balayagemicroscope électronique à balayage. Une technique de spectroscopie d'absorptionabsorption des rayons Xrayons X leur a permis de détecter l'azote présent en très petites quantités et la forme.

    Un fragment de roche de la météorite martienne ALH84001 (à gauche). Une zone agrandie (à droite) montre des grains de carbonate de couleur orange. © Koike et al. (2020) <em>Nature Communications</em>
    Un fragment de roche de la météorite martienne ALH84001 (à gauche). Une zone agrandie (à droite) montre des grains de carbonate de couleur orange. © Koike et al. (2020) Nature Communications

    Les minéraux ignés à proximité des minéraux carbonatés ne donnant pas d'azote détectable, cela montrait que les molécules organiques azotées ne se trouvaient que dans les nodules de carbonates, ce qui ne peut pas s'expliquer par une contamination. Les chercheurs n'ont également pas trouvé de nitrates comme ceux qui rendent le sol martien très oxydant et peu propice aux formes de vie en surface, laissant penser qu'au Noachien ils n'existaient pas encore, soit une raison supplémentaire de croire à l'habitabilité de Mars il y a 4 milliards d'années environ.

    Par contre, il reste difficile de savoir si ces molécules azotées sont le produit de processus abiotiques, par exemple provenant de comètes et de météorites, ou au contraire de forme de vie. Dans les deux cas, cela indique que la chimiechimie martienne de l'époque était de toute façon favorable à la vie.


    Mars a synthétisé des briques de la vie !

    Article de Laurent Sacco publié le 13/12/2007

    La mondialement célèbre météorite martienne Allan Hills 84001 fait à nouveau parler d'elle. A défaut de fournir une preuve indiscutable de la présence de vie sur Mars dans son passé, elle donne cette fois une preuve que l'environnement martien permet la synthèse de molécules organiques : c'est une première !

    On se souvient de l'annonce retentissante faite par la Nasa, le 6 août 1996, de la preuve d'une vie passée sur Mars. En analysant la météorite martienne ALH84001, une achondrite découverte en Antarctique dans la région d'Allan Hills en décembre 1984, d'où son nom, les chercheurs de la Nasa croyaient en effet avoir repéré des fossiles de nanobactéries ne pouvant pas être d'origine terrestre, ou produits par des processus purement géochimiques reproduisant des structures biologiques sans en être vraiment.

    La situation s'est obscurcie assez rapidement ces dernières années et ces traces ne sont plus considérées comme une preuve solide de l'apparition de la vie sur Mars il y a des milliards d'années. Toutefois, des scientifiques du Laboratoire de Géophysique de l'Institution Carnegie pensent maintenant avoir démontré, avec cette même météorite, qu'au moins certaines des molécules carbonées de base du vivant étaient bien synthétisées par la planète rouge.

    Le message de la contrée des ours en armures

    La découverte vient de la comparaison de ce morceau de lave martienne, s'étant cristallisé il y a 4,5 milliards d'années, avec des échantillons de laves terrestres provenant du Svalbard, la contrée que l'on nomme aussi SpitzbergSpitzberg et qui n'est donc pas une simple invention de Philip Pullman dans ses romans aujourd'hui portés à l'écran avec «  A la croisée des mondes ».

    La météorite  ALH84001.  © Nasa-Caltech
    La météorite  ALH84001.  © Nasa-Caltech

    Les laves du Svalbard étudiées par l'équipe se sont épanchées il y a un million d'années environ en ArctiqueArctique. Le climatclimat froid se rapproche des conditions martiennes. Or, dans ces laves, on trouve de petites sphères de minéraux carbonatés contenant des molécules organiques étroitement associées à un oxyde de ferfer assez célèbre sous forme d'un minéralminéral appelé magnétitemagnétite. Lors d'une éruption volcaniqueéruption volcanique, la magnétite a agi comme un catalyseurcatalyseur au contact de fluides riches en dioxyde de carbonedioxyde de carbone et en eau, bien qu'aucune présence de vie n'ait été possible à ce moment étant donné la température. Des petites sphères de ce genre ont été trouvées dans ALH84001, et il s'agit donc très vraisemblablement de molécules synthétisées par la chimie martienne et pas par contaminations terrestre ultérieures. C'est la première fois qu'une preuve de ce genre a pu être apportée et elle renforce la conviction que des molécules organiques doivent facilement apparaître à la surface des grosses planètes telluriquesplanètes telluriques dans l'UniversUnivers, même quand il y fait froid !La mission Mars Science Laboratory qui sera lancée en 2009, venant épauler SpiritSpirit et OpportunityOpportunity s'ils sont encore actifs, nous en apprendra sans doute davantage.