Parmi la dizaine de projets européens de petits lanceurs en développement, il faudra compter avec Latitude qui développe le lanceur Zéphyr. Lors du dernier Salon du Bourget, Stanislas Maximin, CEO et cofondateur de Latitude, et Walter Grzymlas, fondateur et CEO de Saturne Technolog, fournisseur du moteur Navier pour le lanceur, ont présenté l'état d'avancement de Zephyr.


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    D'ici quelques années, l'accès à l'espace ne dépendra plus uniquement des lanceurs institutionnels. L'émergenceémergence de nouveaux acteurs proposant de petits lanceurspetits lanceurs bouleverse le paysage spatial en offrant une concurrence accrue et des coûts de lancement réduits. Ces petits lanceurs sont également essentiels pour garantir l'accès à l'espace à de nombreux opérateurs de satellites, qu'ils soient institutionnels ou privés. Malgré un marché prometteur, l'avenir de ces lanceurs en développement est incertain et tous ne s'imposeront pas. Dans cet article, nous examinons les enjeux et les perspectives de ces micros et petits lanceurs européens.

    De nombreux projets de petits lanceurs européens

    En Europe, plusieurs petits lanceurs sont actuellement en développement. Ils visent à compléter et concurrencer les services proposés par ArianespaceArianespace, dans le segment des petits satellites. Si l'on recense une vingtaine de projets de petits lanceurs, avec des degrés de crédibilité et développement différents, seuls six sortent du lot et apparaissent comme les projets les plus prometteurs. Citera les Français Maia Space et LatitudeLatitude, l'Espagnol PLD Space ainsi que Rocket Factory, Isar Aerospace et Hylmpulse Technologied en Allemagne. Cependant, s'il est utile pour l'Europe d'avoir des petits lanceurs, il serait très étonnant que tous ces projets arrivent à maturité et s'imposent sur les marchés qu'ils visent et deviennent rentables. Malgré de belles perspectives d'avenir, principalement en raison de la diversité des orbites et du nombre croissant de satellites attendus ces prochaines décennies, l'avenir de ces petits lanceurs est tout de même très incertain.

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    Des milliers de petits satellites à lancer

    Comme le souligne Euroconsult dans son dernier rapport, Perspectives pour le marché des petits satellites, environ 26 104 petits satellites de moins de 500 kilogrammes seront lancés d'ici 2032. Cela représente une masse de lancement quotidienne de 1,5 tonne sur une période de 10 ans. Cela dit, deux constellations à elles seules -- StarlinkStarlink (SpaceXSpaceX) et GuoWang (China SatNet) -- représenteront près des deux tiers des petits satellites à lancer au cours de la prochaine décennie.

    Il faut tout de même nuancer ces chiffres et ne pas confondre prévisions de lancements et lancements effectifs. Encore faut-il que les opérateurs de ces futurs satellites s'imposent sur les marchés de l'observation de la Terreobservation de la Terre et de l'utilisation pour l'espace dans un contexte difficile marqué par une « adressabilité limitée, une rentabilité difficile à trouver, une offre excédentaire et la domination des activités commerciales par une poignée d'acteurs déjà bien établis ». Cependant, souligne le rapport d'Euroconsult, ces petits satellites représentent « toujours une opportunité importante de renforcement des capacités pour les nouveaux entrants dans le secteur spatial », comme le montre le conflit en Ukraine qui met en « lumièrelumière les mérites et la valeur des satellites commerciaux et des constellations de petits satellites d'observation de la Terre ».

    Essai de mise à feu et de fonctionnement d'un moteur Navier dont le petit lanceur Zéphyr en utilisera 10 dont 9 sur le premier étage et 1 spécialement adapté à la propulsion dans le vide spatial sur l’étage supérieur. © Latitude
    Essai de mise à feu et de fonctionnement d'un moteur Navier dont le petit lanceur Zéphyr en utilisera 10 dont 9 sur le premier étage et 1 spécialement adapté à la propulsion dans le vide spatial sur l’étage supérieur. © Latitude

    Zéphyr, le petit lanceur qui vise un rythme de 50 lancements chaque année

    Lors du dernier Salon du Bourget, nous avons rencontré Stanislas Maximin, CEO et cofondateur de Latitude, qui développe le lanceur à deux étages Zephyr, avec qui nous avons fait le point sur l'état d'avancement du développement du Zephyr et ses perspectives commerciales.

