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C'est en général au biologiste Thomas Henry Huxley qu'est attribuée cette réflexion : « La tragédie de la science... c'est de belles théories détruites par des faits horribles ». Elle pourrait s'appliquer à l'ingénieuse théorie proposée au sujet des cités mayas par William Gadoury si elle se trouve réfutée. Mais c'est aussi reconnaître que le jeune adolescent québécois de 15 ans a vraiment fait ce qu'il fallait pour entrer sur le ring du débat scientifique et il n'est nullement question de le dénigrer, bien au contraire.
Toutefois, comme Futura-Sciences le faisait remarquer dans un précédent article, la médiatisation de son histoire avait de quoi laisser perplexe puisqu'aucune publication scientifique ne venait soutenir ni la thèse que les Mayas avaient aligné leurs cités sur leurs constellations ni que les images de satellites censées rendre probable l'existence d'une métropole maya d'importance mais oubliée, étaient vraiment crédibles. On pouvait aussi douter de la capacité des Mayas à soigneusement aligner leurs villes séparées par des dizaines voire des centaines de kilomètres de forêt selon le dessin de constellations. Tracer des géoglyphes sur plusieurs kilomètres dans le désertdésert de Nazca est nettement plus facile.
Il ne paraît pas raisonnable de mettre en doute les affirmations de scientifiques comme Armand LaRocque ou Daniel de Lisle (mais ils ne sont pas archéologues) quand ils se disent impressionnés par le sérieux du travail de William et que ses idées méritaient d'être examinées de plus près. Ce qu'ils ont fait avec des images satellitaires qui s'étaient révélées intrigantes. Mais qu'allaient en dire les experts de la civilisation maya, notamment ceux pratiquant l'archéoastronomie et utilisant la télédétection ?
Les images satellitaires qui ont initialement fait penser à la présence d'une cité maya perdue. Elles semblaient accréditer la thèse du jeune William Gadoury. © Google Earth, CSA
Une pyramide ou un champ cultivé en friche ?
Ces experts commencent justement à s'exprimer. On trouve par exemple l'avis de David Stuart, un célèbre mayaniste américain, professeur d'art et d'écriture méso-américains à l'université du Texas à Austin. L'homme a largement contribué, dans le domaine épigraphique, au déchiffrementdéchiffrement de l'écriture maya depuis l'âge de... quinze ans ! Alors qu'il n'avait que douze ans, il a en effet participé avec son père aux travaux de recherche en épigraphie maya à Palenque, et présenté sa première communication scientifique devant une cinquantaine d'experts. Trois ans plus tard, il faisait une découverte déterminante pour la connaissance de la langue maya et son déchiffrage : un même phonèmephonème (un son) peut être écrit de plusieurs manières différentes.
Stuart ne peut donc pas être soupçonné de jalousie envers William et doit aisément s'identifier à lui. Voilà sa première déclaration publique sur sa page FacebookFacebook (qu'il a ensuite supprimée) : « Pour clarifier ma position, je ne veux pas critiquer ce jeune homme. Il est clairement intelligent et enthousiaste au sujet de l'archéologie maya. Ce serait formidable de canaliser et de développer son intérêt. Ce qui m'énerve le plus, c'est l'irresponsabilité des "experts" qui ont cherché à faire du battage médiatique ». Et le chercheur d'ajouter : « Cette histoire de cité maya découverte est fausse ! Je ne voulais pas en parler et j'évitais de répondre aux questions des médias à ce sujet mais maintenant que même la BBC en parle je me sens obligé d'intervenir. Toute cette histoire est [...] un terrible exemple de pseudo-science s'écrasant sur InternetInternet en chute libre. Les anciens Mayas n'ont pas construit leurs cités sur le plan des constellations. Voir ce genre de structure est l'équivalent d'un test de Rorschach puisqu'il y a des sites partout et tellement d'étoiles. La forme rectangulaire trouvée sur Google EarthGoogle Earth est en effet d'origine humaine. Mais il s'agit simplement d'un vieux champ de maïsmaïs cultivé selon une technique maya appelée milpa ».
Cette interprétation est soutenue par un collègue de David Stuart, comme le rapporte Gizmodo. Thomas Garrison, un éminent spécialiste de la civilisation maya, qui l'étudie depuis l'espace à l'aide des satellites et des radars, a déclaré à ce site : « J'applaudis les efforts du jeune garçon et c'est passionnant de voir un intérêt pour les anciens mayas et la télédétection chez une personne si jeune. Toutefois, les vérifications au sol sont essentielles pour les recherches de ce type. Vous devez être capable de vérifier au sol ce que vous pensez voir sur une image de satellite. En l'occurrence, la structure linéaire et les manifestations d'une repousse de la végétation que l'on peut voir sont un signe clair que l'on est en présence d'un ancien champ cultivé. Je pense qu'il est à l'abandon depuis 10 à 15 ans. C'est évident pour quelqu'un qui est familiarisé avec les territoires mayas. J'espère que ce jeune élève continuera ses recherches quand il sera à l'université et que sa prochaine découverte sera réelle ».
On connaît très mal les constellations mayas
Mais le coup de grâce vient probablement d'un vrai expert tout à la fois en archéoastronomie maya et en télédétection, aussi interrogé par Gizmodo. Pour Ivan Šprajc : « Très peu de constellations mayas ont été identifiées et, même dans ce cas, nous ne savons pas exactement combien et quelles étoiles les composaient. Il est donc impossible de vérifier s'il y a une correspondance entre les étoiles des constellations et la localisation des cités mayas. En général, comme nous savons qu'il existe plusieurs raisons dans l'environnement qui peuvent influencer la constructionconstruction d'une colonie maya, l'idée de la relier à la position des étoiles est très peu crédible ».
Souhaitons tout de même que William ne soit nullement découragé dans sa passion exemplaire et qu'il puisse rapidement accompagner des archéologues dans une expédition en pays maya. La science, c'est aussi cela : accepter de se tromper souvent et ne pas s'en affliger mais continuer à avancer patiemment, rigoureusement, avec humilité, tout en conservant son enthousiasme. Ce n'est pas toujours évident.