Consciente des enjeux scientifiques et technologiques, des avancées et retombées, que représentent la construction et l'exploitation du radiotélescope SKA, la France a décidé de se joindre à ce projet des plus ambitieux qui consiste à réaliser un observatoire d'une surface collectrice équivalente à un kilomètre carré ! Les explications de Guy Perrin, directeur adjoint scientifique astronomie et astrophysique à l’Institut national des sciences de l’univers du CNRS.


au sommaire


    La France vient d'annoncer qu'elle devient membre de l'organisation intergouvernementale du Square Kilometre Array (SKA) qui « assurera la constructionconstruction puis l'exploitation de ce qui sera le plus grand instrument de recherche en radioastronomie pour les 10 à 20 ans à venir », souligne le communiqué de presse du CNRS.

    Comme nous explique Guy Perrin, directeur adjoint scientifique astronomie et astrophysique à l'Insu, l'Institut national des sciences de l'univers du CNRS, le « Square Kilometre Array (SKA) est un projet de radiotélescope géant, de surface collectrice équivalente à un kilomètre carré, comme son nom l'indique, constitué de plusieurs réseaux interférométriques dans les longueurs d'onde métriques et centimétriques ». Il est prévu de déployer SKA sur deux sites, en Afrique du Sud et en Australie, avec un « déploiement qui se déroulera en deux phases séparées dans le temps ».

    Le plus grand radiotélescope au monde, le projet SKA, sera construit sur deux sites distants de 9.000 kilomètres l'un de l'autre. Les 3.000 antennes que comptera ce radiotélescope seront installées en Afrique du Sud et en Australie. Elles seront mises en réseau et reliées entre elles pour former un télescope radio d'un kilomètre carré, d'où son nom de <em>Square Kilometre Array</em>, qui sera 50 fois plus sensible que les actuels radiotélescopes les plus puissants. © SPDO, TDP, DRAO, Swinburne Astronomy Productions
    Le plus grand radiotélescope au monde, le projet SKA, sera construit sur deux sites distants de 9.000 kilomètres l'un de l'autre. Les 3.000 antennes que comptera ce radiotélescope seront installées en Afrique du Sud et en Australie. Elles seront mises en réseau et reliées entre elles pour former un télescope radio d'un kilomètre carré, d'où son nom de Square Kilometre Array, qui sera 50 fois plus sensible que les actuels radiotélescopes les plus puissants. © SPDO, TDP, DRAO, Swinburne Astronomy Productions

    La première phase, SKA1 « débutera dès cette année et verra l'installation d'environ 10 % du réseau final, sous forme d'environ 200 antennes paraboliques en Afrique du Sud et 130.000 antennes dans l'Ouest australien ». Cette phase devrait durer huit ans avec la « première lumière » et les « premières opportunités d'observations scientifiques au milieu des années 2020 ». Suivra ensuite la phase 2, qui n'est pas encore planifiée, mais seulement envisagée à l'horizon 2030. Dans cette configuration finale, le SKA sera « l'instrument ultime de la radioastronomie basse fréquence du XIXe siècle ». Pour l'instant, il n'y a pas de calendrier précis mais l'observatoire n'a « pas besoin de la totalité des antennes prévues pour fonctionner ». Son mode de fonctionnement par interférométrieinterférométrie le rend très modulaire, ce qui permet d'étaler sa construction dans le temps avec un programme d'observations scientifiques.

    Des résultats majeurs attendus dans beaucoup de domaines

    Les avancées scientifiques attendues, avec notamment « l'observation des premières sources lumineuses ou la détection d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles par chronométrage des pulsarspulsars par exemple », ne sont pas les seuls intérêts qui ont poussé la France à rejoindre ce projet d'ampleur en raison des « résultats majeurs attendus dans beaucoup de domaines de l'astronomie ».

    Il faut savoir que la réalisation du SKA et son installation dans des régions désertiques sans aucune infrastructure pour le faire fonctionner « présente des défis technologiques majeurs dans de nombreux domaines ». On citera en exemple la production et le stockage d'énergie renouvelableénergie renouvelable (l'énergie intelligente), tout ce qui a trait au big databig data, c'est-à-dire l'électronique et du calcul très haute performance, ainsi que celui de l'exploitation des massesmasses de données à l'échelle dite exa ou, autre exemple, les récepteurs dans les différentes bandes de fréquence.

