Une équipe française d'astrochimistes a montré qu'au moins une des bases de l'ADN pouvait se former à la surface des poussières glacées dans la nébuleuse protosolaire où est né le Système solaire il y a 4,56 milliards d'années environ. Cette brique de la Vie pouvait donc se retrouver plus tard sur la Terre primitive.


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    Le prix Nobel de physique 2019 a récompensé les pionniers de la découverte des exoplanètes. Au 7 février 2020, la noosphère du géochimiste Vladimir Vernadsky et du géologuegéologue et paléontologuepaléontologue Pierre Teilhard de Chardin, l'esprit collectif en quelque sorte de l'Humanité, en a identifié 4.177. Mais d'autres candidats à ce titre sont en cours de vérification et on s'attend à une nouvelle moisson de résultats avec le satellite Tess, le successeur de Kepler. Il semble clair désormais que la formation planétaire est un processus aussi universel que la formation des étoiles, au moins dans la Voie lactée. Mais qu'en est-il de la vie telle que nous la connaissons sur Terre ?

    Ces dernières décennies, les cosmochimistes et les astrochimistes ne sont pas restés inactifs de leur côté non plus. De nombreuses molécules organiques relevant d'une chimie prébiotiqueprébiotique pouvant faire naître la vie ont été repérées dans les nuagesnuages moléculaires et poussiéreux où naissent les pouponnières d'étoiles partout dans notre GalaxieGalaxie, mais aussi dans les météoritesmétéorites (des acides aminésacides aminés, des sucressucres, des bases azotées) et les comètescomètes du Système solaireSystème solaire issues d'un de ces nuages. Récemment d'ailleurs, les données du radiotélescoperadiotélescope Alma avec celles de la composition de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ont permis de dresser une sorte d'arbrearbre généalogique cosmique des atomes de phosphore composant l'ADN et les membranes de nos cellules.

    Comme l'expliquait Futura, dans le précédent article ci-dessous, on a ainsi toutes les raisons de penser que le bombardement météoritique et cométaire intense qui s'est produit sur Terre au cours de l'HadéenHadéen, le premier éon de son histoire il y a plus de 4 milliards d'années, a donc amené sur notre Planète d'importantes quantités de matériaux rendant possible l'apparition de la Vie. Ce processus pourrait avoir aussi été universel avec des exoplanètes potentiellement habitables.


    « La géochimie et la cosmochimie, c'est l'étude des éléments chimiques pour comprendre l'histoire de la Terre et des planètes... ». Entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l'Université Paris Diderot, et des membres de l'équipe. © Chaîne IPGP

    Des glaces interstellaires fertiles en réactions chimiques prébiotiques

    De multiples travaux et expériences sont menés pour comprendre comment sont nées les molécules prébiotiques, en particulier dans les enveloppes de glace des poussières du nuage interstellairenuage interstellaire qui contenait la nébuleusenébuleuse protosolaire. Aujourd'hui, un communiqué du CNRS nous apprend que des chimistes et des astrophysiciensastrophysiciens du laboratoire PhysiquePhysique des interactions ioniques et moléculaires (PIIM, CNRS/Aix-Marseille Université) et de l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP, CNRS/Université de Poitiers) ont démontré que l'une des cinq bases nucléiquesbases nucléiques qui servent de briques à l'ADN, en l'occurrence la cytosinecytosine, pouvait bien être synthétisée dans les gangues de glace des poussières occupant les régions froides de la nébuleuse protosolaire, d'où a émergé le disque protoplanétairedisque protoplanétaire du Système solaire primitif. L'article exposant leur travail vient d'être publié dans la revue The Astrophysical Journal Letters.

    Les astrochimistes ont reproduit dans un réacteur chimique les conditions régnant dans cette nébuleuse parcourue par les particules des rayons cosmiquesrayons cosmiques et les photonsphotons ultravioletsultraviolets des jeunes étoiles. Ces rayonnements sont responsables d'une chimie active en brisant en radicaux libresradicaux libres les molécules initialement contenues dans les glaces d'eau, de méthanol et d'ammoniacammoniac qui se sont formées à basse température (77 K) et basse pressionpression (10-7 mbar) autour d'analogues des poussières interstellairespoussières interstellaires présentes dans le réacteur chimique.

