L’héliosphère est cette sorte de bulle qui protège l’ensemble de notre Système solaire des rayonnements cosmiques. Et depuis longtemps, les astronomes cherchent à la caractériser. Aujourd’hui, ils montrent que des particules venues de l’espace interstellaire sont probablement à l’origine de sa drôle de forme de « croissant dégonflé ».


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    La magnétosphère, vous en avez probablement déjà entendu parler. C'est ainsi que se nomme la région qui entoure notre Terre et la protège du vent solaire en particulier et des rayonnements cosmiques en général. Mais peut-être connaissez-vous moins l'héliosphère. C'est le nom que les scientifiques donnent à une sorte de bulle magnétique qui protège, elle, l'ensemble de notre Système solaire des rayonnements dans lesquels baigne l'espace interstellaire. Les chercheurs évoquent une bulle qui s'étend bien au-delà de notre petit coin de Voie lactée. Toutefois, ils en ignorent encore la forme exacte... et même la taille.

    L'ambition du projet Shield -- pour Solar-wind with Hydrogen IonIon Exchange and Large-scale Dynamics -- est de combiner théorie, modélisationmodélisation et observations pour créer des simulations complètes de l'héliosphère et de sa dynamique. Il y a un peu plus d'une année, en exploitant les données renvoyées par les missions Voyager, des chercheurs avaient ainsi conclu que cette héliosphère devait avoir une forme surprenante de... croissant dégonflé. Et quelques mois plus tard, d'autres en avaient proposé une carte 3D détaillée en se basant sur une technique semblable à celle du sonarsonar.

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    La première carte 3D de la zone d’influence du Soleil, l’héliosphère

    Aujourd'hui, toujours dans le cadre de l'ambitieux projet Shield (en français bouclier), des chercheurs -- ceux qui avaient déjà présenté l'héliosphère avec une forme de croissant dégonflé -- annoncent avoir fait une découverte qui pourrait éclairer notre compréhension de la façon dont le milieu interstellaire façonne l'héliosphère. Selon eux, les particules d'hydrogènehydrogène neutres provenant de l'extérieur de notre Système solaire jouent très probablement un rôle crucial dans la façon dont notre héliosphère prend forme.

    Une instabilité venue d’ailleurs

    Cette fois, les chercheurs ont particulièrement travaillé sur ce qu'ils appellent les jets héliosphériques, des jets de matièrematière et d'énergieénergie qui ressemblent à d'autres types de jets cosmiques et qui sont émis par les trous noirstrous noirs et les étoilesétoiles. Y compris notre SoleilSoleil. Et ce qui intrigue les astronomesastronomes, à propos de ces jets, c'est leur caractère instable. Leur forme irrégulière.

    Les astronomes impliqués dans le projet Shield se sont aperçus que, lorsqu'ils effacent l'hydrogène neutre de leurs modèles, ces jets provenant de notre Soleil, justement, deviennent extrêmement stables. Pour reproduire les observations réelles, il faut impérativement laisser de l'hydrogène neutre frapper et même ruisseler à travers notre Système solaire. Pour donner naissance à une instabilité qui perturberait le vent solaire et de fait, les jets qui émanent de notre Étoile.

    Les physiciensphysiciens connaissent ce phénomène sous le nom d'instabilité de Rayleigh-Taylor. Elle survient lorsque deux matériaux de densités différentes entrent en collision. Le matériaumatériau le plus léger pousse contre le matériau le plus lourd. La gravitégravité façonne alors des formes étonnamment irrégulières. Dans le cas des jets cosmiques, la traînée entre les particules d'hydrogène neutres et les ions chargés crée un effet similaire à la gravité.

    L’instabilité de Rayleigh-Taylor se manifeste dans la nébuleuse du Crabe. Un phénomène qui pourrait aussi être à l’origine de la drôle de forme de notre héliosphère. © allexxandarx, Adobe Stock
    L’instabilité de Rayleigh-Taylor se manifeste dans la nébuleuse du Crabe. Un phénomène qui pourrait aussi être à l’origine de la drôle de forme de notre héliosphère. © allexxandarx, Adobe Stock

    En attendant que les scientifiques trouvent le moyen d'observer directement l'héliosphère, ce modèle propose une explication de la rupture de sa forme dans les régions nord et sud. Et cela pourrait avoir des conséquences sur la façon dont les rayons cosmiquesrayons cosmiques galactiques pénètrent notre Terre et son proche environnement. Avec des effets notamment sur les menaces que ces rayonnements représentent pour la vie. Y compris pour celle des futurs colons de l’espace.


    Notre héliosphère serait influencée par le milieu interstellaire

    Sorte de bulle de vent solaire, l'héliosphère entoure le système solaire. Les dernières observations de la sonde Interstellar Boundary Explorer (IBEX) ont surpris les astrophysiciensastrophysiciens car elles défient pour le moment les modèles théoriques.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 26/10/2009

    La carte d'IBEX du flux de particules dans une bande d'énergies proche de 1,2 keV montre bien une intensité plus forte le long d'un ruban avec quelques zones possédant un flux particulièrement fort (en rouge). Crédit : Nasa
    La carte d'IBEX du flux de particules dans une bande d'énergies proche de 1,2 keV montre bien une intensité plus forte le long d'un ruban avec quelques zones possédant un flux particulièrement fort (en rouge). Crédit : Nasa

    Même entre les étoiles, l'espace n'est pas vide. Il est empli de gazgaz, de poussières et de rayons cosmiques. Le milieu interstellaire est d'ailleurs un peu comme l'atmosphèreatmosphère et la magnétosphère d'une planète pour une galaxiegalaxie, avec une chimiechimie complexe, une électrodynamique et une hydrodynamique riches et fascinantes.

