au sommaire


    Découvrir Habiba Bouhamed Chaabouni

    Découvrir Habiba Bouhamed Chaabouni

    Habiba Bouhamed Chaabouni a consacré sa vie professionnelle de médecin et de chercheur à l'amélioration des conditions de santé des enfants et des familles en Tunisie affectés par des maladies génétiquesmaladies génétiques. Pionnière, elle s'est battue pendant plus de vingt ans afin que la génétique médicale soit reconnue comme discipline médicale essentielle dans son pays, dans le domaine de la recherche comme dans celui de la formation des médecins.

    Jeune étudiante, Habiba Bouhamed ChaabouniHabiba Bouhamed Chaabouni hésite entre la médecine et la chimie et ne sait quelles études entreprendre. Elle finit par choisir la médecine, obtenant son doctorat en 1977. C'est au cours de sa formation, alors qu'elle est en stage dans un service de pédiatriepédiatrie, qu'elle prend conscience des difficultés auxquelles sont confrontées les familles dont les enfants souffrent de maladies génétiques telles que la thalassémiethalassémie ou la trisomie 21trisomie 21, et de la médiocrité des soins qui leur sont prodigués.

    Cette expérience déterminera le cours de sa carrière.

    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL - UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires. <br />Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni dans son laboratoire Université - Ecole Médicale de Tunis<br /> &copy;  Micheline Pelletier / GAMMA
    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL - UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires.
    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni dans son laboratoire Université - Ecole Médicale de Tunis
    © Micheline Pelletier / GAMMA

    En effet, l'absence de soins appropriés dans ce domaine se pose avec une acuité toute particulière en Tunisie. Le pays se caractérise par l'un des taux de mariages consanguins les plus élevés du monde et connaît par conséquent, une forte prévalenceprévalence de maladies génétiques. Dans une étude épidémiologique que le Professeur Bouhamed Chaabouni mène dans le nord de la Tunisie en 1983, elle découvre qu'un quart des mariages dans la région se fait entre cousins germains. Ce taux ne connaît pas d'évolution y compris dans les générations récentes. Or, bon nombre de maladies génétiques à caractère récessifrécessif proviennent du fait que le sujet hérite de deux copies d'une même mutation génétique. Il y a donc plus de risques que deux cousins aient une mutation identique puisqu'ils ont deux grands-parents en commun dont l'un peut être porteur d'une mutation transmissible aux générations suivantes. Une maladie récessive chez un enfant né d'un mariage consanguin donne à penser que d'autres membres de cette même famille sont peut-être porteurs sains de la même mutation, et qu'ils risquent donc d'avoir des enfants affectés.

    La gestion des maladies génétiques

    Alors que sa carrière ne faisait que commencer, Habiba Bouhamed Chaabouni se rend compte de l'importance des services de conseil génétique dans la bonne gestion des maladies héréditairesmaladies héréditaires en Tunisie. Pendant plus d'une décennie, elle oeuvre pour mettre en place les infrastructures nécessaires - formant des cliniciens aux techniques de diagnosticdiagnostic de ces maladies, développant des services de conseil génétique, et mettant en place des laboratoires dotés d'équipements modernes pour assurer des diagnostics exacts et fiables, en dépit des difficultés liées au contexte économique et social. En 1981, des services de conseil génétique sont proposés pour la première fois à des familles tunisiennes et en 1993, grâce à la persistance des efforts du Professeur Bouhamed Chaabouni, le premier service de génétique médicale tunisien ouvre ses portesportes. Doté d'une consultation, d'un laboratoire de cytogénétique et d'un laboratoire de biologie moléculairebiologie moléculaire, ce service a accueilli plus de 40 000 personnes depuis. Le Professeur Bouhamed Chaabouni a apporté d'importantes contributions à la réforme des études médicales en Tunisie, faisant en sorte que tous les étudiants en médecine bénéficient d'un enseignement minimal en génétique médicale. Elle a également oeuvré en faveur d'une initiative visant à donner à tous les médecins en exercice en Tunisie une formation pratique dans le domaine des maladies génétiques, du conseil génétique et du diagnostic prénatal. Enfin, Habiba Bouhamed Chaabouni est aussi très impliquée dans la sensibilisation de l'opinion publique tunisienne à la préventionprévention des maladies génétiques.

    <br />Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL -UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires. <br />Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni dans son laboratoire - Ecole Médicale de Tunis<br />&copy;  Micheline Pelletier / GAMMA

    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL -UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires.
    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni dans son laboratoire - Ecole Médicale de Tunis
    © Micheline Pelletier / GAMMA

    Si elle n'a guère eu accès à des centres scientifiques de haut niveau en début de carrière, le Professeur Bouhamed Chaabouni, ardent défenseur de l'intégration de la médecine et de la recherche, a cependant apporté des contributions importantes à la recherche en médecine génétique, identifiant et décrivant de nouvelles mutations dans des affections telles que l'hyperplasiehyperplasie surrénale congénitale, la fièvre méditerranéenne familialefièvre méditerranéenne familiale, et les fentes palatines liées au chromosomechromosome X.