    Un des deux champs d'antennes du SKA. À l'image, une partie des 200 paraboles de 15 mètres qui seront installées dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. L'autre champ se situera en Australie. © SKA
    Un des deux champs d'antennes du SKA. À l'image, une partie des 200 paraboles de 15 mètres qui seront installées dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. L'autre champ se situera en Australie. © SKA

    Des retombées scientifiques mais également des technologies innovantes

    Les retombées économiques et les avancées technologiques attendues « justifient elles aussi les efforts budgétaires consentis par la France pour rejoindre l'organisation intergouvernementale SKA ». En effet, les règles du retour industriel propres au projet garantissent, plus ou moins proportionnellement à la contribution, les retombées aux industriels des pays concernés. Mais, « l'attrait économique est dans ce retour industriel, et dans de solidessolides perspectives d'avancées technologiques dans le big data, la production et le stockage d'énergies propres par exemple ». Une montée en gamme qui suscite l'intérêt de grands groupes industriels à forte composante française qui se sont déjà manifestés tels que AirAir LiquideLiquide, ATOSBull, CallistoCallisto, CNIM, FEDD, Kalray, ThalèsThalès. Tous conscients que les développements réalisés dans le cadre du SKA pourraient leur donner des « avantages significatifs dans des marchés très concurrentiels dans le monde des marchés d'avenir, notamment ceux liés au big data et à l'énergie intelligente ».

    Le saviez-vous ?

    Parmi les objectifs scientifiques structurant le projet SKA, le sujet scientifique le plus dimensionnant du SKA est lié à la « cosmologie, avec l'étude des époques les plus reculées de l'histoire de l'Univers, et à plusieurs questions de physique fondamentale ». En matière d'observation, son principal outil est « l'utilisation de la raie 21 cm de l'hydrogène », ce qui devrait donner des informations inédites sur la « réionisation de l'Univers ». Dit autrement, le SKA observera « l'aube cosmique, une période marquée par la transition entre les âges sombres et la naissance des premières étoiles ». C'est aussi à cette période que sont nées les grandes structures de l'Univers, dont la toile cosmique, qui ont formé l'Univers tel que nous l'observons aujourd'hui.

    Concrètement, le SKA devrait être capable d’observer les « premières sources lumineuses de l’Univers en regardant dans la raie de l’hydrogène neutre », à la sortie des âges sombres, seulement 380.000 ans après la formation du Big Bang.

    Les scientifiques s’attendent à ce que lorsque l’hydrogène s’assemble pour former des étoiles, leur rayonnement devrait ioniser l’hydrogène, ce qui produit un déficit en hydrogène neutre. Du coup, la disparition de la raie à 21 cm (la structure super fine de l’hydrogène est responsable du célèbre signal à 21 cm), devrait nous permettre de « voir l’empreinte des premières sources lumineuses de l’Univers ».

    Le SKA est un projet de l'ordre du milliard de dollars avec le Royaume-Uni, l'Australie et l'Afrique du Sud comme principaux pays contributeurs. La participation de la France, dont le montant n'a pas été rendu public, est financée par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. L'équipe française du projet SKA envisage des actions par ailleurs pour « bénéficier, sur le plan du numériquenumérique et de l'énergie d'un soutien financier du Plan de relance gouvernemental mis en place pour faire face à l'épidémieépidémie de Covid-19Covid-19 ».


    Télescope SKA : la France a rejoint l’organisation du SKA

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt, publié le 07/08/2018

    Le projet du plus grand télescopetélescope radio jamais construit, avec une surface collectrice effective d'un kilomètre carré, est sur le point d'aboutir. Le consortium SKA-France vient de devenir le 12e membre de SKA-O, organisation chargée de l'étude de faisabilité. Guy Perrin, directeur adjoint scientifique astronomie et astrophysique à l'Institut national des sciences de l'univers du CNRS, nous explique brièvement ce projet inédit, par ses objectifs scientifiques et pas ses défis technologiques.

    Le Square Kilometre Array (SKA) est un des projets majeurs de l'astronomie au sol au niveau mondial dont les objectifs scientifiques concernent de nombreuses questions fondamentales sur l'origine de l'univers observable, les composantes encore inconnues de notre monde comme la matière noirematière noire et l'énergie noireénergie noire et sur les interactions fondamentales entre les constituants de l'Univers.

    Il y a quelques jours, un consortium français a rejoint « l'organisation chargée de l'étude de faisabilité du projet », nous explique Guy Perrin, directeur adjoint scientifique astronomie et astrophysique à l'Institut national des sciences de l'univers du CNRS. Ce radiotélescope interféromètrique, « le plus grand instrument scientifique jamais construit », représente un saut en sensibilité de deux ordres de grandeurordres de grandeur par rapport à l'instrument de référence actuel, le JVLA (Jansky Very Large Array). La raison principale de développer un si grand télescope radio est d'observer les signaux radio de sources galactiques ou extragalactiques très faibles, telles que des galaxiesgalaxies distantes, ce que ne peuvent pas faire les radiotélescopes actuels par manque de sensibilité. Compte tenu du très fort intérêt de la communauté astronomique française, en raison des résultats « majeurs attendus dans la plupart des domaines de l'astronomie » et comme on peut s'y attendre pour un projet de cette ampleur, « la France se doit d'y participer ».

