Verra-t-on un jour des avions géants, au corps de baleine, transporter près d’un millier de passagers ? C’est ce qu’imagine un designer, Oscar Viñals, qui présente son AWWA-VA, une vision des gros porteurs de demain. Il ressemble à un jouet, mais à regarder de plus près, il s’appuie sur des idées existantes. Dans cette chronique du futur, Futura-Sciences explorera quelques-unes de ces voies du possible.

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    Trois ponts, un fuselage massif, des moteurs orientables : le designer Oscar Viñals s'est amusé à imaginer un avion réunissant quelques-unes des idées actuelles qui tournent dans la tête des avionneurs. Ici, le fuselage est censément porteur (sa forme crée une portance). À regarder ce dessin, on peut douter de son efficacité, mais le principe est bon. © Oscar Viñals

    Trois ponts, un fuselage massif, des moteurs orientables : le designer Oscar Viñals s'est amusé à imaginer un avion réunissant quelques-unes des idées actuelles qui tournent dans la tête des avionneurs. Ici, le fuselage est censément porteur (sa forme crée une portance). À regarder ce dessin, on peut douter de son efficacité, mais le principe est bon. © Oscar Viñals

    Un fuselage énorme avec trois ponts pour accueillir 755 passagers, des ailes aux emplantures incomplètes et terminées par des winglets géants, des réacteurs orientables... La « baleine volante », soit sky whale, dessinée par Oscar Viñals, peut sembler une vision très futuriste, voire onirique, de l'avion de demain. L'auteur imagine des alliages légers, des moteurs hybrideshybrides tournant parfois à l'électricité, des matériaux autocicatrisants et des hublots-écrans à réalité virtuelleréalité virtuelle avec cellules solaires en prime pour recharger le portable. L'avion géant proposerait trois classes -- une par pont. En haut, le designer espère une « vue sur le ciel ». Au milieu, la classe affaires, et au-dessus des bagages, les touristes.

    L'idée : réduire la consommation et la pollution

    Les réacteurs sont orientables à 45°, ce qui permet des décollages plus courts en dirigeant en partie leur poussée vers le bas. Avec des montées sur des pentes plus fortes, les nuisancesnuisances sonores autour de l'aérodrome seraient réduites. Le fuselage, profiléprofilé, est porteur. Il assure une partie de la portance et n'est donc pas un « poids mort » soutenu par les ailes. D'après son auteur, avec une telle forme, l'AWWA-VA (c'est son nom) verrait sa traînée réduite (l'avion présenterait une moindre résistancerésistance à l'air) en comparaison avec un avion actuel. Il annonce dans la foulée une consommation plus faible et une diminution des émissionsémissions d'oxydes d'azoteoxydes d'azote.

    La « baleine volante » vue de dessus. Sa forme compliquée n'est peut-être pas optimale pour l'aérodynamisme. On remarque les ailes curieusement montées. En cas de crash, elles se briseraient et atténueraient le choc. Pourquoi pas ? Les réacteurs sont orientables pour diriger la poussée vers le bas au moment du décollage. © Oscar Viñals

    La « baleine volante » vue de dessus. Sa forme compliquée n'est peut-être pas optimale pour l'aérodynamisme. On remarque les ailes curieusement montées. En cas de crash, elles se briseraient et atténueraient le choc. Pourquoi pas ? Les réacteurs sont orientables pour diriger la poussée vers le bas au moment du décollage. © Oscar Viñals

    L'analyse : des idées déjà dans l'air

    On pourrait sourire ou se contenter de rêver à des baleines sillonnant le ciel, mais l'engin, finalement, explore des idées existantes ou envisagées pour les avions du futur. Le fuselage porteur est une solution connue pour les avions très rapides, où la vitessevitesse est telle que de petites ailes sont suffisantes. Pour des vitesses plus faibles, mais supersoniques, la voilure deltadelta a de son côté fait ses preuves. Cette baleine volante semble avoir un peu hérité des deux, et peut-être aussi des ailes volantes, où fuselage et ailes sont en quelque sorte fusionnés.

