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    Poser le problème de la génération de la pensée artificielle

    Poser le problème de la génération de la pensée artificielle

    On considère donc un système qui va devoir générer des pensées artificielles, et qui est lié de manière temps-réel à un corps artificiel constitué de différents capteurscapteurs et effecteurs.

    Une pensée est, sous son aspect physique, une forme émergente dans un organe aux propriétés très particulières : le cerveaucerveau. Le fonctionnement du cerveau montre qu'il n'est pas constitué de couches fonctionnelles, qu'il n'est pas fait de composants aux liens prédéfinis et aux rôles fonctionnels immuables qui constitueraient des structures fixes. Le cerveau ne produit pas de la pensée comme une sorte d'usine, très compliquée, produirait des états dits de pensée après un processus de fabrication bien déterminé. Le fonctionnement du cerveau n'est pas non plus celui d'un système infini non appréhendable : ce qu'il produit est connaissable et compréhensible, et le sera totalement un jour avec les travaux des neurobiologistes.

    Il s'agit, en s'intéressant à la pensée, de trouver la bonne échelle de son intelligibilité pour réaliser la transposition. Il y a bien quelque chose de systémique dans la production de pensées et d'émotions, mais la notion de système utilisée n'est pas classique. Il faut, pour comprendre ce qu'est un état de pensée, abandonner la notion de programme vu comme un processus automatique qui ne ferait finalement qu'atteindre des états prédéfinis après une longue suite de calculs.

    Il s'agit de s'engager dans l'étude de systèmes qui sont constitués d'éléments dynamiques relativement autonomes, très nombreux, très évolutifs et qui opèrent par réorganisations et modifications incessantes de leur propre organisation. Ces éléments sont structurellement homogènes, mais doivent indiquer chacun des caractères en rapport avec les caractères d'une idée qui peut être produite : ils ne sont pas du tout identiques, et il ne s'agit donc pas d'un système particulaire, comme les systèmes étudiés en physique ou dans la théorie du chaos. Ce système doit pouvoir construire sans cesse, à partir de ces entités et selon de multiples contraintes venant de l'extérieur via la corporéité, des configurations au sens géométrique du terme, valant pour des états morphologiques et évidemment sémantiques. Ces états organisationnels doivent en effet avoir une double signification :
    1. ils ont une conformationconformation au sens géométrique, c'est-à-dire une certaine forme,
    2. ils ont une signification, au sens cognitif, c'est-à-dire qu'ils doivent être systématiquement associés à la désignation clairement exprimée par des mots de quelque chose d'intelligible du monde.

    Image du site Futura Sciences

    Ce sont des systèmes qualifiés de complexes au sens organisationnel du terme. Les états qu'ils produisent ne sont pas les états produits par un certain automateautomate, mais des émergencesémergences toujours un peu nouvelles dans leurs caractères, souvent imprévisibles mais toujours adéquates à la situation du système en posture dans son environnement.

    Ce qui est précisément recherché dans la constructionconstruction d'un tel système est bien la notion d'autonomieautonomie comportementale, sur laquelle se fondera l'intentionnalité, comme c'est le cas pour tout organisme vivant qui se comporte pour son compte. Pour transposer la production de pensées dans le calculable des ordinateursordinateurs, il s'agit de découvrir des architectures très dynamiques, qui s'activent en subissant des tendances multiples comme dans le psychisme humain, donc sous la poussée de tendances fondamentales valant pour des pulsions, et résolvant continuellement, pour produire un état ayant signification, les contradictions de ces tendances. Et il s'agit de trouver comment un état émergent formé de multiples entités co-actives, concurrentes ou associées, formant des grappes à plusieurs niveaux, peut être poussé à l'expression et ressenti par le système lui-même, de la même façon qu'une pensée est produite, appréciée et ressentie par l'esprit qui la génère. Ce sont les trois grandes questions à résoudre pour réaliser la transposition de la génération de pensées dans l'artificiel des systèmes calculables :
    1. Qu'est-ce que la production d'un système qui vaudrait pour une pensée ?
    2. Pourquoi le système s'engagerait-il vers une certaine production ici et maintenant, dans telle situation, et avec quelles qualités pour cette production ?
    3. Comment pourrait-il ressentir cette production ?

    Le système que nous développons est formé de processus particuliers, des agents logicielslogiciels légers en nombre très important (des centaines de milliers disponibles sinon plus), et les agents actifs (bien moins nombreux) seront organisés selon une architecture qui est la clé du problème. Un agent de ce type est un groupe de processus, dont les caractères sont d'être actif, proactif et sélectivement lié à d'autres pour son action rationnelle. Si ces agents ne sont pas capables de s'organiser, le comportement du système ne peut être que chaotique et si ces agents sont fortement structurés, le système se comporte de manière réactive, comme une machine.