    Les chercheurs pensent qu'il n'est pas seulement possible d'obtenir de la cytosine mais aussi les quatre autres bases nucléiques qui forment les nucléotidesnucléotides composant l'ADN et l'ARNARN, à savoir l'adénineadénine, la guanineguanine, la thyminethymine et l'uracileuracile.

    En effet, les techniques de spectrométrie de massespectrométrie de masse, utilisées pour identifier les molécules produites par les réarrangements très actifs entre les radicaux libres produits par les rayonnements dans les gangues de glace, ont permis d'identifier des isomèresisomères de ces quatre bases nucléiques. Elles pourraient même s'être formées dans les expériences conduites mais la précision des mesures n'est pas encore suffisante pour affirmer que tel a bien été le cas.

     


    Exobiologie : des bases de l'ADN peuvent naître dans l'espace

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco du 01/10/2019

    Une équipe de chercheurs japonais a montré que plusieurs des bases azotées qui sont des constituants fondamentaux de l'ADN pouvaient se former dans le milieu interstellaire et ensuite être incorporées dans les météorites et comètes frappant la jeune Terre. Cela renforce la thèse qu'une chimie prébiotique universelle peut faire naître la Vie partout dans la Voie lactée et au-delà.

    On aura probablement de la peine à croire que le modèle de la formation des planètes du Système solaire à partir d'une nébuleuse protosolaire, qui s'effondre en donnant un disque protoplanétaire, n'était pas le principal modèle considéré par les cosmogonistes avant le début des années 1970. Au début du XXe siècle par exemple, c'était l'idée que les planètes s'étaient formées à partir d'un lambeau de matièrematière solaire arraché par le passage rapproché d'une étoile qui était avancée. Plus généralement, plusieurs des modèles proposés, de ceux de James Jeans à Fred Hoyle en passant par celui de Thomas Chamberlin et Forest Moulton, impliquaient que la formation des systèmes planétaires devaient être rare dans la Voie lactée, notamment parce que les étoiles passent rarement suffisamment près les unes des autres pour qu'opèrent plusieurs des scénarios envisagés.

    Depuis le début du XXIe siècle nous savons désormais, comme on pouvait le croire facilement depuis 50 ans avec le retour en grâce de l'hypothèse de la nébuleuse de Kant-Laplace, que la formation planétaire est un processus universel et inévitable. Dans la quête de nos origines, la prochaine étape est donc celle de l'origine de la Vie proprement dite. S'agit-il également d'un processus universel, comme on peut le croire là aussi du fait de la découverte des molécules organiques interstellaires et de la présence de briques de la Vie dans les météorites, ou a contrario d'un évènement rare, ce qui donnerait une solution simple au paradoxe de Fermi ?

    Pour tenter de le savoir, comme Futura l'avait expliqué dans plusieurs des articles précédents ci-dessous, les astrochimistes reproduisent en laboratoire les conditions régnantes dans les nuages moléculaires denses et froids où naissent de jeunes étoiles émettant un rayonnement ultraviolet intense, comme le montre l'exemple des Piliers de la création situés dans la nébuleuse de l'Aigle, au cœur de l'amas ouvertamas ouvert M16M16.


    Les années passant, on découvre de plus en plus que des briques de la Vie et de l'ADN peuvent apparaître sur la poussière du milieu interstellaire et finalement dans les météorites à l'aube de l'histoire du Système solaire. Cette vidéo de la Nasa en est un bon exemple. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

    Les nuages moléculaires et le début de la chimie prébiotique

    Plusieurs des météorites trouvées sur Terre contiennent des acides aminés, des sucres, et mêmes des bases azotées de l'ADN et de l'ARN. Le bombardement météoritique et cométaire intense de l'Hadéen, il y a plus de 4 milliards d'années a donc amené sur Terre d'importantes quantités de matériaux rendant possible une chimie prébiotique (ces matériaux ont de toute façon pu être synthétisés in situ comme le laissent penser des expériences comme celle de Miller). Or, ces météorites et ces comètes sont nées à partir des molécules et des poussières du nuage interstellaire qui contenait la nébuleuse protosolaire.

    On peut donc raisonnablement penser que ces phénomènes se sont produits également lors de la formation d'exoplanètes de type terrestre. On prend donc toute la mesure de l'annonce d'une équipe japonaise publiée dans un article du journal Nature Communications. Pour la première fois, des astrochimistes ont démontré que des bases azotées de l'ADN et de l'ARN pouvaient être synthétisées par les nuages interstellaires soumis au rayonnement ultraviolet des étoiles (les expériences précédentes ayant fourni des résultats similaires n'avaient pas été faites à basse température de l'ordre de 10 kelvinskelvins dans ces nuages).