    A l'instar des scientifiques qu'elle admire, qu'il s'agisse de figures historiques comme Claude BernardClaude Bernard, physiologiste français du 19ème siècle, ou de contemporains comme le généticiengénéticien Axel KahnAxel Kahn, le Professeur Bouhamed Chaabouni reste convaincue qu'il n'y a pas de vérités immuables et que la science reste une source de progrès pour la société. Habiba Bouhamed Chaabouni a contribué à bon nombre d'initiatives internationales se rapportant aux maladies héréditaires, y compris la Déclaration universelle sur le génomegénome humain et les droits de l'homme adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO.

    Témoignage : « J'ai accompli un rêve d'enfance : comprendre comment la vie commence et en quoi les êtres humains sont éternels. »

    Enfant, Habiba Bouhamed Chaabouni posait sans cesse des questions à son entourage sur l'évolution du cosmoscosmos et la fin du monde. « Ce désir de comprendre la vie et l'univers que j'ai depuis l'enfance et ma curiosité sont probablement à l'origine de mon choix d'une carrière scientifique », dit-elle. « Je pense qu'en embrassant une carrière dans la génétique, j'ai accompli un rêve d'enfance : comprendre comment la vie commence et en quoi les êtres humains sont éternels. L'ADNADN, dont ils sont faits, peut durer éternellement sur Terre »

    Même si elle aimait la littérature et les langues, Habiba Bouhamed Chaabouni n'a pas hésité à choisir une voie scientifique. Elevée dans une famille qui privilégiait la discipline, j'avais des facilités pour la logique scientifique et les raisonnements mathématiques. Les questions scientifiques correspondaient bien à mes attentes et m'ont apporté une certaine satisfaction intellectuelle.

    <br />Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL -UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires. <br />Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni avec son équipe de recherche à l'Université Ecole Médicale de Tunis <br />&copy;  Micheline Pelletier / GAMMA

    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni, Tunisie, L'ORÉAL -UNESCO Award For Women in Science, 2006 Laureate pour l' Afrique. Pour sa contribution à l'analyse et la prévention des troubles héréditaires.
    Pr. Habiba Bouhamed Chaabouni avec son équipe de recherche à l'Université Ecole Médicale de Tunis
    © Micheline Pelletier / GAMMA

    « Ma génération a profité d'une politique de promotion de l'éducation. Filles et garçons étaient encouragés à aller à l'école et tous les étudiants avaient droit à une bourse. Mon père, bien qu'il n'eût aucun diplôme, était un grand défenseur du savoir, de la culture et de l'éducation de ses enfants. Il nous répétait que les études et les diplômes étaient les meilleures garanties de notre indépendance et de notre liberté. Avec l'ouverture de la Tunisie à l'Europe, l'accès à l'enseignement supérieur et à la presse scientifique, si partiel fut-il, a fortement valorisé la science. Tous ces éléments ont eu une incidenceincidence favorable sur ma carrière scientifique ».

    Mais la carrière de Habiba Bouhamed Chaabouni ne s'est pas déroulée sans heurts. « Les femmes n'étaient pas censées évoluer dans un monde masculin. Or, à l'époque, il y a 35 ans, les sciences étaient le domaine des hommes. Les études de médecine n'étaient pas faites pour les femmes et les femmes n'étaient pas censées faire carrière.

    Elles devaient préserver une marge de sécurité vis-à-vis des hommes dans leur vie professionnelle. Ces prémisses culturelles ont parfois pénalisé ma carrière, notamment sur le tard. Une fois, on m'a même refusé un poste de responsabilité qui a été attribué à un collègue masculin au seul motif que j'étais une mère de famille mariée et heureuse! » En dépit de ces difficultés, son désir profond de développer une spécialité médicale et scientifique et de mettre en place en Tunisie une approche différente de la médecine l'a poussée à poursuivre sa carrière scientifique. « J'aime ma spécialité; j'apprends, je produis, je forme les scientifiques et les médecins de demain et je communique avec le public pour démystifier les maladies génétiques ».

    Avant tout, Habiba Bouhamed Chaabouni se réjouit de savoir que son travail peut aider des malades et leurs familles ainsi que la population dans son ensemble. « C'est non seulement important - je dirais même que c'est ma raison-d'être professionnelle - », explique-t-elle, « que d'aider les familles affectées et les malades à comprendre ce qui leur arrive et, avant tout, à avoir des enfants sains ».