    Latitude prévoit un « premier vol commercial d'ici la fin 2024 début 2025 suivi d'une phase d'exploitation commerciale dès 2027, voire 2026, au rythme d'une cinquantaine de lancements par an à partir de 2030 ». Bien que certaines études prédisent un marché difficile à acquérir pour tous ces nouveaux petits lanceurs, Stanislas Maximin se veut « confiant quant à l'avenir commercial de son lanceur » et peut compter sur « l'intérêt que lui a manifesté plus d'une trentaine d'opérateurs de satellites ».

    Un premier vol commercial d'ici la fin 2024 début 2025 suivi d’une phase d’exploitation commerciale dès 2027, voire 2026, au rythme d’une cinquantaine de lancements par an à partir de 2030

    Là où tous les autres projets visent des capacités de lancement de 500 à plus de 1 300 kilos en orbite basse, Latitude se démarque et a fait le choix de « se concentrer sur le segment des satellites de moins 150 kilos ». Stanislas Maximin est convaincu qu'il y a « un marché suffisamment grand sur ce segment de satellites avec un fort potentiel pour un petit lanceur de type Zephyr ». Latitude se focalise sur le lancement de « satellites de quelques kilos, jusqu'à des satellites de 50 à 100 kilos » et vise particulièrement les « constellations d'une quarantaine de satellites, les missions de remplacement et d'urgence qui pourraient intéresser les gouvernements ». L'année dernière, cela a représenté un marché de plus de 500 satellites.

    Un moteur entièrement imprimé en 3D

    En attendant ce premier vol, Latitude poursuit le développement et la qualification du moteur Navier qui présente la particularité d'être réalisé en impression 3Dimpression 3D métallique par l'entreprise luxembourgeoise SaturneSaturne Technology, un des leaders européens de la fabrication additive métallique par fusionfusion laserlaser. La technologie de la fabrication additive permet ici de s'affranchir de la complexité d'un moteur traditionnel, généralement constitué de centaines de pièces. Composé d'un alliagealliage InconelInconel 718, ce moteur est capable de fonctionner à des températures bien supérieures à 700 °C et présente une grande résistancerésistance à l'oxydationoxydation et la corrosioncorrosion. Zéphyr utilisera 10 moteurs Navier, dont 9 sur le premier étage et 1 spécialement adapté à la propulsion dans le vide spatial sur l'étage supérieur. Tous ces moteurs fonctionnent avec un mélange de kérosènekérosène et d'oxygèneoxygène liquideliquide.

    Des essais de mise à feu prometteurs

    Après une première mise à feufeu réussie en janvier 2023, dont l'essai le plus long a duré 36 secondes, une nouvelle étape clé vient d'être franchie avec de nouveaux tests concluants, cette fois-ci en poussant les moteurs au maximum de leur capacité. Ces divers essais, car il y a eu plusieurs mises à feu, « ont permis d'en apprendre beaucoup sur le fonctionnement du moteur avec un bon ISPISP (impulsion spécifie) et de corriger les dysfonctionnements rencontrés comme des pertes de charge trop importantes », explique Walter Grzymlas, fondateur et CEO de Saturne Technology. Ils viennent de « parachever plus de deux années de conception et de développement de la part des équipes de Saturne Technology et Latitude », tient-il à souligner.

    D'ici la fin de l'année, les deux partenaires ont prévu de « procéder rapidement aux essais de la seconde évolution du moteur Navier, en utilisant le banc d'essai développé par les équipes de Latitude ». L'objectif principal étant de « qualifier le moteur de vol », tandis que d'autres essais sont également prévus pour « disposer de l'ensemble des données nécessaires afin de procéder au lancement de Zephyr ».


    La start-up Latitude présente la première version de son moteur-fusée

    Parmi les acteurs français du New SpaceNew Space, il faudra très certainement compter avec la start-upstart-up Latitude qui développe le nano-lanceur Zéphyr. Il y a quelques jours, elle a présenté la première itération de son moteur-fuséefusée Navier dont la particularité est d'être entièrement fabriquée par impression métallique 3D. Selon Stanislas Maximin, CEO et cofondateur de Latitude, nous explique tout l'intérêt de ce lanceur et pourquoi il peut se faire une place sur certains marchés du lancement de satellites.

    Article de Remy Decourt publié le 01/07/2022

    À l'ère du New Space, la miniaturisation rend aujourd'hui possible la fabrication de satellites de très petites tailles, jusqu'à moins d'une dizaine de kilogrammes ! Cette miniaturisation entraîne la multiplication de projets de constellations de tous gabarits. Une toute nouvelle panoplie de petits satellites couvre ainsi des marchés et propose des services, dont certains inédits, pour une très grande variété d'applicationsapplications et de services à valeur ajoutée dans tous les domaines, qu'ils soient civils, scientifiques, technologiques ou militaires.