     Le ribose se forme dans le manteau de glace des grains de poussière, à partir de molécules précurseurs simples (eau, méthanol et ammoniac) et sous l'effet de radiations intenses. © Cornelia Meinert (CNRS) & Andy Christie (Slimfilms.com)
    Le ribose se forme dans le manteau de glace des grains de poussière, à partir de molécules précurseurs simples (eau, méthanol et ammoniac) et sous l'effet de radiations intenses. © Cornelia Meinert (CNRS) & Andy Christie (Slimfilms.com)

    Ces molécules sont apparues dans des expériences en laboratoire de simulation de ces nuages similaires à celles ayant déjà conduit à la formation des sucres et phosphatesphosphates que l'on trouve, avec des bases azotées, à l'origine des nucléotides, les composants fondamentaux de l'ADN et de l'ARN.

    En l'occurrence, Yasuhiro Oba et ses collègues de l'université de Hokkaido, de l'université de Kyushu et de l'Agence japonaise pour la science et la technologie de la Terre et de la Terre (Jamstec) ont mené des expériences dans une chambre de réaction à ultra-vide où un mélange gazeux d'eau, de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone, d'ammoniac et de méthanol a été alimenté en continu sur un analogue des poussières cosmiques à une température de -263 °C. Deux lampes à décharge de deutérium fixées fournissaient une lumièrelumière ultraviolette pour provoquer des réactions chimiquesréactions chimiques dans le film glacé qui s'est formé autour des analogues de poussière, comme, on le suppose, autour des grains des nuages moléculaires.

    Un spectromètrespectromètre de masse à haute résolutionrésolution et un chromatographe en phase liquideliquide à haute performance ont permis de détecter la présence des nucléobases cytosine, uracile, thymine, adénine, xanthine et hypoxanthine. Ils ont également détecté des acides aminés et plusieurs types de dipeptides, ou dimères d'acides aminés, initiant donc la formation de protéinesprotéines.

    Les bases nucléiques fondamentales détectées dans un environnement simulé, celui d'un nuage interstellaire. © Hokkaido University
    Les bases nucléiques fondamentales détectées dans un environnement simulé, celui d'un nuage interstellaire. © Hokkaido University

    Exobiologie : le sucre de l'ADN peut naître dans le milieu interstellaire

    Article de Laurent Sacco publié le 21/12/2018

    Une équipe de chercheurs de la NasaNasa a montré que le 2-désoxyribosedésoxyribose, un sucre qui est un constituant fondamental de l'acide désoxyribonucléiqueacide désoxyribonucléique - le mythique ADN -, pouvait se former dans le milieu interstellaire et ensuite être incorporées dans les météorites et comètes frappant la jeune Terre. Cela renforce la thèse qu'une chimie prébiotique universelle peut faire naître la Vie partout dans la Voie lactée et au-delà.

    Il y a plus de 60 ans, alors que la conquête spatiale commençait vraiment, tous les astrochimistes, ou peu s'en faut, s'attendaient à trouver des molécules organiques à la surface des planètes comme Mars, ou des satellites comme la LuneLune, mais certainement pas dans l'environnement froid et hostile du milieu interstellaire. On savait déjà qu'il était parcouru par des rayons cosmiques très énergétiques, dont certains sont même des particules d'antimatièreantimatière. Cela semblait impliquer que la chimie du milieu interstellaire se devait d'être pauvre. En tout état de cause, les fragiles molécules organiques ne devaient pas y survivre longtemps.

    Et pourtant, l'ouverture de la fenêtrefenêtre des ondes centimétriques et décimétriques en radioastronomie révéla l'existence dans ce milieu, d'abord du radical hydroxyleradical hydroxyle HO (en 1963) et ensuite des premières molécules polyatomiques : l'ammoniac NH3 (en 1968), l'eau (H2O) et le formaldéhydeformaldéhyde H2CO (en 1969). L'accès à la fenêtre observationnelle des ondes millimétriques et submillimétriques, à partir des années 1970, allait conduire finalement à une explosion qui a permis de découvrir la plupart des molécules interstellaires. Plus de 150 sont connues à ce jour.

