Elle fut la capitale de la culture et de la politique du peuple maya de la péninsule du Yucatán aux XIIIe et XIVe siècles de notre ère. La cité Mayapán se serait ensuite effondrée à cause d'un épisode de sécheresse particulièrement intense. Les chercheurs s'interrogent : doit-on s'attendre à un effondrement similaire aujourd'hui ?


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    Fondée en 1050, la cité Mayapán, qui signifie littéralement « drapeau des Mayas », fut la capitale du peuple Maya durant un peu plus de deux décennies. Mais un épisode de sécheressesécheresse intense aura raison de cette immense cité, épisode qu'ont analysé des chercheurs dans une étude en libre-accès publiée dans la revue Nature communications. Leur but : étudier les conséquences d'un dérèglement climatique sur une population humaine. Pour cela, ils se sont concentrés sur la péninsulepéninsule du Yucatán, au sud-est du Mexique, et le cataclysme qui s'y est déroulé au XVe siècle. Elle a abrité durant environ quatre siècles la population maya de la période post-classique, c'est-à-dire de 900 jusqu'à l'arrivée des Espagnols au XVIe siècle. 

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    Mais, au XVe siècle, la répartition du peuple maya a commencé à changer : les habitants se sont disséminésdisséminés de la capitale vers des régions moins peuplées, et la capitale a été petit à petit désertée. Un phénomène causé, selon les chercheurs, par un dérèglement climatique dans le Yucatán, qui a ensuite engendré une succession de conséquences menant à un effondrementeffondrement de la ville. Pour s'en assurer, ils ont utilisé une « approche transdisciplinaire qui combine des ensembles de données archéologiques, historiques et paléoclimatiques pour examiner les interactions dynamiques du changement climatiquechangement climatique, des conflits civils et de l'effondrement politique à Mayapán au cours des XIVe et XVe siècles de notre ère. »

    Le temple de K’uk’ulkan était au centre de la cité de Mayapán. © Linda Harms, Adobe Stock
    Le temple de K’uk’ulkan était au centre de la cité de Mayapán. © Linda Harms, Adobe Stock

    Une véritable réaction en chaîne

    Grâce aux données, aux échantillons et ossements recueillis directement sur place puis analysés et datés, les chercheurs sont parvenus à retracer la fin de l'histoire de Mayapán. Ils ont noté un déclin de la population à partir de 1350, alors qu'elle ne cessait d'augmenter jusqu'ici, avec un niveau au plus bas en 1450. Au même moment, des épisodes de sécheresse ont été répertoriés : « Nous trouvons une relation significative entre la sécheresse et le déclin de la population lorsque nous examinons la période entre 1350 et 1430, c'est-à-dire le moment où le déclin de population le plus important s'est produit », écrivent les chercheurs.

    Ces manques d'eau ont ensuite créé comme une réaction en chaîne, décrite dans l'étude : « Les périodes sèches prolongées de la période coloniale ont provoqué des mauvaises récoltes bien documentées, de graves famines et une mortalité élevée qui ont déstabilisé l'économie et conduit à la dispersion périodique des populations des villes du nord du Yucatán ».

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    En plus du phénomène d'exode rurale, la sécheresse a aussi provoqué une aggravation de conflits politiques déjà présents, entre les différentes familles riches qui dominaient la ville. Les fosses communes fouillées en bas du temple principal emblématique de la ville contenaient d'ailleurs plusieurs personnes appartenant à la famille des chefs d'État, les Cocom, suggérant une rivalité qui s'est concrétisée en conflits civils durant la dissolution progressive de la ville.

    En a, le plan de la ville montrant les complexes d'habitation, le mur défensif, les portes formelles et les emplacements des prélèvements de squelette (points rouges). En b, différentes configurations des murs extérieurs, tels qu'ils auraient pu être avant l'effondrement de la ville. En c, une coupe transversale de la construction à plusieurs niveaux du mur entourant la ville. © <em>Nature communications</em>, Kennett, D.J., Masson, M., Lope, C.P. et <em>al.</em>
    En a, le plan de la ville montrant les complexes d'habitation, le mur défensif, les portes formelles et les emplacements des prélèvements de squelette (points rouges). En b, différentes configurations des murs extérieurs, tels qu'ils auraient pu être avant l'effondrement de la ville. En c, une coupe transversale de la construction à plusieurs niveaux du mur entourant la ville. © Nature communications, Kennett, D.J., Masson, M., Lope, C.P. et al.

    Une image de ce qui nous attend à l'avenir ?

    Finalement, cette étude se concentre aussi sur la résiliencerésilience du peuple maya face aux aléas climatiques et environnementaux. Car, comme l'expliquent les chercheurs, « les traditions économiques, sociales et religieuses ont persisté jusqu'au début de la domination espagnole, malgré l'échelle réduite des unités politiques, attestant d'un système résilient d'adaptations homme-environnement ». Ils citent notamment la mobilité des habitants, qui leur a permis de se disperser, donc d'avoir des besoins agricoles eux aussi dispersés. « Les archives archéologiques et historiques sont bien adaptées pour examiner les effets sociétaux passés des crises climatiques sur des cycles à long terme », écrivent les chercheurs.

    Mais si l'adaptation du peuple maya face aux sécheresses est un exemple de résilience climatique, ce qui nous attend promet bien plus de difficultés. D'abord parce que les changements se produisent à une échelle bien plus grande, et parce qu'ils sont plus définitifs que dans le cas des longs épisodes de sécheresse. Les chercheurs s'en inquiètent, car « les influences anthropiques actuelles et futures devraient amplifier la gravité des événements extrêmes dans le cycle de l'eau et conduire à des sécheresses plus intenses et prolongées que celles qui ont eu un impact sur la productivité agricole dans le passé ». Ils concluent sur la situation actuelle au Mexique et en Amérique centrale, où la sécheresse est déjà préoccupante et crée une insécurité alimentaire, qui entraîne à son tour des « troubles sociaux et des migrations ». Et leurs craintes sont projetables dans d'autres régions du monde, comme en Europe où de nombreux records de sécheresse et de chaleur ont été battus cet été 2022.