L'exploration systématique d'un grand nombre de comètes et d'astéroïdes devra-t-elle attendre la mise au point de moteurs électriques performants ? Peut-être pas si l'on en croit le projet Comet Hitchhiker de la Nasa qui envisage la « propulsion captive » pour se servir du mouvement de petits objets dans l'espace en s'y connectant avec des câbles.

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    Le projet Comet Hitchhiker, littéralement « auto-stoppeur de comète », peut faire croire à une plaisanterie de chercheurs facétieux de la Nasa faisant un clin d'œilœil au célèbre Guide du voyageur galactique (en anglais The Hitchhiker's Guide to the Galaxy) écrit par Douglas AdamsDouglas Adams. Pourtant, ce projet, sur lequel travaillent depuis des années des ingénieurs comme Masahiro Ono, n'est pas une blague. Il faut donc prendre au sérieux cette étonnante idée d'harponner des comètes et des astéroïdes - dont certains seraient membres de la ceinture de Kuiper - à partir d'une sonde spatiale momentanément liée à ces petits corps célestes au moyen d'un câble long de 100 à 1.000 kilomètres. Ce concept rocambolesque est une variante d'une idée explorée depuis longtemps, celle de la propulsion captive. De quoi s'agit-il ?

    Rappelons que l'un des obstacles fondamentaux de l'exploration et de la colonisation du Système solaire, et bien sûr de la Galaxie, provient du fait qu'il faut du carburant pour accélérer les véhicules spatiaux. Plus on veut voyager vite, plus il faut disposer d'une grande quantité de carburant, laquelle demande elle-même une quantité de carburant pour être propulsée... Le lanceurlanceur et le vaisseau interplanétaire devient donc de plus en plus gros, de plus en plus coûteux aux dépens de la charge utile.


    Le concept de base de la propulsion captive est bien illustré à la fin de cette vidéo. Un objet sur une orbite en rattrape un autre, éventuellement plus rapide que lui, et s'y connecte avec un câble pour bénéficier d'un effet de fronde et prélever de la quantité de mouvement ou de l'énergie pour rejoindre une autre orbite. Le procédé peut être répété tant que le matériau du câble reste résistant, ce qui ouvre la voie à une forme d'auto-stop dans l'espace interplanétaire avec peu de carburant. © YouTube, SpaceAnimation's channel

    De l'assistance gravitationnelle à la propulsion captive

    On peut essayer de contourner ce problème de différentes manières. Plus on éjecte rapidement du carburant, moins on en a besoin pour atteindre une vitessevitesse donnée. En théorie, un moteur à photonsphotons provenant de l'annihilation de particules de matièrematière et d'antimatière permettrait d'atteindre environ 10 % de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière avec plus de 90 % de charge utile. Un moteur ionique, éjectant électriquement des ionsions à hautes vélocités, permettrait aussi d'atteindre de grande vitesse avec une basse consommation de carburant.

    En l'absence de ces technologies de pointe, les ingénieurs en astronautiqueastronautique ont cherché d'autres solutions. La technique de l'assistance gravitationnelle a ainsi été mise en pratique avec un succès retentissant. Sans elle, les missions Voyager, RosettaRosetta et New Horizons n'auraient pas été possibles, ou auraient duré bien plus longtemps. La propulsion captive, qui a d'abord été imaginée avec des satellites, repose sur le même concept d'emprunt d'une quantité de mouvementquantité de mouvement mais en se fixant temporairement à un objet au moyen d'un câble, comme le montre bien la vidéo ci-dessus. Il était naturel d'étendre le concept à des comètes et des astéroïdes et c'est bien ce qu'a fait Masahiro Ono en utilisant des simulations sur ordinateursordinateurs pour étudier la faisabilité du projet Comet Hitchhiker.

    Voilà à quoi ressemblerait un jour une mission inspirée du projet Comet Hitchhiker en cours d'amarrage à une comète. © NASA/JPL-Caltech/Cornelius Dammrich

    Voilà à quoi ressemblerait un jour une mission inspirée du projet Comet Hitchhiker en cours d'amarrage à une comète. © NASA/JPL-Caltech/Cornelius Dammrich

    Pour résoudre des questions d'exobiologieexobiologie et tenter de comprendre d'où vient l'eau des océans de la Terre, il faudrait pouvoir analyser in situ bon nombre de comètes et même d'astéroïdes. Pour cela, une sonde rebondirait de l'un à l'autre en s'attachant temporairement à ces corps célestes au moyen d'un câble. Mais, pour s'accrocher à ces objets, du fait de leurs vitesses relatives plus élevées et pour se faire en quelque sorte tracter par eux, il faut que le câble soit particulièrement résistant. Peut-on les fabriquer ou requièrent-ils un matériaumatériau qualifié d'unobtainium, c'est-à-dire aux propriétés impossibles ?

    Dans certains cas, un câble fait à partir de Zylon ou de KevlarKevlar suffirait mais, dans d'autres, il faudrait un filament à base de nanotubes de carbonenanotubes de carbone du genre de ceux envisagés depuis un certain temps pour concrétiser l'idée de l'ascenseur spatialascenseur spatial popularisée par Arthur Clarke. En tout état de cause, il faudrait dérouler un câble d'au moins 100 kilomètres de long...