    Depuis, on envisage sérieusement qu'une chimie prébiotique très active et complexe se produit déjà dans les nuages ​​moléculaires interstellaires denses où se forment de nouvelles étoiles et planètes. Les molécules produites, briques de la vie ou précurseurs de ces briques, se seraient alors trouvées dans les météorites et comètes bombardant les jeunes exoterresexoterres en formation. Ce scénario est testable de multiples façons, aussi bien en poursuivant les observations qu'en analysant sur Terre les météorites et en reconstituant en laboratoire ce qui se passe dans ces nuages interstellaires.

    On sait ainsi que les grains de poussière silicatés et carbonés dans ces nuages sont à des températures de 4 à 10 kelvins environ et qu'ils sont enrobés d'une couche essentiellement formée de glaces, d'eau principalement mais pas seulement, car l'hydrogènehydrogène, l'héliumhélium et le néonnéon gèlent sur ces grains de poussière froids. En fait, l'étude des spectresspectres infrarougesinfrarouges des nuages interstellaires montre que la composition de ces glaces varie en fonction des conditions physiques locales. Généralement dominées par H2O, elles contiennent souvent une foule d'autres molécules simples, notamment le méthanol (CH3OH), le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), etc.

    Le milieu interstellaire reconstitué sur Terre

    On sait aussi que ces glaces sont exposées à diverses formes de rayonnement de hautes énergiesénergies, des rayons cosmiques mais surtout des photons ultraviolets (UV), capables de rompre bon nombre des liaisons chimiquesliaisons chimiques des molécules dans les glaces. Cela entraîne la production d'ionsions, de radicaux et d'autres espèces chimiquesespèces chimiques hautement réactives qui peuvent réagir pour former de nouveaux composés chimiques qui n'existaient pas auparavant dans la glace.

    Les chercheurs états-uniens de l'Ames’ Astrophysics and Astrochemistry Lab, en Californie, explorent ces phénomènes depuis des années en reconstituant en laboratoire les conditions du milieu interstellaire (voir le précédent article de Futura, ci-dessous). Et tout récemment, ils sont arrivés à un résultat très intéressant dont ils ont rendu compte dans un article publié dans Nature Communications.

    Ils ont introduit un mélange gazeux de vapeur d'eau et de méthanol dans une chambre avec un vide poussé de 10-8 millibars (la pression sur Terre est de un barbar) où des températures de 4 à 15 K peuvent être reproduites. De la glace se forme alors, qui a été bombardée par des photons UV similaires à ceux des jeunes étoiles dans les nuages interstellaires.

    L'analyse de ces glaces a montré pour la première fois qu'elle contenait du désoxyribose (C5H10O4), ou plus exactement le 2-désoxyribose, un pentosepentose dérivé du ribose et qui constitue la charpentecharpente de l'acide désoxyribonucléique, c'est-à-dire l'ADN, alors que le riboseribose est la charpente de l'ARN.

    Cette découverte laisse songeur car l'on a mis en évidence la présence d'acides aminés et d'une véritable base azotée de l'ADN dans des météorites. Cela conforte bien un scénario dans lequel la chimie prébiotique est universelle. Elle se développe déjà dans le milieu interstellaire et devrait donc faire naître la vie sur bien des exoplanètes habitables dans la Voie lactée et au-delà.


    Une des bases de l'ARN peut apparaître dans l'espace

    Article de Laurent Sacco publié le 13/11/2009

    Des chercheurs de la Nasa viennent de synthétiser en laboratoire l'une des lettres du code génétiquecode génétique. En simulant les conditions régnant à l'intérieur des nuages interstellaires, les cosmochimistes ont vu apparaître une des bases de l'ARN, l'uracile.

    Il y a 50 ans, la plupart des rares chercheurs spéculant sur les conditions de l'apparition de la vie dans le cosmoscosmos auraient certainement déclaré impossible l'existence de molécules organiques ailleurs qu'à la surface ou dans l'atmosphèresatmosphères des planètes.

    Ils avaient tort...

    Ce n'est pas à la surface de la Lune mais à l'intérieur des nuages moléculaires riches en poussières que l'on découvrit des dizaines de molécules carbonées, comme le méthane (CH4), l'alcoolalcool éthylique (C2H5OH), l'acide acétique (CH3COOH), l'acétoneacétone (CH3COCH3) et même un sucre, le dihydroxyacétone ((CH2OH)2CO).