    Observer les premières étoiles, voire les voir s'éclairer

    Le sujet scientifique le plus dimensionnant du SKA est lié à la « cosmologiecosmologie, avec l'étude des époques les plus reculées de l'histoire de l'Univers, et à plusieurs questions de physiquephysique fondamentale ». En terme d'observation, son principal outil est « l'utilisation de la raie 21 cm de l'hydrogènehydrogène », ce qui devrait donner des informations inédites sur la « réionisationréionisation de l'Univers ». Dit autrement, le SKA observera « l'aubeaube cosmique, une période marquée par la transition entre les âges sombresâges sombres et la naissance des premières étoilesétoiles ». C'est aussi à cette période que sont nées les grandes structures de l'Univers, dont la toile cosmique, qui ont formé l'univers tel que nous l'observons aujourd'hui.

    Ce télescope géanttélescope géant radio sera utilisé pour contraindre les scénarios de formation et d'évolution des galaxies et sera aussi utilisé dans le domaine de l'astronomie gravitationnelle avec les « pulsars millisecondes comme référence de temps » et l'étude du magnétisme de l’Univers, avec comme objectif principal de « chercher le champ magnétiquechamp magnétique primaire ».

    Le SKA offrira sûrement des découvertes inattendues qui pousseront les limites de la connaissance et ouvrira d'autres champs d'investigation encore inexplorés. Il pourrait même être capable de découvrir des civilisations extraterrestres en captant leurs signaux. En effet, l'hydrogène étant l'élément le plus abondant de l'Univers, cette raie 21 cm est aussi utilisée pour communiquer avec des extraterrestres. La poussière interstellairepoussière interstellaire étant de plus transparente au rayonnement radio proche de la raie à 21 cm, on peut penser que des communications entre civilisations à travers la Voie lactéeVoie lactée au moyen d'ondes radio pourraient se faire à ces longueurs d'ondelongueurs d'onde.

    Un des deux champs d'antennes du SKA. À l'image, une partie des 200 paraboles de 15 mètres qui seront installées dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. L'autre champ se situera en Australie. © SKA
    Un des deux champs d'antennes du SKA. À l'image, une partie des 200 paraboles de 15 mètres qui seront installées dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. L'autre champ se situera en Australie. © SKA

    Pour l'instant, le consortium français a seulement rejoint l'organisation du SKA, ce qui doit lui « permettre de participer aux prises de décisions, notamment sur sa construction et d'identifier les premiers programmes d'observations qui seront réalisés ». L'autre intérêt du consortium qui comprend cinq organismes de recherche (le CNRS, les universités de Bordeaux et d'Orléans, l'Observatoire de Paris-PSL et l'Observatoire de la Côte d'Azur) ainsi que sept industriels (Air Liquide, ATOS-Bull, Callisto, CNIM, FEDD, Kalray, Thales Alenia Space), c'est aussi d'être présent dès maintenant dans le projet pour que « nos industriels puissent bénéficier d'un retour conséquent ».

    Cette construction se «  déroulera en deux phases séparées dans le temps ».

    La phase 1, dont le coût est estimé à environ 670 millions d'euros et dont le démarrage est prévu pour 2020 avec une mise en service à l'horizon 2024. Cette phase consiste « à installer environ 10 % du réseau final », sous forme de deux radiotélescopes à construire dans les désertsdéserts du Karoo (Afrique du Sud) et de Murchinson (Australie) et qui compteront environ 200 antennes paraboliques en Afrique du Sud et 130.000 antennes phasées fixes travaillant aux basses fréquences dans l'ouest australien. Dans cette configuration, SKA1 représentera un « saut qualitatif immense par rapport aux instruments existants » et permettra des avancées « décisives dans toutes les thématiques de l'astrophysique et de la physique modernes, comme la cosmologie, l'origine des champs magnétiques cosmiques, le milieu interstellaire, la formation des étoiles aux différentes époques de l'univers, les ondes gravitationnelles ».

    Quant à la Phase 2, elle est « seulement envisagée pour les années 2030 ». Dans cette configuration finale, SKA2 sera l'instrument « ultime de la radioastronomie basse fréquence du XXIe siècle pour les 50 prochaines années ».

    Cette construction en deux phases s'explique par la « nécessité de baisser de façon très significative les coûts de construction ». Une stratégie inédite rendue possible par les défis technologiques majeurs propres à la réalisation de cet observatoire, « installé dans des régions désertiques sans aucune infrastructure pour le faire fonctionner », que ce soit dans le domaine de la production et le stockage d'énergie renouvelable ou tout ce qui a trait au big data. 

