Au pôle Sud, la dernière ligne de détecteurs de l’instrument IceCube vient d’être posée : ce télescope à neutrinos, qui a de quoi faire avancer l’astronomie, la physique et la géologie est désormais complètement opérationnel.

au sommaire


    Après cinq années d'un difficile labeur, le détecteur IceCube est terminé et va pouvoir commencer à travailler. Tout est hors norme dans cet instrument scientifique sans équivalent : sa taille d'un kilomètre cube, sa mission consistant à repérer ces particules insaisissables que sont les neutrinos, son emplacement à plus de 1,5 kilomètre dans la glace et sa localisation au pôle Sud.

    Cet observatoire est en effet entièrement enfoui et constitué de 86 câbles, descendant dans des puits creusés dans la glace, très pure à cet endroit, jusqu'à 2.450 mètres sous la surface. Au sol l'installation occupe un kilomètre carré. Entre 1.450 et 2.450 mètres de profondeur, ces câbles portent des détecteurs sensibles à la lumière. Cet ensemble de 5.160 photodétecteurs forme l'instrument lui-même. Il est conçu pour capter la faible luminositéluminosité générée lorsqu'un neutrino à haute énergie heurte un atome, par effet CerenkovCerenkov (ou Tcherenkov). La collision produit un muon, lequel provoque l'émission d'une lumière bleuelumière bleue. Le principe est ancien et l'expérience a en fait commencé dans les années 1990 avec plusieurs centaines de lignes formant le détecteur Amanda (Antarctic Muon And Neutrino Detector Array).

    L'un des 86 puits. Un capteur est en train d'y être descendu, le 7 décembre dernier. Le fond du puits est à 2.450 mètres sous la surface de la glace. © B. Gudbjartsson/NSF

    L'un des 86 puits. Un capteur est en train d'y être descendu, le 7 décembre dernier. Le fond du puits est à 2.450 mètres sous la surface de la glace. © B. Gudbjartsson/NSF

    Sonder l’espace et la Terre

    L'IceCube repère les neutrinosneutrinos de haute énergie, entre 1011 et 1021 électronvolts (eV), qui peuvent avoir deux origines. Les uns proviennent de l'espace profond, produits par des phénomènes très énergétiques, comme les sursautssursauts gamma (GRB, gamma-ray bursts). Les autres neutrinos apparaissent tout près de nous, dans la haute atmosphèreatmosphère, lorsque des rayons cosmiquesrayons cosmiques (protonsprotons et particules alpha) viennent en frapper les atomes. Les premiers sont les plus intéressants et nous apportent des informations sur les supernovae, les hypernovaehypernovae, voire sur la matière noirematière noire ou la supersymétriesupersymétrie. Mais ils sont un million de fois moins nombreux que les neutrinos produits dans l'atmosphère.

    Le dernier capteur, ou DOM (<em>Digital Optical Module</em>), descend dans son puits le 18 décembre 2010. © R. Schwarz/NSF

    Le dernier capteur, ou DOM (Digital Optical Module), descend dans son puits le 18 décembre 2010. © R. Schwarz/NSF

    Pour détecter ces neutrinos cosmiques dans cet énorme bruit de fond, l'instrument utilise la planète comme un filtre. L'IceCube peut en effet déterminer l'angle d'arrivée des neutrinos (les muons qu'ils ont générés conservent la direction initiale), ce qui permet de distinguer ceux qui viennent d'en haut et ceux qui viennent d'en bas. Les seconds, qui ont traversé la Terre, sont majoritairement des neutrinos venus du fond de l'espace. L'IceCube est donc un télescopetélescope qui regarde vers le sol...

    Ce faisant, il pourrait d'ailleurs servir aussi à étudier la structure de notre planète, en utilisant ces particules comme des sondes mesurant les différences de densité sur les multiples lignes de visée. Le résultat serait l'équivalent d'une tomographietomographie (ce que l'on fait avec un scanner médical), une idée utilisée récemment, par exemple, par le programme Diaphane pour sonder l'intérieur du volcanvolcan de la Soufrière, en Guadeloupe.