    L'étude des météorites révéla aussi son lot de surprises avec la découverte d'acides aminés dans certaines d'entre elles, et surtout, des hydrocarbures aromatiqueshydrocarbures aromatiques polycycliques, communément appelés HAP, qui peuvent servir à la synthèse de molécules organiques importantes pour les êtres vivants.

    On commença donc à envisager l'hypothèse que des briques de la vie n'étaient pas apparues sur Terre des suites de processus géochimiques similaires à ceux proposés dans le cadre de la célèbre expérience de Stanley Miller. Elles auraient été synthétisées d'abord dans l'espace puis apportées sur Terre par les météorites. Au cours des ans, devait alors se constituer la toute jeune discipline qu'est l'exobiologieexobiologie, ou astrobiology comme l'on dit dans les pays anglo-saxons.

    © R. Ruiterkamp-Observatoire de Lieden
    © R. Ruiterkamp-Observatoire de Lieden

    Pour expliquer l'apparition dans les nuages moléculaires et dans les météorites de composés organiques, on fait intervenir une chimie complexe dans la fine couche de glace enrobant les poussières carbonées et silicatées que l'on sait exister dans ces nuages. Les réactions sont produites sous l'action des rayons ultraviolets émis par les jeunes étoiles venant de naître dans certains de ces nuages. La température dans ces derniers est d'une dizaine de kelvins tout au plus et la pression est y très faible. Peu denses, les nuages moléculaires le sont tout de même suffisamment pour absorber une grande partie des ultraviolets et ainsi empêcher que ce rayonnement détruise les molécules qu'il a engendrées.

    Une comparaison entre les molécules de pyrimidine et d'uracile. © Nasa
    Une comparaison entre les molécules de pyrimidine et d'uracile. © Nasa

    Des briques essentielles de la vie sur Terre

    C'est pour simuler cette cosmochimie que des chercheurs du NASA's Ames Research Center ont mélangé de la pyrimidine et à de la glace et ont exposé ce cocktail à un rayonnement ultraviolet intense dans un vide poussé. La pyrimidine est une molécule azotée hétérocyclique aromatique (C4H4N2) voisine de la pyridine et comportant deux atomesatomes d'azoteazote. Or certains de ses dérivés, parmi ce qu'on appelle les bases pyrimidiques, sont aussi bien connus des biologistes puisqu'il s'agit des bases azotées, cytosine, thymine et uracile, que l'on trouve dans l'ADN et l'ARN.

    La pyrimidine elle-même n'a pas encore été détectée dans les nuages moléculaires mais comme les HAP l'ont été, on a de bonnes raisons de penser qu'elle doit y être présente. Cependant, rien n'empêchait de tester la résistancerésistance de la pyrimidine à des conditions semblables à celles auxquelles sont soumises les poussières glacées dans les nuages moléculaires ou dans les comètes. Surtout, il s'agissait d'explorer la possibilité de voir apparaître des bases pyrimidiques.

    Un zoom sur le dispositif à ultravide avec de la glace enrichie en pyrimidine exposée à des photons UV. © Nasa
    Un zoom sur le dispositif à ultravide avec de la glace enrichie en pyrimidine exposée à des photons UV. © Nasa

    Les chercheurs ont découvert que non seulement la pyrimidine était plutôt bien protégée des photons UV destructeurs une fois qu'elle se trouvait dans la glace mais qu'effectivement des réactions photochimiques conduisaient à la fabrication de l'uracile, la fameuse base azotée, désignée par la lettre U, que l'on trouve dans l'ARN.

    Ce sont donc des résultats encourageants pour les exobiologistes car ils donnent encore plus de poids à l'idée qu'une part importante des réactions chimiques prébiotiques s'est déroulée dans l'espace et pas sur Terre, peut-être même dans les comètes .

    S'il était encore parmi nous, cette découverte aurait certainement beaucoup plu à Carl Sagan. Le 9 novembre 2009, le grand planétologue et exobiologiste, devenu mondialement célèbre avec la série Cosmos, aurait eu 75 ans.

    De gauche à droite, Stefanie Milam, Michel Nuevo et Scott Sandford devant le dispositif simulant les conditions régnant dans les nuages moléculaires. © Dominic Hart/Nasa
    De gauche à droite, Stefanie Milam, Michel Nuevo et Scott Sandford devant le dispositif simulant les conditions régnant dans les nuages moléculaires. © Dominic Hart/Nasa