Des orages solaires des milliers de fois plus violents que les tempêtes solaires ordinaires sont extrêmement rares : on estime qu’ils surviennent une fois tous les 10.000 ans. Sauf que des scientifiques viennent de découvrir deux autres événements de ce type intervenus dans les derniers millénaires. De quoi faire craindre des récidives plus rapprochées que ce que l’on pensait.


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    En l'an 775 après J.-C., a déferlé la plus violente tempêtetempête solaire ayant jamais frappé la Terre. Un orageorage des milliers de fois plus puissant qu'une tempête solaire ordinaire, tellement puissant que les chercheurs ont longtemps soupçonné d'autres phénomènes d'en être à l'origine : supernova, tempête d'une étoile à neutrons, sursaut gamma ou encore explosion d'une comète à la surface du Soleil dont l'onde de choc aurait accéléré les particules solaires. Cette tempête, détectée par des chercheurs japonais en 2012, avait produit un pic incroyablement élevé de carbone 14 dans les cernes de boisbois datant de cette époque. Un niveau de rayonnement tellement puissant qu'il s'apparente à celui des essais nucléaires à l'air libre effectués dans les années 1950-1960, avait alors expliqué son découvreur, Fusa Miyake.

    Un événement pouvant survenir une fois tous les 10.000 ans

    Les scientifiques avaient à l'époque estimé que ce genre de mégatempête pouvait survenir pas plus d'une fois tous les 10.000 ans. De quoi nous laisser un peu de répit avant la prochaine. Sauf qu'une nouvelle étude, soumise à la revue Nature Communications, vient d'identifier deux événements du même type, laissant penser que les mégatempêtes sont plus communes qu'on ne le pense. En analysant le taux de carbone 14 dans les cernes d'arbresarbres datant de différentes époques, Nicolas Brehm et ses collègues de l'Institut de technologie suisse ETH Zürich et de l'université de Lund en Suède ont découvert deux tempêtes d'une ampleur similaire à celle de 775 : la première en 7176 avant J.-C. et la seconde en 5259 avant J.-C.

    Le saviez-vous ?

    Pour identifier une tempête solaire, les chercheurs se fient principalement à deux indices : soit les cernes des arbres, soit les carottes glaciaires. Lorsque les particules solaires frappent notre atmosphère, elles produisent des formes radioactives instables de divers éléments qui s’accumulent dans ces échantillons, et peuvent être retrouvés par une analyse chimique. Pour les arbres, on recherche le taux de carbone 14, et pour la glace, le béryllium 10 et de chlore 36.

    Une découverte un peu fortuite

    Une découverte qui relève un peu du coup de chance. Habituellement, le taux de carbone 14 dans les cernes sert surtout à calibrer les outils de datation des archéologues, et on se contente de courbes assez grossières dont chaque point représente une décennie voire une centaine d'années. Examiner les cernes année par année relève donc du travail de fourmifourmi : il faut des semaines d'analyses et de corrélations croisées sur différents échantillons pour parvenir à un résultat probant. « Il y a 12.000 ans de l'HolocèneHolocène à étudier, et nous en avons couvert moins de 16 % », atteste Alexandra Bayliss, responsable des datations scientifiques à Historic England et coauteure de l'article. Pour « tomber » sur leurs mégatempêtes solaires, les scientifiques ne s'en sont toutefois pas remis complètement au hasard.

    Lorsqu’elles sont suffisamment puissantes, les tempêtes solaires provoquent des pics de carbone 14 enregistrés dans les cernes des arbres. © Jeanne Menjoulet, Flickr
    Lorsqu’elles sont suffisamment puissantes, les tempêtes solaires provoquent des pics de carbone 14 enregistrés dans les cernes des arbres. © Jeanne Menjoulet, Flickr

    Concernant l'événement de 7176 avant J.-C, les chercheurs se sont basés sur une précédente découverte d'un pic de bérylliumbéryllium 10 dans des carottes de glacecarottes de glace. Ils ont donc recherché dans les cernes des arbres un pic équivalent de carbone 14. Pour l'événement de 5259 avant J.-C., Alexandra Bayliss avait remarqué une lacune dans les données archéologiques de cette période. C'est en examinant de plus près cette époque que l'équipe a trouvé l'autre pic.

    Une mégatempête aux conséquences inimaginables

    Pour donner une idée de l'ampleur de ces tempêtes, l’orage magnétique solaire de Carrington en 1859, l'un des plus connus, n'est même pas visible dans les cernes des arbres ou des carottes glaciaires. Cet événement avait pourtant à l'époque causé la destruction de 5 % de l'ozoneozone stratosphérique, d'intenses aurores boréalesaurores boréales visibles jusque dans les régions tropicales ainsi que de violentes décharges électriques et des incendies dans le réseau télégraphique de l'époque. Une récente étude a modélisé les conséquences d’une telle tempête solaire sur nos infrastructures actuelles et montré qu'elle pourrait entraîner un black-out total du réseau InternetInternet pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. On imagine donc les conséquences cataclysmiques qu'aurait aujourd'hui une mégatempête solaire comme celle de l'an 775, 10 à 100 fois plus puissante.

    Étant donné qu'il existe encore de nombreuses lacunes dans les recensements de carbone 14, il est probable que d'autres mégatempêtes solaires se sont encore produites entre-temps. Et qu'elles sont donc bien plus fréquentes qu'une fois tous les 10.000 ans. Malheureusement, ces événements sont assez peu prévisibles et il existe peu de moyens de s'en prémunir. Alors continuons à toucher du bois... non radioactif.

     

     

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