Une face noire comme le charbon et l'autre blanche comme la neige : c'est l'étrange décoration binaire de Japet, une lune de Saturne qui ignore pratiquement le gris. A l'instar du motard heureux et ses moucherons collés sur les dents, Japet se salirait avec la poussière de son chemin céleste...

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    Sur cette image en fausse couleur on voit bien le contraste de température entre les zones sombres et blanches de Japet (Crédit : NASA JPL).

    Sur cette image en fausse couleur on voit bien le contraste de température entre les zones sombres et blanches de Japet (Crédit : NASA JPL).

    Le survolsurvol de JapetJapet par la sonde Cassini, le 10 septembre dernier, a peut-être donné la clé permettant d'expliquer pourquoi cette lune de Saturne possède un hémisphère noir comme le charboncharbon et un autre blanc comme neige. Il pourrait s'agir d'un processus de « ségrégation thermique ». 

    Une des dernières images de Japet fournies par Cassini, <br />Cliquez pour agrandir. Crédit : Nasa/ JPL

    Une des dernières images de Japet fournies par Cassini,
    Cliquez pour agrandir. Crédit : Nasa/ JPL

    Les images fournies récemment par la sonde Cassini ont montré à quel point la surface de Japet pouvait être fascinante et belle. Toutefois, les chercheurs de la Nasa ne se sont pas contentés d'étudier ce petit corps céleste dans la bande visible, ils ont aussi fait des observations en infra-rouge.

    Comme ils s'y attendaient, la surface noire de Japet, absorbant une plus grande partie du rayonnement solairerayonnement solaire que la partie blanche à l'albédoalbédo plus élevé, est la plus chaude des deux. La température mesurée est d’environ 127 K, ce qui est suffisant pour provoquer une lente vaporisation de la glace d'eau pouvant être présente sur cette face sombre, toujours perpendiculaire à la trajectoire de Japet autour de Saturne.

    Inversement, la face blanche étant plus froide, la vapeur d'eau peut s'y condenser et former les impressionnants paysages neigeux révélés en détails tout dernièrement. Le processus lui-même se serait amplifié et accéléré au cours du temps, au fur et à mesure que l'une des faces voyait son cœfficient de réflexion de la lumière solaire augmenter et l'autre diminuer. Si ce mécanisme se confirmait bien, cela ne lèverait le voile que sur une partie des énigmes de Japet. En effet, l'origine du matériaumatériau noir recouvrant l'autre partie de cette lune reste encore inconnue.

    Une hypothèse qui prend lentement du poids

    Malgré  tout, les planétologues favorisent de plus en plus une idée vieille de 30 ans. Le matériau charbonneux composant l'hémisphère noir de Japet proviendrait en fait de poussières libérées par d'autres lunes de Saturne proches, et qui spiraleraient en direction de cette dernière par attraction gravitationnelle. Au cours de son orbiteorbite, la face avant de Japet capturerait donc ce matériau poussiéreux, probablement carboné, et c'est ainsi que le processus de ségrégation thermique précédent aurait pu s'enclencher. Au final, cela expliquerait bien pourquoi il y a un contrastecontraste aussi fort entre les deux régions de la surface de ce corps céleste, avec une quasi absence de transition du blanc au noir par des zones grises.

    Les instruments de mesures à bord de Cassini ne fonctionnent pas seulement dans les bandes visible ou infra-rouge, ils sont capables d'observer aussi en ultravioletultraviolet. Il semblerait, d'après les analyses spectroscopiques en UV, que la composition exacte de la zone neigeuse ne se réduit pas à de la glace d'eau. Le décryptage du spectrespectre se poursuit mais déjà les chercheurs font remarquer que la proportion entre ce qui est de la glace d'eau, et ce qui ne l'est pas, n'est pas conforme à ce qu'ils attendaient. Ce qui bien sûr est très intéressant, car potentiellement riche en de nouvelles découvertes et indices pour mieux comprendre ce petit monde glacé et son origine.

    Tout aussi intéressantes sont les observations de petits cratères entourés d'éjectas de glace brillante dans la zone sombre de Japet. Cela semble confirmer l'idée que le matériau noir composant cette dernière forme une couche mince déposée sur une surface qui serait en fait uniformément blanche à l'origine : un résultat consistant avec les données radar fournies par l'avant dernier survol par Cassini et la théorie précédemment exposée pour expliquer les deux hémisphères de Japet.

    Enfin, l'une des questions les plus intrigantes à propos de Japet est probablement celle portant sur le mécanisme ayant produit la chaîne montagneuse courant le long de l'équateuréquateur et qui lui a valu l'appellation de « lune coquille de noixnoix » ou « walnut moon » en anglais. Les images montrent que cette formation est ancienne car assez cratérisée. De plus, la structure semble solidesolide bien qu'elle soit interrompue par endroits. Cela suffit déjà pour exclure l'idée qu'elle soit le reste d'un anneau autour de Japet qui se serait effondré.

    Nul doute que d'autres réponses arriveront dans les moisà venir, au fur et à mesure que les chercheurs dépouillent et analysent les données du survol de Japet par la sonde Cassini.