    Après la seconde guerre mondiale, l'idée était en vogue, avec l'avantage d'un grand volumevolume interne. On imaginait alors souvent ainsi « l'avion de l'an 2000 ». Mais les difficultés pour contrôler l'équilibre longitudinal (l'aile volante n'a pas d'empennageempennage), pour assurer la stabilité aux basses vitesses et pour pressuriser un grand volume à la forme complexe posent encore aujourd'hui des problèmes. Boeing et la NasaNasa en sont toujours aux prototypes en modèle réduit pour le projet X-48.

    Une aile volante porte trois conteneurs détachables qui peuvent accueillir des passagers ou du fret. Le Clip-Air est un concept né à l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) pour un transport plus souple. L'embarquement des passagers ou le chargement du fret se feraient alors que l'avion porteur n'est pas encore là. De même pour le débarquement ou le déchargement. L'imagination des ingénieurs vaut bien celle des designers... © EPFL

    Une aile volante porte trois conteneurs détachables qui peuvent accueillir des passagers ou du fret. Le Clip-Air est un concept né à l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) pour un transport plus souple. L'embarquement des passagers ou le chargement du fret se feraient alors que l'avion porteur n'est pas encore là. De même pour le débarquement ou le déchargement. L'imagination des ingénieurs vaut bien celle des designers... © EPFL

    Plus originale est l'idée des ailes attachées au fuselage par une sorte de fusiblefusible mécanique. En cas de crash, cette emplanture réduite casserait, absorbant ainsi une partie de l'énergieénergie du choc. Les réacteurs y étant intégrés, la sécurité en cas de catastrophe serait améliorée. Ce principe-là ne semble pas avoir déjà été exploité en aéronautique, mais il est vrai que des avions en boisbois (et en toile) se brisant en plusieurs morceaux ont déjà sauvé leurs occupants. En revanche, pour un lourd avion de ligne, le concept risque d'être assez difficile à maîtriser... Les matériaux autocicatrisants, eux, ne sont plus une nouveauté, au moins dans les bureaux d'études, et notamment pour des applications aéronautiques.

    Une étude d'Airbus d'un concept dit <em>eco-climb</em> : un chariot propulseur accélère l'avion au sol pour l'aider à décoller. La quantité de carburant embarquée est donc plus faible, ainsi que la pollution et le bruit. © Airbus Group

    Une étude d'Airbus d'un concept dit eco-climb : un chariot propulseur accélère l'avion au sol pour l'aider à décoller. La quantité de carburant embarquée est donc plus faible, ainsi que la pollution et le bruit. © Airbus Group

    Un œil sur le futur : l'avion de demain sera plus électrique

    Quant à la motorisation hybride, les constructeurs y pensent de plus en plus. Airbus, lors du dernier salon du Bourget, a présenté un concept où les hélices sont actionnées par des moteurs électriques. Des batteries lithium-ionbatteries lithium-ion leur fournissent l'électricité, initialement produite par une turbine installée à l'arrière de l'avion, et brûlant du kérosènekérosène. Au sol, l'avion pourrait rouler en n'utilisant que l'énergie électrique qui entraînerait les roues. L'idée s'est déjà concrétisée sur le petit E-Fan, bimoteur électrique, et est actuellement étudiée par SafranSafran. Le numéro un mondial des trains d'atterrissage a réalisé un prototype monté sur un A320. Au dernier salon du Bourget, l'appareil a fait la démonstration de ce système de « taxiage » (roulage) baptisé EGTS (Electric Green Taxiing System)).

    L'électrisationélectrisation des avions est dans l'air du temps, avec un recul des systèmes hydrauliques, et pour l'avenir, Safran parle « d'avions plus électriques ». L'entreprise vient d'ailleurs de regrouper toutes ses activités de recherche et développement dans le domaine des systèmes électriques en une seule entité, Labinal Power Systems. L'imagination débridée d'Oscar Viñals peut donc s'appuyer sur des concepts solidessolides. L'avion des années 2030 sera sans doute très différent de son AWWA-VA, mais quelques idées seront sûrement devenues réalité.