    Le big data au cœur de cet observatoire géant 

    Il faut savoir qu'une partie « non négligeable du coût du SKA est liée aux traitements des données » dont le flux sera phénoménal. Les antennes moyennes et hautes fréquences (au-dessus de 500 mégahertz), situées en Afrique du Sud « produiront chaque seconde une dizaine de téraoctets » tandis que celles d'Australie, à basses fréquences (en dessous de 500 mégahertz), « généreront un pétaoctet de données chaque seconde ».

    L'organisation du SKA fait donc le « pari qu'au fil du temps les avancées dans ces domaines clés permettront de réduire les coûts » et suppose que la loi de Mooreloi de Moore « devrait s'appliquer à la technologie du calcul et du traitement de cette masse d'information inédite » avec de nouveaux types de processeur et de l'intelligence artificielleintelligence artificielle de la gestion des données, de « l'acquisition à la distribution et du traitement à l'archivagearchivage ».

    Si la communauté française des astronomesastronomes a un intérêt évident à participer à la réalisation de cet observatoire pour obtenir du temps d'observation, les industriels français ont aussi un intérêt. Dans la perspective de l'engagement probable de la France dans la réalisation de cet observatoire, les « règles du retour industriel qui seront appliquées et qui sont à définir » faciliteront l'accès à des marchés pour ces industriels, en particulier dans les « domaines très compétitifs de l'énergie intelligente, de l'électronique et du calcul très haute performance, ainsi que celui de l'exploitation des masses de données à l'échelle dite Exa ».


    Le SKA sera construit en Australie et en Afrique du Sud

    Article de Rémy Decourt publié le 29/05/2012

    Le plus grand radiotélescope du monde sera construit en Afrique du Sud et en Australie. Le consortium en charge du projet du SKA (Square Kilometre Array) a en effet opté pour l'installation sur deux sites différents.

    Le SKA est un réseau d'antennes radio réparties sur une surface pouvant s'étendre sur plusieurs milliers de kilomètres de rayon qui constituera une surface collectrice cumulée atteignant près d'un kilomètre carré, d'où son nom. Loin de la mise en réseau de l'instrument spatial Radioastron avec des radiotélescopes dont le géant d'AreciboArecibo, créant l'équivalent d'une antenne de 220.000 km, mais seulement temporairement, ce SKA sera le plus grand radiotélescope du monde.

    Initialement, il devait être construit sur un seul site. Mais le consortium en charge du projet a décidé de le partager entre l'Australie et l'Afrique du Sud, les deux pays qui étaient encore en compétition pour l'accueillir.

    Dans sa nouvelle configuration, le SKA regroupe toujours 3.000 antennes de trois types différents, correspondant à trois domaines de fréquences distinctes et dédiés à des champs d'observation spécifiques. Mais, au lieu d'être installées sur un seul site, elles seront partagées, par type, entre les deux sites. © SPDO/TDP/DRAO/Swinburne Astronomy Productions
    Dans sa nouvelle configuration, le SKA regroupe toujours 3.000 antennes de trois types différents, correspondant à trois domaines de fréquences distinctes et dédiés à des champs d'observation spécifiques. Mais, au lieu d'être installées sur un seul site, elles seront partagées, par type, entre les deux sites. © SPDO/TDP/DRAO/Swinburne Astronomy Productions

    Cinquante ans d'observations pour le SKA

    Cette solution est rendue possible par le concept même du SKA qui prévoit la mise en réseau de plusieurs antennes. Pour expliquer son choix, le consortium a mis en avant les efforts déjà réalisés par les deux pays dans le domaine de l'astronomie, en particulier avec le projet Meerkat pour l'Afrique du Sud et Askap pour l'Australie. Sans le dire, cette solution a également l'avantage de sécuriser le financement du projet dont le coût est estimé à quelque 1,5 milliard d'euros pour la construction et plus de 100 millions d'euros par an pour l'entretien.

    Ce futur radiotélescope sera donc installé au milieu de la région aride du Karoo, dans le sud-ouest de l'Afrique du Sud, et à Mileura, dans l'ouest australien. L'Afrique du Sud hébergera les antennes moyennes et hautes fréquences (au-dessus de 500 mégahertz) et l'Australie celles à basses fréquences (en dessous de 500 mégahertz). Sa construction doit débuter en 2016 avec pour objectif de rendre opérationnels les deux sites d'ici 2024. Il fonctionnera pendant au moins cinquante ans.

    Pour les astronomes, cet instrument sera surtout utilisé pour comprendre comment l'univers s'est formé et apporter des réponses à une multitude de questions actuellement sans réponse.