    Il est bien connu que notre Soleil génère un flux de particules, essentiellement constitué de protonsprotons et d'électronsélectrons, en plus des photonsphotons libérés par les réactions thermonucléaires. Ce flux de particules chargées, c'est le vent solaire. Il traverse tout le système solaire et interagit avec le champ magnétiquechamp magnétique propre du Soleil puis avec les magnétosphères de la Terre et des autres planètes. Il produit alors des aurores, comme le montrent bien les images de Jupiter et Saturne prises par HubbleHubble.

    Le souffle du vent solaire repousse les gaz du milieu interstellaire jusqu'à un certain point et dans une certaine mesure, il nous protège des rayons cosmiques interstellaires tout comme la magnétosphère de la Terre le fait pour le vent solaire. Il se crée donc une sorte de bulle entourant le système solaire et probablement allongée dans la direction opposée au déplacement du système solaire autour du bulbe galactique de la Voie lactée.

    La forme et les limites de cette bulle, que l'on appelle l'héliosphère, fait l'objet de l'étude des astrophysiciens. Mais comme elle n'émet pas de lumièrelumière, il semble difficile de l'observer autrement qu'à l'aide de sondes s'approchant de sa limites, l'héliopausehéliopause. A son niveau se produit une onde de choc, une brusque discontinuité dans l'état du gaz.

    C'est effectivement ce qu'ont constaté les sondes Voyager en 2006 et 2007, à des distances de l'ordre de 14 à 15 milliards de kilomètres du Soleil, lorsqu'elles ont atteint l'héliopause.

    Ces observations, ponctuelles, sont insuffisantes pour dresser une carte des frontières de l'héliosphère. C'est pourtant ce qu'ont réussi à faire des chercheurs de la NasaNasa à l'aide de la sonde Interstellar Boundary Explorer (IBEX) en exploitant d'autres données.

    La stratégie pour y parvenir est simple. Lorsque les protons et les électrons du vent solaire rejoignent le milieu interstellaire à la frontière de l'héliosphère, ils peuvent se combiner avec le flux d'ions du milieu interstellaire pour former des atomesatomes neutres très énergétiques, fonçant en direction du centre du système solaire. Il suffit de mesurer ce flux, plus précisément les énergies associées à ces particules, pour en déduire des informations sur l'héliopause. En s'y prenant bien, on peut alors constituer une carte des caractéristiques des frontières de l'héliosphère.

    Mesuré par IBEX à différentes énergies (15 eV en haut et 600 eV en bas), le flux d'atomes neutres énergétiques est bien différent de celui que l'on prévoyait. On observe en particulier des zones plus riches en atomes d'hydrogène, d'hélium et d'oxygène. La zone <em>Nose</em> correspond à la direction de mouvement du Soleil autour de la Voie lactée. Crédit : Nasa
    Mesuré par IBEX à différentes énergies (15 eV en haut et 600 eV en bas), le flux d'atomes neutres énergétiques est bien différent de celui que l'on prévoyait. On observe en particulier des zones plus riches en atomes d'hydrogène, d'hélium et d'oxygène. La zone Nose correspond à la direction de mouvement du Soleil autour de la Voie lactée. Crédit : Nasa

    Après une première campagne d'observation de 6 mois, IBEX a fourni une première carte qui a stupéfié les astrophysiciens. Alors que les modèles théoriques indiquaient, en gros, que devait apparaître une zone approximativement ronde, correspondant aux atomes neutres les plus énergétiques, c'est une sorte de ruban que l'on observe !

    Celui-ci n'est, qui plus est, pas centré sur la zone faisant face au déplacement du Soleil. Une observation fine révèle des zones plus riches en atomes d'hydrogène ou d'oxygèneoxygène avec en plus des énergies différentes.

    Les astrophysiciens sont donc pour le moment perplexes. Il semblerait toutefois que le ruban soit lié aux lignes de champs magnétiques parcourant la Galaxie, ce qui suggère que les champs magnétiques interstellaires ont une influence bien plus grande qu'on ne le pensait sur la forme et la structure de l'héliosphère. C'est une découverte importante car cela signifie qu'il existe un lien plus étroit qu'on ne l'imaginait entre l'intérieur de l'héliosphère et les conditions du milieu interstellaire dans la Voie lactée.

    En effet, on l'a dit, l'héliosphère joue un peu le rôle de la magnétosphère de la Terre vis-à-vis des rayons cosmiques interstellaires, c'est-à-dire qu'elle nous en protège en grande partie. Si cette protection peut être affectée par ce qui se passe en dehors de l'héliosphère, on comprend l'intérêt d'en déterminer les mécanismes. Cela pourrait être utile pour des vols interplanétaires courants et de longues duréesdurées lors de la colonisation du système solaire par exemple. Cela rendrait d'autant plus nécessaire l'utilisation de boucliers magnétiques.

    On peut obtenir plus de détails sur les résultats de la mission IBEX en lisant les articles publiés par Science ou, plus simplement , en regardant cette vidéo.