Les artefacts liés à la magie sont relativement répandus dans le monde antique européen. Les archéologues en ont de nouveau l’exemple après la découverte d’une nécropole gallo-romaine à Orléans, abritant des dizaines de dépouilles, mais aussi des tablettes visant à lancer une malédiction…


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    En fouillant sous l'hôpital PortePorte-Madeleine, à Orléans, les archéologues ne pensaient pas découvrir une véritable nécropole s'étendant sous l'édifice. Pourtant, depuis 2022, de nombreux éléments anciens ont été décelés et recouvrés sous la structure du vieil hôpital. Des sépultures contenant des ossements mais aussi des artefacts ont été exhumés sur le chantier. Dès le début du mois de janvier, le service archéologique de la ville d'Orléans dressait un état des lieux des fouilles. Des tablettes enterrées sur place durant l'Antiquité provoquent notamment l'interrogation : rédigées dans un dialecte éteint, elles auraient servi à apposer une obscure malédiction.

    Des sarcophages et de mystérieux manuscrits

    Le journal La République du Centre publiait un article le 7 janvier, reprenant les rapports des archéologues à Orléans. Les tranchées creusées dans le secteur de Porte-Madeleine révélaient la présence d’une soixantaine de tombes, parfois rudimentaires, certaines se démarquant toutefois par leurs caractéristiques. À l'été 2024, les archéologues pensaient notamment avoir mis la main sur une fraction de cercueil peint. La nécropole date de l'époque gallo-romaine, les dépouilles ayant été inhumées entre la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle de notre ère.

    Plusieurs tombes ont été modélisées en 3D par les chercheurs, permettant de constater une relative similarité pour la plupart des sépulturessépultures. Les défunts semblent avoir été enterrés sans extravagances. Les squelettes étudiés sont des individus masculins, que les historienshistoriens estiment avoir été en capacité de combattre. Le communiqué de la ville d’Orléans n'indique pas si la nécropole avait une hypothétique utilité militaire. La présence d'une telle quantité de tombes à cet endroit précis est un indicateur évident du degré d'occupation du site, déjà durant l'Antiquité. Mais ce sont les étranges tablettes gravées qui passionnaient récemment les experts dépêchés sur place. Outre leur utilité rituelle, elles recèlent la version écrite d'un dialecte gaulois s'étant progressivement éteint durant l'Antiquité.

    Une grande partie des tombes ont été modélisées en 3D, atteignant un niveau de détail impressionnant. © Service archéologique de la ville d’Orléans
    Une grande partie des tombes ont été modélisées en 3D, atteignant un niveau de détail impressionnant. © Service archéologique de la ville d’Orléans

    Des tablettes pour maudire ?

    Les manuscrits découverts à Orléans ne sont pas rares, à proprement parler. Ces tablettes sont nommées « tablettes de défixion », les plus anciennes ont été rédigées vers le VIe siècle avant J.-C. Elles servaient à maudire une ou plusieurs personnes, dans l'objectif de nuire. Ces malédictions étaient généralement gravées sur du plomb.

    Celles excavées dans la nécropole de Porte-Madeleine apparaissent largement dégradées et rongées par le temps. Envoyées en laboratoire, elles ont été dépliées avant de subir une méthode photogrammétrique appelée Reflectance Transformation Imaging (RTI). Des détails peuvent ainsi être observés sur le modèle, là où ils n'étaient pas discernables. Une tomographietomographie complémentaire offrait un rendu sans avoir à déplier les documents.

    Difficilement lisibles à l’œil nu, ces tablettes ont été passées au crible des scans et des relevés d’imagerie, permettant aux experts de traduire leur contenu. © Service archéologique de la ville d’Orléans
    Difficilement lisibles à l’œil nu, ces tablettes ont été passées au crible des scans et des relevés d’imagerie, permettant aux experts de traduire leur contenu. © Service archéologique de la ville d’Orléans

    Les chercheurs gardent le secret sur la signification du texte écrit sur les tablettes. Les caractères renvoient à un langage qui a progressivement disparu à l'écrit sous la domination de l’Empire romain, bien qu'ayant légèrement persisté à l'oral.

    Une étude exhaustive devrait paraître dans une revue spécialisée dans les prochains mois, dévoilant le détail des traductions. Dans le secteur de l'ancien hôpital, les fouilles vont continuer quelques semaines supplémentaires, mais devraient bientôt toucher à leur fin.