au sommaire


    Comment fonctionnent les implants cochléairesimplants cochléairesL'implant cochléaire conduit-il à un remodelage du cerveaucerveauQuels sont les liens entre les aires visuelles et les aires auditives du cerveau ? Pascal Barone, chercheur au CNRS répond à toutes ces questions.

    Implants cochléaires. © Kjpargeter, Shutterstock
    Implants cochléaires. © Kjpargeter, Shutterstock

    Pascal Barone est responsable de l'équipe « Dynamique du traitement et interactions corticales » au centre de recherche CNRS « Cerveau et CognitionCognition » de Toulouse. En étroite collaboration avec OlivierOlivier Deguigne du CHU de Toulouse, il travaille sur les implants cochléaires et étudie la récupération des fonctions des patients.

    Pascal Barone. © CNRS/Cyril Frésillon
    Pascal Barone. © CNRS/Cyril Frésillon

    Comment fonctionnent les implants cochléaires ?

    Les implants utilisent le principe de transformation d'un signal sonore en un signal électrique qui stimule le cerveau. Un microphone externe capte le signal auditif. Le son est numérisé et transformé en impulsions électriques qui stimulent les cellules de la cochléecochlée. La cochlée est sensible aux basses et aux hautes fréquences. Les cellules proches de l'apexapex captent les sons graves et les cellules de la base les sons aigus.

    Le signal fourni par le processeur est décomposé en bandes fréquentielles, correspondant au nombre d'électrodes implantées. Aujourd'hui, les implants cochléaires possèdent jusqu'à 20 électrodes. Chacune des 20 bandes fréquentielles est envoyée sur une des 20 électrodes. L'information est envoyée aux électrodes correspondantes en fonction de leur position dans la cochlée. Il existe plusieurs difficultés : le nombre d'électrodes implantées dans la cochlée doit être suffisant, le processeur doit fournir le plus d'informations possibles et le nerf auditif doit être bien préservé.

    L'implant cochléaire conduit-il à un remodelage du cerveau ?

    Grâce à l'implant cochléaire, les patients récupèrent l'intelligibilité de la parole. Mais cela ne marche que chez des sourds adultes post-linguaux, c'est-à-dire chez qui la surdité est apparue après l'apprentissage du langage. Pour des sourds de naissance (pré-linguaux), un implant cochléaire posé à l'âge adulte ne permet pas de récupérer le langage, mais juste l'audition des sons. Le cerveau du sujet sourd pré-lingual s'est réorganisé. À cause de la surdité, le réseau auditif traite d'autres informations et les aires auditives ne peuvent pas récupérer leurs fonctions initiales. En revanche, chez un enfant sourd de naissance, si on lui pose un implant cochléaire vers 2 ou 3 ans, c'est-à-dire avant l'acquisition du langage, cela fonctionne très bien ! Chez les sourds post-linguaux, il s'agit souvent de surdités progressives. Les patients portent une prothèseprothèse externe puis, lorsque celle-ci devient inefficace, la pose d'un implant est nécessaire.

    Avant d'avoir un implant, ces patients utilisent une fonction compensatrice, en lisant sur les lèvres : la vision active les aires auditives, par la lecture labiale. Après la pose de l'implant, ce phénomène s'estompe car les patients récupèrent l'audition par l'implant. Mais la vision est toujours importante car l'implant cochléaire donne une information grossière. Les patients récupèrent la parole, mais c'est plus difficile pour eux dans des situations de bruit, par exemple. Ils utilisent alors la vision et la lecture labiale, et ainsi il existe continuellement une synergiesynergie entre vision et audition, ce qui fait que l'état d'activation des aires auditives d'un sourd implanté est toujours différent de celui d'un normo-entendant.

    Quels sont les liens entre les aires visuelles et les aires auditives du cerveau ?

    Nous avons montré que, chez un sujet normal, il existe des connexions directes entre le cortexcortex auditif primaire et le cortex visuel primaire. Auparavant, nous pensions que ces connexions entre régions du cerveau traitant des modalités sensorielles différentes n'existaient que dans le haut de la hiérarchie de traitement de l'information. En fait, elles existent aux premiers étages de la hiérarchie ! Si un stimulus auditif est associé à un stimulus visuel, la réponse du sujet est plus rapide que s'il n'y a qu'un seul stimulus. C'est le principe de l'intégration multisensorielle : elle améliore notre perception à un bas niveau de perception. Par exemple, une faible lumière associée à un son sera mieux perçue qu'en l'absence de son. Il en est de même chez le patient sourd implanté cochléaire, chez qui la lecture labiale améliore l'audition, du fait d'une information appauvrie fournie par l'implant. Au niveau du cerveau, les aires auditives sont activées par la vision du mouvement des lèvres. Il faut donc mieux voir pour bien entendre !

    Quels sont vos projets de recherche ?

    Nous travaillons sur les sourds et continuons à explorer le remodelage du cerveau. Nous étudions aussi le rôle de la vision dans la compréhension du langage et dans l'audition. Nous privilégions une réhabilitation visuo-auditive ou multisensorielle pour améliorer la récupération du patient sourd implanté. Nous travaillons aussi sur la prosodieprosodie, c'est-à-dire l'intonation qui permet de reconnaître une question d'une affirmation. Par exemple, lorsqu'on pose une question à quelqu'un, en plus de l'intonation, il existe une composante visuelle de la prosodie : un mouvement de tête, un haussement de sourcilsourcil... Les sourds utilisent probablement ces indices prosodiques. C'est pourquoi ils distinguent mal les questions au téléphone.