    Tous ces petits satellites sont à lancer. Et les lanceurs traditionnels ne sont peut-être pas la solution de lancement la mieux adaptée pour bon nombre de ces projets. Il y a donc un réel intérêt à développer des petits lanceurs à la « même échelle » que ces petits satellites et adaptés aux spécificités de ces marchés qui se concentrent principalement sur des orbites basses.

    Viser des marchés de lancement de petits satellites, un par un plutôt que par grappe

    Une perspective commerciale que Stanislas Maximin, CEO et cofondateur de Latitude, a jugé suffisamment prometteuse et attractive pour développer son propre nano-lanceur. Baptisé Zéphyr, ce petit lanceur de 17 mètres compte deux étages et 7 moteurs identiques (6 pour l'étage principal et 1 pour l'étage supérieur). Délivrant une poussée unitaire d'une vingtaine de kN, soit une poussée d'environ deux tonnes, il peut facilement lancer en orbite des petits satellites jusqu'à une centaine de kilogrammes.

    Ce projet a reçu le soutien technologique du Cnes et financier de BPIFrance dans le cadre du plan France 2030

    Bien évidemment, Zéphyr ne va pas concurrencer les 10 tonnes de performance d'Ariane 6 ou les 2,5 tonnes de Vega CVega C. Stanislas Maximin fait le pari qu'une offre de services complémentaire apportant flexibilité et réactivité est possible et peut s'installer durablement sur des marchés bien spécifiques, dont ceux du lancement de satellites de moins de 100 kilogrammes nécessitant un nano-lanceur dédié. Une solution complémentaire aux lanceurs classiques.

    Preuve de la solidité de ce projet, ce projet a reçu le soutien technologique du Cnes et financier de BPIFrance dans le cadre du plan France 2030.

    Un moteur entièrement imprimé en 3D

    Il y a quelques jours, Latitude a présenté la première itération du Navier, le moteur de Zéphyr. Baptisée Navier Mark I, cette première version moteur entièrement fabriquée par impression métallique 3D, avec le soutien de la PME luxembourgeoise Saturne Technology, permettra de recueillir un retour sur expérience afin de développer le Navier Mark II, qui propulsera Zéphyr lors de son vol orbital inaugural en 2024. Les tests du moteur, prévus dès cette année et tout au long de l'année 2023, seront réalisés sur le site de Vernon où ArianeGroup développe les moteurs Vulcain 2.1 et Vinci d'Ariane 6Ariane 6 ainsi que le futur moteur réutilisablemoteur réutilisable Prometheus.

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    Un véritable moteur spatial imprimé en 3D réalisé par des étudiants

    Latitude a conçu un modèle entièrement imprimable en 3D, ce qui permet de réaliser des pièces très complexes, mais aussi plus légères, en un minimum de temps et à moindre coût. À la clef, la possibilité pour Latitude d'industrialiser la production de Zéphyr. C'est pourquoi la start-up s'est associée à la PME luxembourgeoise Saturne Technology, spécialisée en fabrication additive (ou impression 3D) métallique. Ensemble, les deux entreprises ont pu imprimer une première version du moteur Navier, baptisée Navier Mark I et ce, en moins d'une semaine. Les différents composants ont été fabriqués à partir d'une imprimante SLM 500 et d'une poudre d'Inconel 718. En alliage à base de nickelnickel, l'Inconel 718 a l'avantage de présenter une résistance thermiquerésistance thermique exceptionnelle jusqu'à 700 °C et une forte résistance à l'oxydation et à la corrosion.

    La première itération de son moteur-fusée Navier. Baptisée Navier Mark I, cette première version moteur entièrement fabriquée par impression métallique 3D avec le soutien de la PME luxembourgeoise Saturne Technology permettra de recueillir un retour sur expérience afin de développer le Navier Mark II, qui propulsera Zéphyr lors de son vol orbital inaugural en 2024. © Latitude
    La première itération de son moteur-fusée Navier. Baptisée Navier Mark I, cette première version moteur entièrement fabriquée par impression métallique 3D avec le soutien de la PME luxembourgeoise Saturne Technology permettra de recueillir un retour sur expérience afin de développer le Navier Mark II, qui propulsera Zéphyr lors de son vol orbital inaugural en 2024. © Latitude

    La parole à Stanislas Maximin, CEO et cofondateur de Venture Orbital Systems, aujourd'hui Latitude.

