À 3 milliards d'années-lumière de notre petite Planète se cache une galaxie comme on n'en avait jamais vu jusque-là. En effet, Alcyonée est une radiogalaxie géante mesurant 16,3 millions d'années-lumière de long, ce qui en fait la plus grande structure connue d'origine galactique.


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    Dans la mythologie grecque, Alcyonée était l'un des plus grands Géants, fils d'Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre), et un des meneurs lors de la Gigantomachie, la bataille entre les Géants et les dieux olympiens pour la suprématie sur le CosmosCosmos. C'est désormais aussi le nom d'une radiogalaxie géante nouvellement découverte à 3 milliards d'années-lumière de nous. Ce « monstre » de 16,3 millions d'années-lumière de long est la plus grande structure d'origine galactique connue à ce jour.

    Une géante parmi les géantes…

    Les radiogalaxies géantes sont des objets encore très mystérieux. Elles se composent d'une galaxie hôte ainsi que de jets et de lobes colossaux qui jaillissent du centre galactique. Ces jets et lobes, en interaction avec le milieu intergalactique, agissent comme un synchrotron qui accélère les électrons, lesquels émettent alors des ondes radio.

    La matière du disque d'accrétion qui entoure le trou noir supermassif au centre de la galaxie ne finit pas forcément au-delà de l'horizon des événementshorizon des événements : une petite fraction de celle-ci est « canalisée » de la région interne du disque d'accrétion vers les pôles, où elle est projetée dans l'espace sous la forme de jets de plasma ionisé à des vitessesvitesses égales à un pourcentage significatif de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. Ces jets peuvent parcourir d'énormes distances avant de se répandre en des lobes géants émetteurs d'ondes radio. La Voie lactéeVoie lactée elle-même a de tels lobes radio. Cependant, on ne comprend pas vraiment pourquoi, dans certaines galaxies, ils atteignent des tailles gigantesques de millions d'années-lumière.

    Vue conjointe radio-infrarouge d'Alcyonée. Elle superpose des images du Lofar <em>Two-metre Sky Survey</em> (LoTSS) DR2 à 144 MHz de deux résolutions différentes — 6′′ pour le cœur et les jets et 60′′ pour les lobes — (en orange) et des images <em>Wide Field Infrared Survey Explorer</em> (Wise) à 3,4 μm (en bleu). Pour mettre en évidence l'émission radio, l'émission infrarouge a été floutée à une résolution de 0,5′. © Martijn S.S.L. Oei et<em> al.</em>, arXiv, 2022
    Vue conjointe radio-infrarouge d'Alcyonée. Elle superpose des images du Lofar Two-metre Sky Survey (LoTSS) DR2 à 144 MHz de deux résolutions différentes — 6′′ pour le cœur et les jets et 60′′ pour les lobes — (en orange) et des images Wide Field Infrared Survey Explorer (Wise) à 3,4 μm (en bleu). Pour mettre en évidence l'émission radio, l'émission infrarouge a été floutée à une résolution de 0,5′. © Martijn S.S.L. Oei et al., arXiv, 2022

    Les exemples les plus extrêmes de ces radiogalaxies géantes pourraient être la clé pour comprendre ce qui entraîne leur croissance. L'équipe internationale menée par Martijn Oei, doctorant à l'Observatoire de Leiden (Pays-Bas), explique dans son article que, « s'il existe des caractéristiques de galaxies hôtes qui sont une cause importante de la croissance des radiogalaxies géantes, alors les hôtes des plus grandes radiogalaxies géantes sont susceptibles de les posséder. De même, s'il existe des environnements particuliers à grande échelle qui sont très propices à la croissance des radiogalaxies géantes, alors les plus grandes radiogalaxies géantes sont susceptibles d'y résider ».

    Ils ont alors retraité les données collectées par le Low-Frequency Array (Lofar), supprimant les sources radio compactes susceptibles d'interférer avec les détections de lobes radio diffusdiffus et corrigeant la distorsion optique. Selon les chercheurs, les images obtenues représentent la recherche la plus sensible jamais menée pour les lobes de radiogalaxie. Ils ont alors utilisé leurs propres yeuxyeux pour localiser leur cible, Alcyonée : « Nous avons découvert ce qui est en projection la plus grande structure connue faite par une seule galaxie : une radiogalaxie géante avec une longueur propre projetée [de] 4,99 ± 0,04 mégaparsecs [16,28 ± 0,13 million d'années-lumière]. La vraie longueur propre est d'au moins 5,04 ± 0,05 mégaparsecs [16,44 ± 0,16 million d'années-lumière] ».

    …mais une géante étonnamment typique

    En utilisant ensuite le Sloan Digital Sky Survey, les chercheurs ont découvert que la galaxie hôte est une galaxie elliptiquegalaxie elliptique assez typique, intégrée dans un filament de la toile cosmique, avec une massemasse stellaire égale à environ 240 milliards de fois la masse du SoleilSoleil (4 à 5 fois la masse de toutes les étoilesétoiles de la Voie lactée) et un trou noir supermassiftrou noir supermassif en son centre d'environ 400 millions de masses solaire (environ 100 fois la masse de Sgr A*, le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée).

    « En dehors de la géométrie, Alcyonée et son hôte sont étonnamment ordinaires : la densité totale de luminositéluminosité à basse fréquencefréquence, la masse stellaire et la masse du trou noir supermassif sont toutes inférieures, bien que similaires, à celles des radiogalaxies géantes médianes. Des galaxies ou des trous noirs centraux très massifs ne sont donc pas nécessaires pour produire de grandes [radiogalaxies] géantes et, si l'état observé est représentatif de la source sur sa duréedurée de vie, une puissance radio élevée ne l'est pas non plus ».

    Il se pourrait qu'Alcyonée soit dans une région de l'espace dont la densité est inférieure à la moyenne, ce qui permettrait son expansion, ou que l'interaction avec la toile cosmique joue un rôle dans la croissance de l'objet. Quoi qu'il en soit, cependant, les chercheurs pensent qu'Alcyonée continue de grossir.