Réveiller les morts, est-ce de la science-fiction ou un film d’horreur pour la soirée d’Halloween ? Non, il s’agit de l’objectif poursuivi par l'entreprise Bioquark avec son projet baptisé « ReAnima ». En juin dernier, nous décrivions le protocole que la société américaine souhaite mettre en œuvre pour redonner vie à des personnes en état de mort cérébrale. Le projet vise à restaurer une activité neuronale chez ces personnes en combinant plusieurs techniques : l’injection de cellules souches, la stimulation nerveuse et le laser.


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    Article paru le 7 juin 2017

    Les cellules souches apparaissent de plus en plus comme une piste sérieuse pour traiter de nombreuses pathologies nerveuses : AlzheimerAlzheimer, ParkinsonParkinson, lésions cérébrales... Alors pourquoi pas réparer le cerveau des morts pour ramener ces derniers à la vie ? Cette idée, digne d'un scénario de film de science-fiction (ou d'horreur), est le projet fou porté par une société américaine basée à Philadelphie : Bioquark.

    Ce n'est pas la première fois que la société veut participer à une expérience de ce genre. En 2016, l'étude ReAnima avait été lancée en Inde, à Bangalore, avec Himanshu Bansal, un chirurgien orthopédique de l'hôpital Anupam. Son projet était de combiner plusieurs techniques pour « réanimer » 20 personnes en mort cérébrale.

    ReAnima consistait à injecter aux patients des cellules souches mésenchymateuses et des peptides qui aident à régénérer les cellules du cerveau ; ces peptides devaient être fournis par l'entreprise Bioquark. En plus de ces injections, une stimulation laserlaser transcrânienne et une stimulation nerveuse étaient prévues. Ce projet est tombé à l'eau, stoppé net par les autorités indiennes en novembre dernier, comme le révélait alors la revue Science.

    Mais l'entreprise ne s'est pas avouée vaincue. Cette fois-ci, d'après le Business Insider, elle serait sur le point de trouver un nouveau lieu pour ses essais cliniquesessais cliniques. Ira Pastor, PDG de Bioquark, a déclaré au site Stat que l'entreprise ferait l'annonce de cet essai en Amérique latine dans les prochains mois.

    Le projet consiste à injecter des cellules souches pour former de nouveaux neurones qui vont se connecter et ramener le cerveau à la vie. © nobeastsofierce, Fotolia
    Le projet consiste à injecter des cellules souches pour former de nouveaux neurones qui vont se connecter et ramener le cerveau à la vie. © nobeastsofierce, Fotolia

    Des questions éthiques sur une expérience sans fondement scientifique

    Si l'expérience suit le même protocoleprotocole que celui prévu en Inde, elle pourrait inclure 20 personnes. L'essai clinique consisterait là aussi à injecter des cellules souches provenant du patient, issues de la graisse, du sang... Ensuite, un mélange de peptides serait injecté dans la moelle épinièremoelle épinière pour favoriser la croissance des nouveaux neuronesneurones. Ce mélange, appelé BQ-A, a été testé dans des modèles animaux de mélanomesmélanomes et de traumatismes crânienstraumatismes crâniens. À cela s'ajouteraient une stimulation nerveuse et une thérapiethérapie laser de 15 jours pour pousser les neurones à établir des connexions nerveuses. Les chercheurs pourraient alors suivre les effets de ce traitement grâce à des électroencéphalogrammesélectroencéphalogrammes.

    Un essai qui donnerait aux familles un faux et cruel espoir de rétablissement.

    Mais un tel protocole soulève de nombreuses interrogations : comment mener un essai clinique sur des personnes officiellement décédées ? Si la personne retrouve une certaine activité cérébrale, dans quel état sera-t-elle ? Donne-t-on de faux espoirs aux familles avec un traitement qui risque d'être long ?

    Or, rien ne laisse penser qu'un tel protocole puisse fonctionner. L'entreprise n'a même pas testé le traitement complet sur des modèles animaux ! Les traitements évoqués, comme l'injection de cellules souches ou la stimulation transcrânienne, ont pu être testés dans d'autres situations, mais pas dans le cas de morts cérébralesmorts cérébrales. Dans un article paru en 2016, la neurologue Ariane Lewis et le spécialiste de bioéthiquebioéthique Arthur Caplan signalaient que l'expérience n'avait aucun fondement scientifique et qu'elle donnait aux familles un « faux et cruel espoir de rétablissement ».