    Futura :  La multiplication des projets de micros et petits lanceurs rend perplexe. On l'est encore plus avec votre projet de « nano-lanceur » ! En Europe, votre petit lanceur devra faire face à la concurrence de Maia et les lancements multiples de Vega et Ariane 6. Y aura-t-il un marché suffisant pour tout le monde ?

    Stanislas Maximin : Cette multiplication est une preuve (encore plus crédible en voyant les carnets de commande des premiers entrants) de la croissance de ce marché. Bien sûr, tous ces acteurs n'arriveront pas à maturité, et tous ne vont pas forcément survivre. C'est un modèle classique et très connu dans tous les autres secteurs économiques en disruptiondisruption par de nouveaux entrants.

    Concernant Latitude, notre positionnement s'est justement fait en considération de cela. Nous ne voulons pas venir concurrencer RocketLab, déjà en opération, ou Firefly, quasiment en opération. Nous attaquons un marché qui manque de solutions physiquesphysiques pour déployer leurs grappes de satellites au bon endroit dans l'espace. Et nos premiers travaux avec nos prospects confirment bien cet intérêt vital pour eux.

    Concrètement, quels sont les marchés visés et souhaitez-vous ouvrir à de nouveaux marchés ?

    Stanislas Maximin : Nous visons un marché de satellites pesant moins de 100 kilogrammes. L'année dernière, cela représente plus de 500 satellites envoyés dans l'espace. Aucun dans une mégaconstellation. C'est donc un des marchés avec le plus fort potentiel pour un microlanceur.

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    On estime que d'ici à 2030, il faudra en envoyer plus de 10.000 de ces satellites dans l'espace et 40 % de ce nombre nécessitera en grande majorité un micro-lanceur dédié.

    Techniquement, comment se présente votre nano-lanceur Zéphyr et quelles sont ses principales caractéristiques concernant la masse, les performances et le coût d’utilisation par exemple ?

    Stanislas Maximin : Zephyr est un lanceur bi-étage tirant parti du couple RP-1/LOXLOX afin d'alimenter ses moteurs Navier, entièrement imprimés en 3D. Zephyr dispose d'une capacité d'environ 100 kg en orbite basse, pour un coût de lancement entre 25 k€ et 35 k€.

    Le lanceur est facilement transportable en conteneurs standardisés, opérables depuis un pas de tir mobilemobile et très sobre, permettant de réduire considérablement les coûts d'opération. Enfin, toutes les pièces ont été pensées pour une production en masse.

    Haut de 17 mètres, le nano-lanceur Zéphyr de la start-up française Latitude dont le premier vol est prévu en 2024. © Latitude
    Haut de 17 mètres, le nano-lanceur Zéphyr de la start-up française Latitude dont le premier vol est prévu en 2024. © Latitude

    Zephyr embarque-t-il des innovations technologiques ?

    Stanislas Maximin : Il embarque plusieurs innovations technologiques, en particulier au sein de ses systèmes et sous-systèmes propulsifs. D'autres innovations sont aussi présentes, sur les essais, les moyens sols, la production etc.

    Ses moteurs seront fabriqués par impression métallique 3D. Quelles sont les contraintes induites par ce procédé de fabrication ?

    Stanislas Maximin : Une des contraintes principales est posée par les formes d'impression. Même si l'impression 3D permet une plus grande diversité de formes comparée à l'usinage traditionnel, les possibilités d'impression sont conditionnées à celles d'un angle maximal d'impression. En cas d'erreur, la pièce ne supportera pas le processus de production. Ces paramètres doivent donc être pris en compte dès les phases préliminaires de conception.

    En outre, la pièce ne sort pas toute prête de l'imprimante. Ainsi, il est nécessaire d'avoir une vraie expertise sur tous les processus de post-traitement.

    D’où sera lancé le Zéphyr ? Depuis la Guyane ?

    Stanislas Maximin : Nous avons récemment signé un accord avec SaxaVord, le spatioport écossais situé dans les îles Shetland. D'autres sont à l'étude comme certains pas de tir du nord de l'Europe et bien entendu, le CSGCSG à Kourou.

    Quand est prévu son premier vol et à quelle date envisagez-vous sa mise en service ?

    Stanislas Maximin : 2024 pour le premier vol, 2025-2026 pour les 1ers vols commerciaux.

    Des évolutions futures du Zéphyr sont-elles déjà à l'étude, voire d’autres petits lanceurs plus performants ?

    Stanislas Maximin : Nous nous concentrons sur Zephyr et ses évolutions (pour atteindre rapidement un optimum économique et de performance. D'autres projets très ambitieux sont également en cours de développement.